Amoussou, Houngbédji, Idji attaquent Yayi
(Le chef de l’Etat décline sa responsabilité)
Le ministre chargé des relations avec les institutions, Zachari Baba Bodi, a été délégué constitutionnellement hier par le chef de l’Etat pour répondre en ses lieu et place devant la représentation nationale suite à son interpellation par 15 députés de l’opposition. Dans la réponse adressée aux députés, le chef de l’Etat a purement et simplement décliné sa responsabilité quant aux propos du ministre Fagnon incriminés, tandis que ces derniers ont exprimé au cours des débats leur insatisfaction totale.
Les députés signataires de cette interpellation ont-ils tiré à terre ? Tout porte à le croire puisque, des réponses données par le ministre chargé des relations avec les institution, délégué par le chef de l’Etat devant la représentation nationale, il ressort que le chef du gouvernement a purement et simplement décliné ses responsabilités face à tout ce qui est reproché à son ministre des travaux publics. Selon le contenu de la réponse adressée par le ministre Zachari Baba Bodi, le chef de l’Etat déclare :<<si les faits retenus contre le ministre Nicaise Fagnon ont retenu l’attention, leur imputation au chef de l’Etat au point de l’interpeller devant la représentation nationale ne s’explique pas. C’est pourquoi, il me parait opportun de les prendre pour ce qu’ils sont et de les situer à leur juste valeur>>. Il poursuit en disant que l’interpellation qui lui est adressée ne s’inscrit pas dans le cadre tracé par la constitution dont il est le garant et qu’il a la charge de faire respecter. Selon les explications du gouvernement, le ministre Nicaise Fagnon, ce jour-là, le 02 mai 2009, était en réunion politique revêtu d’un tee-shirt aux couleurs de son parti politique, ce qui traduit bien qu’il n’agissait pas en tant que ministre mais en tant que militant d’une alliance de partis politiques. Il conclut en disant qu’il ne saurait donc être interpellé légalement au sens de l’article 71 de notre constitution pour une activité qui ne s’inscrit pas dans le cadre de la fonction gouvernementale. Par rapport aux actes d’intolérance et de violation des libertés sur lesquels le chef de l’Etat a été interpellé, dont la prise d’arrêtés préfectoraux d’interdiction de réunions publiques dans l’Atacora-Donga et le Borgou-Alibori, le refus illégal d’installation des conseils communaux, le ministre Baba Bodi dira que la responsabilité du chef de l’Etat ne saurait être engagée.
Les députés de l’opposition indignés
Face à la réponse du chef du gouvernement, les députés signataires de la présente interpellation ont eu la dent dure contre le gouvernement suite aux arguments développés dans la réponse du chef cde l’Etat. Mais leurs collègues des Fcbe quant à eux ont loué et applaudi le chef de l’Etat. C’est le député Adrien Houngbédji, premier signataire de cette interpellation qui prendra la parole pour dire que ce dont il s’agit c’est la paix, l’unité et la défense des libertés publiques chèrement acquises dans notre pays. Selon lui, on n’est pas chef d’Etat pour fermer la bouche, les oreilles et laisser ses ministres parler. <<Nous ne voulons pas avoir dans notre pays les Milles Collines, les machettes et autres. Pour lui cette façon de botter à la touche ne leur plait pas.
Contrairement à la réponse du chef de l’Etat, Me Adrien Houngbédji dira que ce qui a été dit par Nicaise Fagnon engage totalement la responsabilité du chef de l’Etat. A en croire le président du Prd, si le gouvernement n’avait pas reconnu ce que Fagnon avait dit à Dassa, des dispositions auraient été prises pour faire passer la bande et la vidéo. <<Le chef de l’Etat a failli car il doit présenter des excuses publiques de son ministre?>> a-t-il déclaré pour finir. Il sera appuyé dans sa logique par la présidente de la RB Rosine Vieyra Soglo qui s’est désolée des réponses du chef de l’Etat. Selon elle, les députés n’ont pas entendu dans la réponse le contraire de ce que le ministre Fagnon a dit. Pour elle, certains propos du chef de l’Etat l’auraient chagrinée, car même si Fagnon n’était pas ministre, le chef de l’Etat devrait lui tirer les oreilles. <<Nous sommes inquiets car nous voulions que le chef de l’Etat lui-même monte au créneau pour dire que la paix n’est pas menacée>> a-t-elle déclaré. Le président Bruno Amoussou lui, a souhaité voir le chef de l’Etat lui-même venir plancher devant les députés. Il s’est dit embarrassé qu’il n’y ait pas eu une appréciation des propos tenus par le ministre Fagnon. Il a souhaité que le président de l’Assemblée nationale se prononce un jour lui-même par rapport à cela et qu’à l’avenir il y ait des prises de position fermes. Les députés Saka Fikara, Raphael Akotègnon, Eric Houndété, Timothée Gbèdiga, Kolawolé Idji, Georges Bada ont également apporté leur point de vue par rapport à la réponse du gouvernement.
