Les responsabilités dans le dossier Cen-Sad

Le Conseil des Ministres s’est réuni en séance extraordinaire le lundi 10 août 2009 sous la présidence effective du Président de la République, Chef de l’Etat, Chef du Gouvernement.

Les travaux ont été exclusivement consacrés à l’examen du rapport de la commission d’enquête chargée des investigations complémentaires au sujet des commandes publiques passées dans le cadre de la réhabilitation du Centre International de Conférence et du Palais des Congrès de Cotonou.
Il faut rappeler que suite à l’examen du rapport des travaux d’enquête de l’Inspection Générale d’Etat au sujet de la même affaire au cours de la séance du vendredi 10 juillet 2009, le Conseil des Ministres, pour mieux situer les rôles et responsabilités des acteurs dans le processus du projet de réhabilitation du CIC et du PCC et aussi pour apporter un regard indépendant sur les coûts, surcoûts et surfacturation liés au projet, avait jugé nécessaire de procéder, à des investigations complémentaires confiées à ladite Commission présidée par l’ancien Ministre Stanislas KPOGNON ; ,
Au terme du délai d’un mois qui a été accordé à la Commission sur sa demande par prolongation du délai de quinze (15) jours initialement retenu, ladite Commission a déposé au Président de la République le Lundi 10 août 2009 ; les résultats de ses travaux qui ont aussitôt été présentes au Conseil des Ministres le même jour.

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  De l’examen de ce rapport, il ressort que pour la manifestation de la vérité et la clarification des rôles et responsabilités des uns et des autres, la Commission a eu :

– d’une part, à procéder aux auditions individuelles des ministres Soulé Mana LAWANI et François Gbènoukpo NOUDEGBESSI, des membres de leurs Cabinets respectifs, des cadres de direction des deux ministères, des experts indépendants, des contre-experts, des membres de la Commission de l’Inspection Générale d’Etat ayant mené l’enquête et d’autre part, à procéder à l’audition commune des principaux acteurs pour des échanges réactifs et de confrontations positives et à commettre un expert consultant indépendant pour analyser les coûts, surcoûts et surfacturations.
Sur la base de cette approche conceptuelle méthodologique, les principales observations, conclusions et recommandations auxquelles la commission est parvenue par rapport aux cadres dirigeants des deux n1inistères impliqués dans le dossier, par rapport aux experts indépendants, aux entreprises et par rapport aux deux ministres, se présentent comme suit :
 
* au titre des principaux éléments du dossier :
– la décision tardive prise par le Gouvernement d’abriter le dixième sommet de la CEN-SAD a provoqué une urgence qui a influé sur le code de passation de marché de fourniture et de travaux avec pour corollaire un recours à la procédure de gré à gré dans la passation des marchés de réhabilitation du Centre International de Conférence et du Palais des Congrès de Cotonou;
– le dérapage des coûts a été l’un des problèmes cruciaux de ce dossier assorti de malfaçons, de mauvaises prestations, de surcoûts et surfacturations ;
– les surfacturations sont estimées à environ deux (02) milliards de F.CFA,
 
