Les quatre syndicats de Bénin Télécoms SA dénoncent une «situation obscure »

Ils exigent l’arrêt immédiat du processus de privatisation

A la faveur d’une grande conférence de presse qu’ils ont organisée vendredi dernier, les quatre syndicats de Bénin Télécoms SA ont mis à nu, ce qu’ils qualifient de « dessous » de la privatisation de leur entreprise. Ils fustigent notamment «l’obscurité » qui règne autour du processus enclenché  depuis 2007 et exigent son arrêt immédiat au risque de les voir utiliser tous les moyens possibles  pour en arriver à  cette fin.
Syndicat national des télécommunications ( Synatel), Union des travailleurs des postes et  télécommunications ( Utrapostel), Syndicat des travailleurs de Bénin Télécoms SA ( Syntra Bénin Télécoms) et Syndicat  national de Bénin Télécoms ( Synabetel). Ces quatre organisations syndicales que compte Bénin Télécoms SA, ont ensemble  organisé une grande conférence de presse, vendredi dernier, au siège de leur entreprise à Ganhi. Objectif : alerter l’opinion publique nationale et internationale sur  les « dessous »  du processus de privation entamé  depuis 2007.
Ils remontent d’abord  un peu en  arrière  pour  rappeler  que c’est en  raison des exigences de la Banque .Mondiale et du Fonds Monétaire international, que le gouvernement du Président  d’alors,  Nicéphore Dieudonné Soglo,  a adopté le décret n° 94-361 du04 Novembre 1994 portant approbation de la déclaration de politique sectorielle des Postes et Télécommunications. La note de stratégie élaborée et approuvée   a donné le schéma d’ouverture du capital de l’opérateur public des Télécommunications ainsi qu’il suit: Etat Béninois : 15% ;  partenaire stratégique 40% ;  personnel de l’Opt ; 12% ; noyau d’opérateurs économiques nationaux 15% ;  petits porteurs nationaux 13% ; petits porteurs sous-régionaux : 5%.  Selon l’un des conférenciers, Mr Arsène Gnanguèno, Secrétaire général adjoint de l’Ultrapostel, les préoccupations qui sous-tendent une telle répartition du capital étaient, entre autres, d’éviter d’attribuer à tout groupe d’actionnaires une majorité absolue;  de promouvoir l’épargne publique en réservant une grande part aux petits porteurs…
A l’avènement du gouvernement 2 du Général Mathieu Kérékou, le même schéma d’ouverture de capital a été adopté ;  ce qui a permis la prise de l’ordonnance N° 2002-002 du 31 janvier 2002 portant principes fondamentaux du régime des Télécommunications et le décret N° 2004-260 du 05 mai 2004 portant création de la société Bénin Télécoms S.A ( BT-SA) et approbation de ses statuts. Malheureusement, le rapport final de la Banque d’Affaires n’a pu être déposé avant le départ du gouvernement 2 du Général Mathieu Kérékou, à croire les syndicats.

Une dette de 200 milliards ????

« Curieusement,  à l’avènement du gouvernement du changement, on nous a présenté une ardoise de  Bénin-Télécoms SA qui avoisine 177 milliards. Quelques temps après,  la dette  est passée à 200milliards » s’étonne un autre secrétaire général, Mr Topkanou  Hospice de Synatel. Sur la base de cette situation d’endettement, le gouvernement a adopté la communication N° 1486/06 du relevé n° 48/PR/SGG/Rel du 30 novembre 2006 relative  au plan de redressement de BT -SA sur une période de 2 ans. Ce plan est basé sur un financement externe d’environ 14 milliards. « Aujourd’hui, les travailleurs se demandent où sont passés les14 milliards pour qu’on nous parle encore de privatisation? » s’interroge le syndicaliste.  Il n’empêche que dans cette situation de redressement,   le Conseil des Ministres au cours de sa séance du 14 juillet 2007 sous la Présidence effective du Président de la République, Chef de l’Etat et Chef du Gouvernement, le Docteur Boni Yayi, a adopté une importante réforme structurelle dans quelques sociétés d’Etat dont Bénin Télécoms SA avec un chronogramme précis. Au point 3 du relevé, le Conseil des Ministres a procédé à l’évaluation de la restructuration en cours de la société Bénin Télécoms SA et !’ouverture de son capital social à hauteur de 51% par le marché financier régional et par appel d’offres international avant le 30 juin 2008 ; de même, le capital social de la société Libercom devra être ouvert aux privés.

