LES TREMBLEMENTS DE TERRE DANS LE MONDE

Le Bénin est-il épargné ?                               

Suite aux secousses ressenties le Vendredi 11 Septembre 2009 vers 4 heures  dans les Départements de l’Atlantique, du Mono-Couffo et du Zou -Collines et prenant en compte les inquiétudes des populations qui attribuent au phénomène des causes non justifiées, il parait utile pour nous en tant que géologues d’apporter notre contribution  à la compréhension du phénomène et de procéder une fois encore à sa publication afin de situer les uns et les autres et d’apaiser la population Béninoise.

Dans tous les cas, prenant en compte la panique provoquée par les dernières secousses et  l’importance des infrastructures économiques actuelles et futures de notre pays qui ne peuvent  être comparées à la situation de 1939, année des précédentes secousses, une concertation entre les spécialistes des sciences de la terre, de l’habitat, de l’urbanisme et des ponts et chaussées… est nécessaire pour débattre de la question en vue des dispositions éventuelles  à prendre.

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 Les tremblements de terre ou séismes, lorsqu’ils sont de fortes intensités, sont de nos jours de véritables catastrophes naturelles qui secouent certaines parties de notre planète. L’ampleur des dégâts matériels et des pertes en vies humaines qu’ils provoquent prouvent que ce sont des évènements surprenants, difficiles à prévoir étant donné que les signes précurseurs sont souvent très rapprochés des phases destructives majeures.
      La fréquence d’apparition des séismes, ces dernières années inquiète bon nombre de personnes qui voudraient savoir comment ils se déclenchent, quelles sont leurs zones privilégiées de manifestation et la position du Bénin par rapport à ces zones.

                                            LES CAUSES GEO-DYNAMIQUES

Un tremblement de terre est le résultat d’un ébranlement qui se produit à l’intérieur du globe terrestre et qui se propage en ondes rapides jusqu’à la surface. L’évènement peut être provoqué :soit par l’apparition de fractures suite aux efforts dépassant la limite de résistance à la rupture des matériaux rocheux, soit par la remise en mouvement d’une fracture préexistante suite aux efforts dépassant la limite de frottement entre les deux lèvres de la dite fracture. Autrement dit un tremblement de terre peut être provoqué par des rejeux de failles anciennes ou par l’apparition de nouvelles fractures.
    Il convient de signaler que les tremblements de terre peuvent être provoqués par des plissements, des tassements et des glissements de terrains ou de tous autres mouvements qui se produisent plus ou moins profondément à l’intérieur de l’écorce terrestre.

    Parmi toutes les causes citées, ce sont les failles profondes qui paraissent être la cause dominante des séismes. Ces failles correspondent à de grandes fractures lithosphériques (1) se développant dans les zones compressives et disjonctives.
En effet la lithosphère (1) partie rigide de la terre et constituée de la croute (continentale ou océanique selon les cas) et d’une partie du manteau supérieur est découpée en cinq (5) grandes plaques mobiles  flottant sur l’asthénosphère (3) qui n’est pas rigide mais capable de fluer sous de faibles contraintes. Les cinq plaques sont la plaque Afrique, la plaque Eurasie, la plaque Inde-Australie, la plaque Pacifique et la plaque Amérique (fig.1). Les limites entre les plaques sont les zones de prédilection des tremblements de terre. Ces limites de plaques, de par leurs manifestations  géodynamiques  sont des zones compressives ou des zones disjonctives.
    Les zones compressives comprennent

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1)    les zones de collision : • continent- continent par exemple la sous plaque Inde en collision avec la plaque Eurasie avec développement de chaînes de montagnes Himalaya, Alpes …), •continent- arc insulaire (chapelet d’îles) par exemple le bloc continental Nouvelle Guinée appartenant à la sous plaque Australie en collision avec les îles au niveau de la Papouasie(sud-est de la Nouvelle Guinée), • arc -arc dans la zone Nouvelle Guinée- Iles Salomon
Ces collisions résultent de l’enfoncement de grande ampleur (ou subduction) d’une portion de lithosphère (1) sous une autre ;

2) les zones des failles coulissantes comme la faille San Andreas le long de la bordure occidentale du continent Nord-Américain et dont les compartiments généralement verticaux se déplacent horizontalement l’un par rapport à l’autre.

