Mémorandum de la société civile
Conformément à l’Arrêté interministériel Année 2009 N° 032 / MECPDEPPCAG / MEF / DC / SG /SP portant organisations et fixation du calendrier de déroulement des travaux budgétaires, le processus d’élaboration du Budget Général de l’Etat gestion 2010, est dans sa phase active avec la publication de la Lettre de cadrage ce 31 juillet 2009. Aux termes de cette note circulaire tous les documents de propositions budgétaires 2010 des différents ministères et administrations financières devront être transmis à la Direction Générale du Budget au plus tard le 14 août 2009. Dans cette perspective et pour exprimer également les vives préoccupations des citoyens aux autorités lors des séances d’arbitrage et de la conférence budgétaire qui conduiront au Projet de loi de finances 2010, le Réseau Social Watch Bénin fait une contribution à travers ce Mémorandum pour rappeler les engagements pris non seulement pour l’atteinte des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) mais aussi pour la mise en œuvre réussie de la Stratégie de Croissance pour la Réduction de la Pauvreté (SCRP).
I- Contexte
La Stratégie de Croissance pour la Réduction de la Pauvreté vient à terme à la fin de l’année 2009, sans que le Bénin n’ait fait de progrès significatifs comme en témoignent les différents rapports d’avancement.
La situation du budget général de l’Etat gestion 2009 est marquée par :
– la chute des recettes douanières ;
– la dégradation du déficit budgétaire global ;
– des progrès très mitigés dans la mise en œuvre des réformes structurelles.
Or la politique économique du gouvernement ambitionnait de maintenir l’économie nationale sur un sentier de croissance forte et durable axée sur la redynamisation du secteur privé.
Afin de résoudre la crise énergétique le gouvernement a mis en œuvre une stratégie de réforme du secteur de l’énergie qui vise à consolider la situation financière de la SBEE, à augmenter la capacité et réduire les coûts de production, et à améliorer la qualité du service. L’effet direct de cette réforme sur les consommateurs est l’augmentation du coût de l’eau et de l’électricité.
Le gouvernement s’est aussi engagé dans la privatisation du secteur des télécommunications, un secteur pourtant vital pour notre souveraineté.
Dans ce contexte le gouvernement avant l’application de la politique de « vérité des prix » a exonéré de taxes des importations de produits qui n’étaient pas toujours de première nécessité. Ce faisant, il espérait atténuer l’impact des fluctuations des prix internationaux sur les biens de grande consommation en poursuivant la mise en œuvre des programmes favorable à l’expansion de la production et de l’offre intérieure de biens de consommation, en particulier les produits vivriers.
En dépit de tout cet effort et au regard de la crise financière internationale, les perspectives de l’économie béninoises ne sont cependant pas prometteuses.
Le Benin sera sérieusement affecté par la crise économique mondiale en 2010.
L’économie sera marquée par une baisse du taux de croissance due principalement au ralentissement des exportations de coton et du commerce de transit, ainsi que la hausse des importations, la baisse des recettes fiscales, la réduction des financements extérieurs (en particulier, les envois de fonds des émigrés et les investissements directs étrangers), et au ralentissement de la demande intérieure des partenaires commerciaux du Benin, en particulier le Nigeria qui subit de plein fouet les effets de la crise financière internationale.
II- Nécessité d’évaluation de quelques mesures de la Loi de finances 2009.
Social Watch Bénin préconise que le Rapport économique présente l’état de mise en œuvre des réformes et mesures nouvelles annoncées au titre de la Loi de finances, gestion 2009 et en évalue les effets ou résultats concrets.
Il s’agit des réformes suivantes :
– la mise en œuvre de l’Identifiant Fiscal Unique (IFU) ;
– le renforcement du partenariat entre le secteur privé et l’administration en vue d’améliorer le climat de confiance ;
– la réforme du système de passation des marchés publics à travers surtout le logiciel SIGMaP, le site Web, le journal hebdomadaire des marchés publics, la réalisation de l’étude ou l’élaboration d’un certain nombre de documents relatifs aux marchés publics ;
– la réduction des taux de certains impôts pour se conformer aux directives de l’UEMOA ;
– la révision de la Loi Organique relative aux lois de Finances ;
– l’amélioration des procédures d’établissement du titre foncier.
Les mesures indexées sont :
– L’élargissement de l’assiette de l’écotaxe ;
– Les modifications des articles du Code Général des Impôts pour l’harmonisation du montant et le délai de versement de l’IPTS d’une part et d’exonération et de réduction du taux du VPS ;
– La suppression de l’apposition de banderole portant mention « Saisie pour non-paiement d’impôt » ;
– Le projet de document de stratégie d’endettement public annexé à la loi de finances 2009 ;
– Bien que saluant l’augmentation du taux de taxe sur les tabacs et cigarettes de 10% à 30%, Social Watch Bénin s’était inquiété de la conséquence que cette hausse aurait sur British American Tobacco où sont employés des compatriotes. Qu’en est-il aujourd’hui ?
Il serait aussi utile que le Rapport économique présente la situation des recettes non fiscales telles que les paiements de la licence de la téléphonie mobile (un point précis sur les redevances des opérateurs GSM), et les recettes liées à la taxe d’embarquement.