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Autre zone d’ombre

« Peut-on faire une ouverture de capital social d’une entreprise à hauteur de 51% ? » se demandent  les syndicats de Bénin Télécoms-Sa. Dès lors,  ils  se posent  la question de savoir comment cela pouvait se passer d’autant plus qu’on leur  avait dit que la société est endettée à hauteur de 200 milliards? Mieux, la prise en cascade de ces décisions a débouché sur la création des structures ci-après:  une  commission technique chargée de l’ouverture et de l’évaluation des offres relatives au recrutement d’un consortium de consultants dans le cadre de l’ouverture du capital social de Bénin Télécoms SA qui comporte en son sein 2 représentants des syndicats ;  un  comité chargé du suivi du processus d’ouverture du capital social de Bénin Télécoms SA au sein du Ministère de la Communication et des Technologies de l’information et de la Communication qui comporte en son sein un seul représentant des syndicats. Une sorte de « gymnastique intellectuelle » que désapprouvent  les syndicats pour autant que, ces deux  structures non seulement n’ont pris en compte aucun des cadres de BT -SA mais aussi parce que  les syndicats sont représentés en minorité.
La dernière structure interministérielle créée est le Comité de pilotage chargé de la conduite et du suivi du processus d’ouverture du capital social de Bénin Télécoms SA. Dans ce comité, sont représentés les Cadres du ministère de tutelle, de l’économie et des finances, du Développement et du représentant de l’employeur. « Elle a sciemment exclu de sa composition les cadres et les représentants des organisations syndicales de Bénin Télécoms SA. » constatent avec amertume les syndicats. Dès la création de ce comité de pilotage, ils ont réagi par une lettre en date du 13 mai 2009 adressée au Ministre d’Etat chargé du développement. Cette lettre serait  restée sans suite jusqu’à ce jour. Or , c’est dans ce comité de pilotage que toutes les décisions stratégiques de privatisation seront prises. Mais, le Gouvernement aurait  jugé bon d’écarter de ce comité tous les travailleurs de Bénin Télécoms SA.

Arrêt immédiat du processus

« Face à cette situation, l’histoire récente des privatisations sans discernement des sociétés d’Etat initiées à la va-vite par les Gouvernements précédents, sous le diktat des Institutions de Breton Wood que sont la Banque mondiale (Bm) et le Fonds monétaire international (Fmi) a laissé un arrière-goût amer à tous les travailleurs et travailleuses de notre pays. » affirme  les syndicat de Bénin-Télécoms Sa. Ils veulent tirer  des leçons de ce triste passé encore vivace dans les mémoires en décidant, pour le cas de leur entreprise,  de l’arrêt immédiat du processus mis en place par le gouvernement aux fins de « brader » le patrimoine de l’Etat béninois surtout que cette société depuis 2005 n’a plus produit un bilan financier. De même ; ils exigent   la prise en compte par l’Etat des supposées dettes de BT -SA à l’instar des anciennes sociétés d’Etat tombée en faillite surtout qu’il est impossible de vendre à quiconque une société qui est endettée au-delà de sa valeur vénale.  Ils réclament également le paiement de toutes les dettes sociales des travailleurs ; la dotation   de BT -SA d’actifs seins afin de lui permettre de continuer son exploitation pendant deux ans avant l’ouverture de son capital social; la  considération  les recommandations issues de la tournée sous-régionale effectuée par la Direction Générale et les Partenaires sociaux dans les sociétés de Télécommunications du Mali, du Niger et du Burkina Faso qui auraient recommandé fortement de ne jamais vivre leur expérience en cédant 51% au repreneur stratégique et de prendre l’exemple sur le Sénégal qui est le seul Pays en Afrique de l’Ouest à avoir réussi la privatisation en concédant 34% de son capital social au repreneur stratégique, etc.

« En tout état de cause, les travailleurs de BT -SA n’accepteront jamais le bradage du patrimoine de !’Etat béninois programmé par le gouvernement du changement; invitent toutes les confédérations Syndicales et l’opinion publique à nous prêter main forte pour barrer la route aux fossoyeurs de 1’économie nationale »  déclarent  tous les quatre syndicats. A la suite de cette conférence de presse, ils entendent poursuivre les actions de protestation dès mercredi prochain à travers un grand sit-in qui se déroulera  devant la Direction générale de  Bénin Télécoms Sa, sise à Ganhi.

Christian Tchanou

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