 Les zones disjonctives sont :
1-les rides ou dorsales médio-océaniques correspondant aux zones d’expansion océanique situées presque au milieu des océans (fig.1) et donnant parfois des îles (îles de Pâques dans le Pacifique oriental) ;
2-    les “rifts valleys “ africains qui sont des fossés d’effondrement où se trouvent les grands lacs de l’Afrique australe ;
3-    le canal de Mozambique qui sépare Madagascar du bloc continental africain ;
4-    la Mer Rouge et le Golfe d’Aden.

La forte séismicité ainsi que le volcanisme de ces zones compressives et disjonctives témoignent de leur instabilité tectonique qui est en relation avec la poursuite jusqu’à nos jours des phénomènes de subduction et d’expansion océanique.
En un mot, l’évolution dynamique de notre planète justifiée par la configuration actuelle des continents, jadis ensemble, se poursuit et se manifeste par des tremblements de terre et le volcanisme.

               
REPARTITION DES SEISMES DANS LE MONDE

        La répartition des séismes indiquée sur la figure n°1 est en relation avec les aires de développement des zones instables décrites. Ainsi les séismes sont fortement ressentis dans :
1-    Les zones de plissements alpins résultant de la collision continent-continent entre la  plaque Eurasie (Europe-Asie) et la plaque Indo-Australienne et correspondant au domaine des chaînes de montagne ci-après : les Alpes en France, Suisse, Italie, Autriche, Yougoslavie ; les Carpates en Roumanie, Tchécoslovaquie, Ukraine  ; les Zagros en Iran ; l’Himalaya en Inde, Chine, Pakistan ; le Caucase  en Azerbaïdjan et en Géorgie.
Les tremblements de juin 1990 en Iran causant des centaines de milliers de morts et  des dégâts matériels importants s’expliquent par l’évolution dynamique des chaînes Zagros.

2-    La bordure orientale de l’océan Pacifique correspondant à une zone d’enfoncement (subduction) de croûte océanique sous le continent américain avec la formation de la Cordillère des Andes (Chili, Argentine, Pérou, Equateur), des Chaînes côtières nord-américaines en Californie (USA) et de la Sierra Madre au Mexique. Cette bordure du Pacifique se caractérise aussi dans sa partie septentrionale par la remise en mouvement répétée de la faille de San Andreas citée plus haut.

3-    Les bordures septentrionales et occidentales de l’océan Pacifique marquées par d’innombrables îles ou arcs insulaires dont la formation est liée aux activités volcaniques durant la subduction, en pleine mer, de la plaque pacifique d’une part sous la plaque Eurasie donnant les îles Aléoutiennes, Kouriles, Japon, Philippines et d’autre part sous la plaque Indo-Australienne donnant les îles Salomon, les Nouvelles Hébrides …

4-    La bordure nord-est de l’océan indien où la plaque Indo-Australienne s’enfonce sous l’extrémité sud-ouest de la plaque Eurasie.

5-    Les rides ou dorsales médio-océaniques.

6-    Les sites disjonctifs africains.

Les différentes zones citées sont des zones tectoniques instables très favorables aux manifestations des tremblements de terre.

LE CAS DU CONTINENT AFRICAIN

             Les sites séismiques du continent africain sont localisés le long du grand fossé d’effondrement qui va de la Palestine jusqu’au Mozambique en passant par la Mer Rouge, l’Ethiopie, le Kenya, l’Ouganda, le Rwanda, le Burundi, le Zaïre, la Tanzanie et le Malawi ainsi que le long du canal de Mozambique.

          Le continent africain présente d’autres fractures indiquées sur la figure n°2 en l’occurrence celle qui passe à la limite de l’Atlas et du Sahara et dont le prolongement en mer explique le volcanisme des îles Canaries, celle qui sert de bissectrice au golfe de Guinée et dont le prolongement en mer explique le volcanisme des îles de Sao Tomé et Principe et Macias Nguéma, celles qui se croisent à l’ouest de Gao au Mali au sud de la boucle principale du fleuve Niger et celle qui passe par la côte orientale de Madagascar.

     Les tremblements de terre du 22 décembre 1983 et du 26 février 1984 au Fouta Djalon en Guinée Conakry causant 275 morts et 1300 blessés étaient liés, d’après les spécialistes américains, à des failles profondes non encore apparues en surface.

