Direction de l’Unesco

Afrique méprisée et ignorée

La candidature d'un Africain à la direction générale de l'Unesco jette un éclairage assez cru sur nombre des ambiguïtés de la politique de la France en Afrique qui ne se limite pas à FrançAfrique ; il y a aussi la pleutrerie de l'UA (Union africaine) à ne pas savoir résister aux pressions des émirats .

Pour aller à l'essentiel, je me réfère à la réaction conjuguée du prix Nobel de la Paix, Elie Wiesel et du philosophe Bernard-Henri Lévy quand ils ont su que Monsieur Farouk Hosni était candidat au poste de directeur général de l'Unesco ; j'y ajouterais la riposte de Claude Lanzmann et de Bernard-Henri Lévy diffusée par Internet sous le titre de : « Unesco : des intellectuels accusent Paris d'oeuvrer à l'élection d?Hosni. »

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Pour avoir, petit fonctionnaire, passé vingt ans de ma vie à l'Unesco (OPI, Office of public information), où j'avais assisté à toutes les luttes de l?Organisation en faveur de la paix entre les nations, les ripostes d'Elie Wiesel, Bernard-Henri Lévy et du cinéaste Claude Lanzmann au seul nom du ministre Farouk Hosni me paraissent légitimement appropriées ; écrivain africain, fils d'une Grande Prêtresse vodún, catholique, Franc-Maçon (Grande Loge Unie d'angleterre) si j'approuve Monsieur Hosni parlant de « l'oppression à laquelle Israël soumet le peuple palestinien », je n'oublie jamais ma profonde indignation quand j'ai eu lu qu'il brûlerait lui-même les livres israéliens qui se seraient clandestinement glissés dans la Bibliothèque d'Alexandrie ; je m'étais demandé ce qu'auraient été les réactions du président Senghor et de Gabriel d'Arboussier qui m'avaient beaucoup parlé de cette Bibliothèque en m'encourageant à aller la visiter.

Être directeur général de l'Unesco fait de celui ou de celle qui le devient une puissante personnalité ; j?ai été témoin des pouvoirs et des combats du très regretté René Maheu, qui, dans le contexte d'un problème politique, m'invita à déjeuner avec lui ! Si le DG n'est pas psychologiquement équilibré, s'il est raciste, ou xénophobe, anti-arabe, anti-juif, anti-nègre, etc., si des séquelles de racisme stagnent dans ses profondeurs, il sera dangereux, nuisible à l'Unesco ; que ferait la communauté internationale du directeur général d'une organisation du système des Nations unies qui porterait atteinte à un ouvrage de la Bibliothèque d'Alexandrie parce que son auteur est juif ? Que ferait un tel homme quand des Juifs lambdas très compétents seraient candidat à des postes à l'Unesco ?

L?autre problème que je voudrais esquisser affère à la position de la France, pays hôte qui, en principe, ne devrait pas?ne doit pas interférer dans ce problème de candidature; au lieu d'ouvrir un débat sur les compétences à administrer l?Unesco, je citerais le message reçu hier :

«Cher Olympe,
« Voici la réaction de Mme Bernice Dubois une Franco-américaine souvent à l'ONU qui m'a écrit après la lecture de l'interview de Monsieur Tidjani Serpos parue dans Afrique Education :

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« A mon avis, il est effectivement le meilleur des candidats mais comment [?.] en convaincre le Quai d'Orsay ? »

Le Quai d'Orsay ? Pourquoi pas, d'abord, l'Elysée ? Claude Lanzmann et Bernard-Henri Lévy ont montré où gît le lièvre en écrivant: « Henri Guaino, plume présidentielle aujourd?hui, universelle demain. »[1].On sait ce que je pense de lui à propos du discours du président Sarkozy à Dakar et de sa propre récidive[2] parue dans Le Monde ; le problème de clarification que globalement les intellectuels africains francophones doivent obliger les chefs d'Etat africains à poser au président de la République française est de savoir si l'Afrique ne l?intéresse que pour la FrançAfrique, la Francophonie, son soutien aux amis hommes d?affaires qui prennent en otage la privatisation de certaines sociétés africaines , empêchant ainsi des Africains qui en aient les moyens d'y investir aussi..

Laisser entendre que pays hôte, la France ne prendrait position pour aucun des candidats au poste de directeur général de l'Unesco, l?article de Nathalie Nougayrède dans Le Monde prouve qu'il s'agit de l?hypocrisie ; hypocrisie d?Etat come on dit secret d'Etat ; c'est aussi afficher son mépris pour l'Afrique dont Nouréini Tidjani-Serpos, Béninois, est un candidat hautement compétent ; je comprends fort bien qu'ayant d'autres chats à fouetter, à Stockholm, « les Européens qui peinent à s'entendre sur un candidat commun » aient superbement ignoré l?Africain qui, depuis longtemps au service de l'Unesco, vit au quotidien la vie de cette organisation : élu directeur général, il ne serait pas un DG à qui des fonctionnaires hâtivement promus apprendraient à connaître cette Organisation.

Je le soutiens moins parce qu'il est Africain ou Beninois que, bien avant sa nomination comme assistant du regretté Léon Boissier Palun, ambassadeur du Bénin près l'Unesco, Nouréini Tidjani-Serpos avait traduit Sixteen Great poems of Ifa [3], de l'anglais et du yoruba en français ; quand il m'a montré son travail et que je l'ai interrogé sur son objectif , il a souri et répondu : « Doyen, tu connais ce livre et son auteur, moi, j'y ai consacré des années parce que je désire que les francophones aussi puissent apprécier ce diamant à mille facettes de l'Afrique des profondeurs ».

Cette réponse d'un homme de culture j'y ai pensé quand il avait fait acte de candidature; je le soutiens sans ambages et ma prise de position m?a valu des messages auxquels je ne m?attendais pas ; pour en finir, en voici trois déjà connus des internautes :

D?un correspondant anonyme: « ??? , HYH , oui, être ou devenir ? Qu'ADONAÎ soit avec vous et votre candidat, oui cher Monsieur O B-Q , il y a des Béninois qui sont juifs

matrilinéairement, merci de l'avoir dit et nous sommes très fiers de l?être? »

«les Juifs du Bénin sont pour la plupart métis de mères juives, de pères béninois chrétiens, musulmans ou athée ; vous, vous êtes fils de vodúnsi, moi, juif, je suis un petit-fils de Prêtre du dieu de la Foudre !»

Et l'humour pince sans rire de ce père de famille de 65 ans :

«?si l'élection du Professeur Tidjani Serpos ne devait pas être faite selon les normes de l'UNESCO, mon ami Abdelhasif, juif de père marocain, nous persuaderions tous les Juifs et Musulmans de voter pour le candidat de votre pays? Inch Allah ? Il le voudra. »
 

Olympe BHÊLY-QUENUM.
Ancien directeur-rédacteur en chef de La vie africaine ; fondateur du bilingue Afrique actuelle, tous disparus, faute de moyens financiers.
Il m?est nécessaire de préciser au sujet de mon intervention dans ce problème : il y a des juifs et des musulmans dans ma famille: une de mes petites-filles est musulmane, trois de mes arrière-petits-enfants, arabes de nationalité française, parlent anglais, arabe et français; mes cousins juifs n'entendant pas le français, et moi, pas l'hébreu, c'est en anglais que nous avions parlé quand ils étaient venus à Paris, en 1984.

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