Euloge Ogouwalé, au sujet des secousses sismiques du vendredi 11 septembre 2009

«Ce qui est arrivé est une alerte »

Pour mieux comprendre le phénomène sismique du vendredi dernier, nous avons rencontré le Dr Euloge Ogouwalé, enseignant au Département de Géographie et d’Aménagement du territoire à l’université d’Abomey-Calavi. Après qu’il a fourni des explications sur les secousses sismiques, il demande à la nation béninoise de se mobiliser. 

Le vendredi 11 septembre dernier, après 4 heures du matin, un tremblement de terre a été ressenti dans le sud de notre pays, le Bénin. Pouvez-vous nous dire ce qui s’est réellement passé ?

Le Dr Euloge Ogouwalé : Ce n’est pas un tremblement de terre. Sur le plan technique, ce n’est pas bon de l’appeler tremblement de terre parce que le phénomène en question n’a pas causé de dégâts humains et infrastructurels. C’est des secousses sismiques tout simplement. Scientifiquement, c’est des mouvements qui ont lieu tous les jours ou qui sont du reste permanents. Là où nous sommes actuellement, il y a des secousses qui se manifestent à l’intérieur de la croûte terrestre. C’est parce que nous ne ressentons pas ces mouvements que nous ne nous inquiétons pas. La terre en réalité est un corps spongieux, donc fragile. C’est la surface de la terre qui est dure. La terre est en permanence dans une situation d’équilibre et de déséquilibre. Et quand on est en situation de déséquilibre, le système terre ou terrestre  cherche à toujours rétablir l’équilibre. C’est ce processus de rétablissement d’équilibre qui est la base du phénomène sismique, qui je le précise est permanent avec des amplitudes ou magnitudes variées.  Vous savez que les deux séries de plateaux du Bénin méridional sont séparées par une zone de subsidence qu’on appelle dépression d’Issaba dans l’Ouémé en pays Holli, Lama dans le Zou et Tchi dans le Mono. C’est un encaissement qui part du Cameroun qui traverse le Nigeria et va jusqu’au Ghana. C’est le résultat des secousses sismiques ou carrément des tremblements de terre des millénaires passés.  C’est sûr que le phénomène ne s’est pas bien achevé. Avec tout ce que nous faisons à la surface, (ce n’est qu’une hypothèse) associer aux forces internes, ont engendré certainement ce que nous avons vécu le 11 septembre dernier. Ce sont encore des hypothèses à vérifier.

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D’autres pays outre le Bénin ont-ils ressenti le phénomène ?

Les homologues  du Togo ont été contactés pour savoir s’ils ont ressenti le même phénomène. Réponse négative. On peut déjà exclure que c’est un phénomène qui a une ampleur régionale. Si c’était un phénomène régional, tous les pays de la sous région devraient le ressentir, peut être avec des amplitudes différentes. Ce qui n’a pas été le cas selon les sources d’informations.  

Le phénomène est-il interne ?

Nous avons un certain nombre de failles qui marquent la géomorphologie structurale du Bénin. Il y a de grandes failles qui traversent tout le pays au nord et au sud. Ces failles tiennent en alerte celles qui contrôlent le lac Nokoué et le lac Ahémé. Après une bonne collecte des informations livresques auprès des personnes des villes jouxtant Abomey-Calavi telles que Porto-Novo, Allada,  on se rend compte que le phénomène a été ressenti relativement de la même façon par certains habitants des villes citées supra. Par contre, selon les informations glanées, les populations situées au sud de Calavi n’ont pas eu le même problème que nous qui somme à Calavi. Ceux qui sont à Fidjrossè ne l’ont pas ressenti avec la même ampleur. On pourrait croire que c’est un phénomène dû à un mouvement au niveau des petites failles qu’on a dans les périmètres des lacs Nokoué et Ahémé. Du reste, vraisemblablement, en entendant des investigations poussées et plus affinées,  c’est dans cet espace du Bénin méridional qu’on peut trouver les causes de ce phénomène que nous avons enregistré.

Il se pourrait que ces secousses sismiques soient liées à l’extraction du pétrole au Nigeria. Qu’en dites-vous ?  