                                            
LE CAS DU BENIN
       
                 
               Le Bénin comme la plupart des pays africains de la côte atlantique n’appartient pas à une zone séismique car les limites occidentales de la plaque Afrique se trouvent en plein océan atlantique à des milliers de kilomètres du bloc continental ; en d’autres termes la côte atlantique du continent africain n’est ni une zone compressive ni une zone disjonctive mais  une zone stable sur le plan de la tectonique globale.
Au Bénin, le socle, d’âge Archéen (plus de 4 milliards d’année) s’est totalement consolidé à la fin de l’orogenèse panafricaine (650-450 millions d’années) c’est-à-dire que depuis cette date la géologie du socle du Bénin dans ces parties émergées n’est pas  modifiée par les manifestations tectoniques, métamorphiques et magmatiques provoquées par le mouvement des plaques dans d’autres parties du globe. Ces mouvements de plaques dont les phases majeures vont du Devonien inférieur (380 Millions d’année) au Tertiaire (50 Millions d’année) se poursuit jusqu’à présent.
Malgré la situation favorable de la côte atlantique de l’Afrique et du Bénin en termes de stabilité sur le plan de la tectonique globale, il convient cependant de mentionner qu’il existe dans ces zones côtières des failles dont la remise éventuelle en mouvement peut déclencher des séismes.
    Les quelques secousses connues au Bénin en 1913, le 22 juin 1939 et récemment le 11 Septembre 2009 et qui n’ont pas connu de dégâts  ni matériels ni en vies humaines pourraient entrer dans ce cadre.
 Mais tenant compte du calme séismique du territoire béninois  où lesdites secousses sont espacées de plusieurs décennies et de celui des pays limitrophes et ce, en conformité avec la stabilité de la bordure atlantique de l’Afrique, nous pouvons conclure que les risques de grands tremblements de terre au Bénin sont très faibles.
 Cependant, prenant en compte la panique provoquée par les dernières secousses et  l’importance des infrastructures économiques actuelles et futures de notre pays qui ne peuvent  être comparées à la situation de 1939, une concertation entre les spécialistes des sciences de la terre, de l’habitat, de l’urbanisme et des ponts et chaussées… est nécessaire pour débattre de la question en vue des dispositions éventuelles à prendre. La question des risques géologiques peut également faire l’objet de réflexion dans un cadre sous-régional.  
 
PREVISION DES TREMBLEMENTS DE TERRE

Pour prédire un tremblement de terre, il faut arriver à indiquer à l’avance le lieu et la date de sa manifestation ainsi que son intensité.
Les lieux de manifestation des séismes et leurs intensités sont précisés sur des cartes que les pays à haut risque séismique établissent pour délimiter les zones instables les plus dangereuses. De telles cartes permettent d’orienter le choix des sites pour la construction de  nouvelles villes, des chemins de fer, des centrales hydro-électriques, des grandes usines et de toutes autres infrastructures importantes.

            En réalité  il est plutôt difficile de prédire la date d’un tremblement de terre. Les études qu’on envisage dans ce sens sont :
1-    L’analyse des petites déformations de l’écorce terrestre
2-    L’étude, dans les zones séismiques, des eaux souterraines dont la teneur en radon (2) et la température augmentent brusquement quelques jours avant le séisme.
3-    L’analyse des variations en hausse des vitesses de propagation des ondes ainsi que celle de la fréquence des secousses.
4-    L’enregistrement et l’étude des phénomènes électromagnétiques dans l’écorce terrestre amorcés par l’apparition de charges électriques durant la déformation des minéraux cristallins.

      Notons que, ces différentes études sont  complexes. Tout ce qui est conseillé de faire est de prévoir pour les zones séismiques des bâtiments avec des matériaux et des technologies appropriés pouvant résister aux grandes secousses.

    Il est nécessaire de rappeler que l’échelle la plus utilisée pour mesurer les intensités des séismes est l’échelle de RICHTER graduée de 1 à 9  par Charles F. RICHTER. A partir de l’intensité 6 les secousses deviennent catastrophiques.
En conséquence à partir de ces quelques informations nous pouvons nous rassurer de la position relativement stable de notre pays par rapport aux phénomènes de tremblements de terre.
 
1) Lithosphère: partie rigide de la terre de 150 km d’épaisseur sous les continents et 70 km sous les océans.
2)    Radon : élément gazeux radioactif provenant de la désintégration de l’Uranium.
3)    Asthénosphère : partie de la terre située sous la lithosphère ; elle est déformable et comprend le manteau supérieur moins la partie qui ressortit à la lithosphère.

Nestor VEDOGBETON,géologue nestorved @ yahoo.fr
et Aurélien HOUESSOU, géologue  aureug @yahoo.fr

 

 

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