La réaction du camp présidentiel
Les députés du camp présidentiel quant à eux ont soutenu le chef de l’Etat par rapport aux réponses apportées. C’est le député Fcbe Djibril Débourou qui a été plus amer dans ses propos en attaquant vertement le président Adrien Houngbédji et Bruno Amoussou, qui eux ne participent jamais aux travaux en plénière et en commission. <<Des députés fantômes signent des interpellations fantoches, brillent par leur absence aux travaux à l’Assemblée nationale. Ils montent des coups fourrés et perçoivent des indemnités parlementaires>> renchérit Djibril Débourou. Le député Dénis Oba Chabi des Fcbe s’érigera en défenseur du ministre Nicaise Fagnon. Selon ses propos, personne ne peut accepter au Bénin la destruction de notre démocratie. Selon lui, les mêmes propos tenus à Dangbo, Kétou par le chef de l’Etat qui font aujourd’hui objets de critiques auraient été également tenus dans les collines par le chef de l’Etat et ne l’aurait pas déclaré dans un mauvais sens. Il sera rejoint dans ses propos par d’autres députés des Fcbe tels que Soulé Sabi Moussa, Moussa Yari, Amadou Taiyo, Léon Ahossi et Thomas Ahinnou.
Outre cette interpellation, une autre interpellation relative à la gestion de la Sonapra fera également objet d’ici le jeudi prochain, de réponse de la part du gouvernement.
Présence remarquée de Me Adrien Houngbédji et de Bruno Amoussou
Le président du Prd, Adrien Houngbédji et le président du Psd, Bruno Amoussou, tous députés ont été très remarqués hier à l’hémicycle au cours des débats relatifs à la réponse de l’interpellation du chef de l’Etat suite aux propos tenus par le ministre des travaux publics Nicaise Fagnon à Dassa. Ces deux personnalités sont très rares au parlement, mais on imagine que c’est l’importance qu’ils accordent à ce dossier qui justifie leur présence hier au palais des gouverneurs à Porto-novo. Puisque, ces derniers ont été signataires de la présente interpellation. Contre toute attente, leurs diverses interventions ont accroché plus d’un au sein de l’hémicycle car ils ont été très poignant dans leur intervention et très critiques envers le chef de l’Etat.
Par ailleurs, Ils ont à leur tour essuyé des critiques de la part de certains députés des Fcbe tels que Djibril Débourou qui ne les a pas ratés. Il est allé jusqu’à dire qu’ils sont <<des députés fantômes signent des interpellations fantoches, brillent par leur absence aux travaux à l’Assemblée nationale. Ils montent des coups fourrés et perçoivent des indemnités parlementaires>>. Un autre député des Fcbe Thomas Ahinnou a souhaité qu’ils participent désormais aux travaux, vu la qualité de leur intervention et les expériences dont ils disposent.
Ismail Kèko
Réponse du président de la République, Chef du gouvernement à l’intention de l’Assemblee nationale objet de la décision 2009-017/pt/an
Monsieur le Président de l’Assemblée Nationale,
Honorables députés,
Le 02 juin 2009, l’Assemblée nationale, en application des dispositions des articles 71 et 113 de la Constitution du 11 décembre 1990 et 113 de son règlement intérieur, a acueilli favorablement la demande d’interpellation du Président de la République, chef de l’Etat, chef du gouvernement, formulée par un certain nombre de députés au motif que des menaces pèseraient sur les libertés et l’unité nationale.
Au soutien de cette décision, il est allégué que Monsieur Nicaise Fagnon, membre du gouvernement, aurait déclaré lors d’une manifestation politique à Dassa-Zoumè le 02 mai 2009, qu’il s’opposerait au <<pluralisme politique dans sa région >> d’origine puis aurait <<mis en garde toute personne qui ferait un autre choix politique que le sien et se hasarderait à venir l’exprimer à Dassa voire dans le département des collines>>.
Décryptant ces propos, les députés signataires de la demande d’interpellation en sont arrivés à la conclusion qu’ils s’inscriraient dans une série d’actes qu’aurait posés le gouvernement du Président Boni Yayi et qui mettraient en péril les acquis démocratiques de la République du Bénin.
Au nombre de ces actes, je retiens entre autres :
. « La prise d’arrêts préfectoraux d’interdiction de réunions publiques dans l’Atacora-Donga et le Borgou-Alibori, alors que dans le même temps, les ténors du régime y organisent des rassemblements, intoxiquent et corrompent les populations »
. Le refus illégal d’installation des conseils communaux aussi longtemps que la formation politique du chef de l’Etat, Fcbe, n?y détiendrait pas la majorité, assorti de violence faite aux populations »
Ils en déduisent que la responsabilité du Président de la République serait « largement engagée ».
Si les faits ci-dessus relatés ont retenu l’attention, leur imputation au chef de l’Etat au point de l’interpeller devant la représentation nationale ne s’explique pas. C’est pourquoi, il me parait opportun de les prendre pour ce qu’ils sont et de les situer à leur juste valeur.