* Au titre des principales observations
– les modifications intervenues dans le dossier de consultation par insertion de travaux supplémentaires non prévus dans les travaux urgents;
– le non respect des dispositions légales et réglementaires qui encadrent la procédure de gré à gré;
– l’attribution des marchés en cause à des entreprises dépourvues de capacités techniques et financières pour les réaliser;
– la mauvaise réalisation subséquente de certains travaux;
– le non respect des quantités à fournir,
– le dépassement du coût estimatif des travaux urgents pour lesquels l’accord du Ministre de l’Economie et des Finances a été donné ;
– la défaillance dans le contrôle technique des travaux réalisés ;
– les immixtions du Chargé de Mission; du Ministre de l’Economie et des Finances dans le processus de choix des entreprises. 
* Au titre des responsabilités des acteurs du dossier
  Les responsables du Ministère de l’Economie et des Finances et du Ministère de l’Urbanisme, de l’Habitat, de la Réforme Foncière et de la Lutte contre l’Erosion Côtière impliqués dans le dossier CEN-SAD sont :
– Madame Martine DAHOUN,• Directrice Générale du Centre International des Conférence et du Palais des Congrès de Cotonou qui a outrepassé ses compétences en faisant procéder à des modifications, dans le dossier de consultations; sa responsabilité est engagée ;.
– Monsieur Georges AKOGBETO; Chef de la Cellule de Passation des Marché Publics du Ministère de l’Economie et des Finances, il a violé la procédure en gérant le processus de consultation des entreprises avec beaucoup d’irrégularités; sa responsabilité est en cause;
– Monsieur Léandre GBENOUDON, chargé de mission du Ministre de l’Economie et des Finances au moment des faits a outrepassé ses compétences en s’immixant dans la procédure• de choix des entreprises et en indiquant notamment des entreprises non qualifiées ; sa responsabilité est aussi engagée;
– Monsieur Victor Kouassi ANANOUH, Directeur Adjoint de la Construction et de la Promotion des Matériaux Locaux qui a participé, ensemble avec Madame Martine DAHOUN à la modification du dossier de consultation; il a fait preuve de légèreté dans le suivi de l’exécution des travaux et observé, dans l’élaboration du rapport d’expertise du Centre International de Conférence et du Palais des Congrès de Cotonou, un retard inhabituel important occasionnant ainsi la précipitation dans la préparation et la conduite de la procédure de passation des marchés relatifs à la réhabilitation des deux (02) Centres. Il a par ailleurs manqué à l’obligation de compte rendu à sa hiérarchie; sa responsabilité est donc engagée;
– les experts indépendants commis par le Ministère de l’Urbanisme pour assurer le contrôle des travaux; leur responsabilité civile contractuelle doit être engagée pour n’avoir pas veillé à la bonne exécution de la mission de contrôle;
– les entreprises ont fait une mauvaise exécution des travaux, matérialisée par les constats de malfaçons visibles et devront par conséquent, assumer leur responsabilité civile contractuelle;
– Monsieur Soulé Mana L.AWANI, ancien Ministre de l’Economie et des Finances alors ordonnateur unique du Budget national malgré l’urgence invoquée et le souci d’assurer le succès du l0ème Sommet de la CEN-SAD, a fait preuve dans la période de référence, d’une gestion laxiste des• finances de l’Etat et du dossier de réhabilitation du Centre International de Conférences et du Palais des Congrès de Cotonou, en faisant attribuer des marchés à des entreprises sans tenir compte de leur capacité technique, financière ni même de leur expérience et en ne veillant pas aux respect scrupuleux de la procédure de gré à gré qui  exige l’avis préalable du Directeur National des Marchés Publics.
En ce qui concerne le Ministre François Gbènoukpo NOUDEGBESSI suspendu de ses fonctions pour se mettre à la disposition de la Commission, celle-ci a conclu que le Ministre n’a posé aucun acte préjudiciable aux intérêts de l’Etat ou qui ait influencé négativement sur la bonne tenue du Sommet de la CEN-SAD ; ce qui l’exempte de toute responsabilité ;
De même, le rôle des cadres dirigeants des deux ministères à savoir: Directeurs de Cabinet, Secrétaires Généraux; du Directeur de la Construction et de la Promotion des Matériaux Locaux Monsieur Léopold AZONDEKON et du Directeur National des Marchés Publics Monsieur Isidore TOSSOU, est mineur voire nul dans la conduite du dossier.
 

Recommandations

 Des recommandations ont, en conséquence, été faites par la Commission au nombre desquelles :
– la nécessaire introduction de l’éthique dans le comportement des hauts fonctionnaires de l’Etat béninois ;
– la surveillance accrue des Cellules de passation des marchés publics;
– la meilleure organisation et rationalisation de l’Administration publique;
– le pilotage resserré de l’action gouvernementale;
– une plus grande place à redonner au Ministère de l’Urbanisme dans les dossiers de réhabilitation ou de réfection des édifices publics.
Analysant les travaux de la Commission, le Conseil des Ministres considère que l’enquête administrative est maintenant achevée dans là mesure où elle a comporté :
– l’enquête de l’Inspection Générale d’Etat dont certaines conclusions ont donné lieu à contestation;
– la mise sur pied d’une Commission interministérielle qui a confirmé à maints égards les conclusions de l’Inspection Générale d’Etat sans toutefois parvenir à situer les rôles et les responsabilités des acteurs;
– l’enquête complémentaire de la présente commission qui est parvenue à situer les rôles et responsabilités et a validé les conclusions de l’Inspection Générale d’Etat sur les coûts, surcoûts et surfacturations.
   Compte tenu de tout ce qui précède, le Conseil des Ministre décide de transmettre l’ensemble du dossier au Garde des Sceaux, Ministre de la Justice, de la Législation et des Droits de l’Homme aux fins de poursuites judiciaires appropriées à engager.
Des instructions ont, en outre, été données au Ministre de l’Economie et des Finances et au Ministre de l’Urbanisme, de l’Habitat, de la Réforme Foncière et de la Lutte contre l’Erosion Côtière pour :
– d’une part, relever sans délai de leur fonction :
-la Directrice Générale du Centre International de Conférence Madame Martine DAHOUN,
– Monsieur Georges AKOGBETO, Chef de la Cellule de Passation des Marchés Publics du Ministère de l’Economie et des Finances,
–  tous les autres membres de ladite Cellule,

* Monsieur Victor Kouassi ANANOUH, Directeur Adjoint de la Construction et de la Promotion des Matériaux Locaux et
– d’autre part, engager la procédure de sanction disciplinaire contre les intéressés y compris Monsieur Léandre GBENOUDON, Chargé de Mission de l’ancien Ministre de l’Economie et des Finances déjà relevé de ses fonctions, sans préjudice des sanctions civiles et pénales éventuelles.
Quant aux experts indépendants et entreprises impliqués dans le dossier, ils seront appelés à répondre de leurs actes devant la justice qui fera l’objet de saisine par le Garde des Sceaux, Ministre de la Justice, de la Législation et des Droits de l’Homme. 

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Fait à Cotonou, le 11 août 2009 
Le Premier Secrétaire Général
Adjoint du Gouvernement, 
Ibraïma SOULEMANE

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