Contrairement à ce que disent les gens, ce n’est pas parce qu’on est en train d’extraire le pétrole au Nigeria qu’il a eu ce phénomène. Ce n’est pas forcément cela.  
Sauf erreur de ma part, le Japon est permanemment sous le coup de ce phénomène qu’on appelle tremblement de terre. Et pourtant ce pays n’exploite pas le pétrole. Je ne dis pas qu’on doit ignorer cet élément. Comme je l’ai dis tantôt, la terre est un corps spongieux. Quand on extrait un certain nombre d’éléments qui participe de l’équilibre de la terre, il peut avoir d’un jour à l’autre des déséquilibres du fait de l’extraction. Mais, ce n’est pas forcément l’extraction du pétrole qui est à la base de ce phénomène. Il faut écarter cette hypothèse et rechercher d’autres hypothèses. En effet, en 1200 après Jésus Christ, toutes les villes du proche Orient avaient disparues à la suite d’un enchaînement de tremblement de terre. En 1500, un terrible tremblement de terre avait occasionné des dizaines de milliers de morts en Chine et pourtant la Chine n’exploitait pas du pétrole. On peut démultiplier ces exemples en citant, entre autres, le tremblement d’Ispaon en Iran (1973 !!!) qui a fait des milliers de morts et d’importants dégâts matériels.   Le Ghana à côté connaît des secousses du genre depuis plus d’une dizaine d’années avec de fréquence de trois ans en moyenne. Autant d’arguments, du reste par rapport aux connaissances actuelles, qui m’amènent à ne pas émettre l’hypothèse que c’est l’extraction du pétrole au Nigeria qui serait à la base des mouvements ou secousses sismiques enregistrés au Bénin le 11 septembre 2009.  
Il faut préciser que nous allons spéculer encore pendant un bon moment sur le phénomène pour la simple raison que notre pays ne dispose pas de poste d’enregistrement des phénomènes sismiques pouvant nous situer sur la magnitude dudit phénomène. Autrement dit, on ne peut pas dire, par exemple, quelle est la magnétique ou l’intensité de ce mouvement qui s’est opéré la nuit du 11 septembre autour de 4 heures du matin. Ce qui est grave.

Partant de ce qui s’est passé, est ce qu’on ne peut pas s’attendre à un tremblement de terre ?  

En réalité, il n’y a pas de crainte par rapport à cette affaire là. Les mouvements sismiques sont quasiment permanents. Le souhait est que nous n’accompagnons pas les moteurs naturels de ce phénomène en raison des diverses activités anthropiques d’aujourd’hui et de demain. On ne saurait dire si ces secousses sismiques vont devenir répétitives au point d’avoir une ampleur qui occasionne des dégâts infrastructurels et humains. Si je me refaire à l’histoire, à ce que la science nous renseigne, le craton ouest africain est un espace qui a été stabilisé depuis le tertiaire, il y a des milliards d’années contrairement à la partie Est de l’Afrique et aux régions du Pacifique (Japon, Californie, etc.). Concernant la région ouest africaine, il serait trop prétentieux  de croire que d’ici à là, que les mouvements sismiques vont devenir plus violents et plus fréquents. Sauf erreur de ma part, les tremblements de terre ne sont pas pour demain dans notre pays, le Bénin. Mais, je précise qu’il faut commencer par prendre des initiatives pour se préserver, le phénomène étant naturel et la probabilité du risque n’étant pas nulle.

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Qu’est ce que nous devons faire dès maintenant ?

Il y a deux choses à faire par le Bénin ou par le béninois. Contrairement aux spéculations qui disent que Dieu n’est plus avec le Bénin, ou c’est parce que la jeunesse ne respecte plus les normes de la société, je dis que c’est la meilleure façon de se tromper et de ne pas chercher à progresser. Ici, on explique tout par les divinités ou la divination, la prédestination et l’émotion. Et, c’est ce qui explique, entre autres, à mon avis, le sous développement de l’Afrique.

Je disais tantôt qu’il y a deux choses à faire. La première, c’est de mettre en place une structure opérationnelle qui puisse nous renseigner sur ce phénomène. Qu’on dispose, par exemple, d’une cellule d’enregistrement des phénomènes sismiques dans notre pays ou dans la sous-région. On peut mettre sur pied une structure qu’on va appeler, agence, institut ou autre. Le nom importe peu. C’est la mission de la structure et ses objectifs qui importent. La deuxième chose, il faut considérer que nous ne sommes pas à l’abri des tremblements de terre ou des secousses sismiques qui peuvent devenir plus violentes et plus fréquentes. On ne le souhaite pas. Dans tous les cas, il vaut mieux prévenir dit-on. Ce qu’il faut faire dès maintenant, c’est de voire avec nos urbanistes, architectes, les spécialistes de la géologie, les géographes, les normes anti sismiques qu’il faut commencer par prendre en compte lors de la construction de nos maisons et de nos différentes infrastructures publiques (ponts, échangeurs, etc.) ou sociocommunautaires (écoles, hôpitaux, maternités, etc.).

Je demande à toute la nation de se mobiliser. Ce qui est arrivé est une alerte. Il pourrait avoir des situations difficiles qui attendent les générations futures et pourquoi pas nous-mêmes. Ce n’est pas du pessimisme, c’est plutôt du réalisme. Les efforts à développer sont à faire dès maintenant. Par exemple, on peut accepter, pour préserver notre vie et celle des générations futures, une augmentation de 0,5% de la TVA pour dégager les ressources nécessaires devant être utilisées judicieusement pour mettre en œuvre si elles sont jugées judicieuses, les deux mesures proposées supra.  

 Interview réalisée par Patrice SOGLO
collaboration La Nouvelle Tribune /
Le Progrès

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