Monsieur le Président de l’Assemblée nationale,
Honorables députés,
Je me dois de dire que l’interpellation qui m’est adressée ne s’inscrit pas dans le cadre tracé par notre loi fondamentale dont je suis le garant et que j’ai la charge de faire respecter.
En effet, l’interpellation qui est une demande d’explication adressée par des parlementaires au gouvernement sur sa politique générale ou sur une question déterminée est prévue par les articles 71 et 113 de la Constitution ainsi que par l’article 113 du règlement intérieur de l’Assemblée nationale en ces termes <<Le Président de la République ou tout membre de son gouvernement peut, dans l’exercice de ses fonctions gouvernementales, être interpellé par l’Assemblée nationale?>>.
Il importe donc de préciser qu’en application des dispositions de l’article 71 ci-dessus cité, l’acte du chef de l’Etat ou un membre du gouvernement qui peut donner lieu à interpeller par la représentation nationale, est celui posé dans le cadre des fonctions gouvernementales.
Or, comme vous l’avez si bien dit dans votre interpellation, Monsieur Nicaise Fagnon, ce jour là du 02 mai 2009, était en réunion politique, revêtu de tee-shirt aux couleurs de son parti politique, ce qui traduit bien qu’il n’agissait pas en tant que ministre mais en tant que militant d’une alliance de partis politiques.
Je ne saurais donc légalement être interpellé au sens de l’article 71 de notre Constitution pour une activité qui ne s’inscrit pas dans le cadre de la fonction gouvernementale.
Je puis néanmoins vous assurer que je reste profondément attaché aux valeurs cardinales d’un Etat de droit caractérisé par le respect des droits fondamentaux de l’homme , des libertés publiques et de la justice y compris la libre circulation des personnes, des biens et des services sur l’ensemble du territoire de notre République.
Au-delà des divergences d’approche politique, de croyance, de projet de société, il y a quelque chose de plus grand et de plus noble qui transcende tous les clivages et les générations et que je me dois, en qualité de chef de l’Etat de préserver et de sauvegarder : c’est la République du Bénin, pérenne et indivisible.
Par ailleurs, au nombre des actes d’intolérance et de violation des libertés sur lesquels votre auguste Assemblée m’a interpellé, vous évoquiez « la prise d’arrêtés préfectoraux d’interdiction de réunions publiques dans l’Atacora-Donga et l’Alibori-Borgou, l’imposition dans plusieurs communes, au cours des dernières élections municipales, communales et locales, d’une liste unique Fcbe, arrachant ainsi aux populations leur droit à choisir librement leurs dirigeants ».
Vous conviendrez avec moi que l’autorisation des manifestations publiques relève au Bénin comme ailleurs dans tout pays démocratique, de la police administrative.
L’autorité administrative, en l’espèce le préfet du département, doit s’assurer avant d’accéder à toute requête à manifester en lieu public que les conditions sécuritaires pour éviter des troubles majeurs à l’ordre public sont réunies.
A défaut, elle est fondée à prendre des dispositions appropriées qui parfois donnent lieu à des restrictions parfaitement légales.
Si tel était le cas, je ne saurais, en ma qualité de Président de la République, en répondre au point de mériter une interpellation parlementaire contraire à l’esprit et à la lettre de l’article 71 de la Constitution béninoise du 11 décembre 1990.
En tout état de cause, tout citoyen a la latitude, dans un Etat de droit comme le nôtre, de saisir le juge garant des libertés publiques pour faire valoir ses droits.
Enfin, au sujet du refus présumé de l’installation des conseils communaux, je ne comprends toujours pas que ceux qui contestent la non installation des conseils communaux n’aient pas en son temps saisi le juge administratif pour dire le droit en la circonstance.
Monsieur le Président de l’Assemblée nationale,
Honorables députés,
Soyez rassurés que je suis parfaitement conscient de ma haute charge.
Les béninois veulent des idées fortes sur la manière de conduire leur pays à des lendemains meilleurs.
Je salue la détermination de l’ensemble des parlementaires à jouer le rôle qui leur est dévolu par la Constitution de notre pays.
La présente interpellation est la preuve de la vitalité de notre jeune démocratie et de l’expression de la volonté de ses acteurs politiques à contribuer par le dialogue et la veille citoyenne à prévenir toute situation préjudiciable à la paix et à l’unité nationale.
Je n’ai qu’un seul objectif, celui de faire du Bénin une nation unie, paisible et prospère avec le concours de l’ensemble des forces vives qui acceptent de partager avec notre peuple, les valeurs éthiques, le sens du bien public, la discipline, le travail bien fait, le respect de l’autorité de l’Etat et de se soumettre à l’obligation de résultat et de reddition de comptes.
Je sais pouvoir compter sur vous pour garantir à notre pays un meilleur fonctionnement des institutions de notre République et je vous prie de croire, Monsieur le Président et honorables députés, l’assurance de ma fraternelle et distinguée considération.
Cotonou, le 16 juin 2009
Président de la République, Chef de l’Etat, Chef du gouvernement,
Dr Boni Yayi
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