III- Préoccupation pour la Loi de finances 2010.
3.1- Sur les prévisions de recettes
Social Watch Bénin s’interroge sur les capacités des régies financières à réaliser les performances attendues d’elles, étant donné que les réformes administratives et structurelles ont du mal à changer le système.
S’agissant de la Douane particulièrement et selon les déclarations des représentants des deux syndicats de l’administration douanière, l’immixtion de certains conseillers du chef de l’Etat et d’individus proches du pouvoir en place dans leur domaine d’activités, les exonérations sans mesures d’accompagnement, le phénomène des douaniers dits «patriotes» ne sont pas de nature à aider la douane avec les performances enregistrées en 2007 et 2008.
– Assainir des Finances Publiques
Le recours par l’administration financière à des procédures extrabudgétaires refait progressivement surface pour devenir l’une des sources des dérives budgétaires de l’Etat. Social Watch Bénin estime donc que l’une des premières mesures d’assainissement des finances publiques est le respect scrupuleux de la discipline budgétaire.
Social Watch Bénin souscrit à un réel assainissement des finances publiques mais aussi à une dépolitisation de l’administration douanière et de toutes les régies financières ainsi qu’au démantèlement des réseaux de nouveaux prédateurs de l’économie proches des arcanes du pouvoir.
– Assurer une meilleure transparence et célérité dans la passation des marchés publics
Il s’agit de renforcer la commission nationale des marchés publics afin d’en garantir la transparence dans l’attribution conformément aux règles et procédures internationales.
3.2- Sur les prévisions de dépenses
Globalement les prévisions de dépenses devront clairement faire ressortir une priorité gouvernementale pour la promotion du genre entendu comme la prise en compte des intérêts des couches sociales marginalisées : les sourds muets, les aveugles, les handicapés physiques, les enfants de rue, PVVIH, les lépreux, etc.
Ces prévisions devront nettement viser des priorités touchant des programmes d’alphabétisation des femmes et de formation visant expressément les femmes.
En matière de santé :
Social Watch Bénin rappelle l'objectif de la Déclaration d'Abuja, qui a fixé à 15 pour cent la part du budget national à allouer au secteur de la santé.
Social Watch Bénin préconise de :
– commencer à allouer au secteur de la santé, à partir de la Loi de finance 2010, 10% du Budget de l’Etat ;
– maintenir et améliorer les prévisions de dépenses de prise en charge de la césarienne ;
– prendre suffisamment en compte dans les dotations budgétaires des maladies telles que la lèpre, l’ulcère de burili ou d’autres « maladies silencieuses » comme l’hypertension artérielle, l’hépatite C, etc.
– En matière d’éducation :
Social Watch Bénin se réjouit que le Bénin ait dépassé l'objectif de la campagne mondiale pour l'éducation qui a fixé à 20 pour cent la part du budget national à allouer au secteur de l'éducation.
En 2009, la part du Budget de l’Etat a maintenu cette tendance. Entre 2008 et 2009, la part de l’éducation dans le budget général a enregistré une baisse : en 2008, le secteur représentait 25,5% du budget général de l’Etat contre 22,4% en 2009. De même les répartitions budgétaires intra-sectorielles telles que prévues par le Plan Décennal de Développement du Secteur de l’Education (PDDSE) ne sont pas encore respectées. En effet, en 2009, les dépenses ordinaires des enseignements maternel et primaire devaient représenter 46,4% des dépenses ordinaires du secteur (selon le PDDSE), contre 56,5% dans la réalité .
Social Watch Bénin préconise que le Budget de l’Etat gestion 2010 inverse cette tendance baissière et surtout rende conforme au cadrage du PDDSE en précédant à un rééquilibrage de l’allocation en faveur des enseignements secondaire, technique et supérieur la dotation budgétaire du secteur de l’Education
Les efforts pour favoriser la scolarisation des filles ont connu un relâchement dans le Budget de 2009 à cause de la réduction des dotations budgétaires alors que pour les organisations de la société civile, la scolarisation des filles est un pari non encore gagné malgré la gratuité décrétée dans les enseignements maternel et primaire. La Loi de finances de 2010 ne devra pas opérer des réductions dans les dotations relatives à la scolarisation des filles.
De même la suppression des appuis aux associations des parents d’élèves et la réduction des dotations de la prise en charge des frais d’écolage dans les écoles primaires publiques ne sont pas de nature à renforcer la politique de gratuité. Toutefois dans le secteur de l’enseignement secondaire, de la formation technique et professionnelle des efforts louables sont engagés et doivent être maintenus.
Alors que certaines écoles publiques fonctionnent dans de pires conditions de travail que certains établissements privés, il est recommandé d’apporter un soutien technique, matériel et financier aux promoteurs d’écoles privées plutôt que fermer les initiatives en difficultés. A cet égard, une dotation d’accompagnement de l’enseignement privé doit être envisagé dans la Loi de finances 2010.
– Dans le domaine de l’agriculture :
Social Watch Bénin rappelle que lors du sommet de Maputo du 23-24 Juin 2004, les chefs d’Etat et de Gouvernement des pays ACP se sont engagés à allouer, dans un délai de cinq ans, 10% au moins du budget national à l’agriculture. Cet engagement a été réitéré à la 4ème session ordinaire de la Conférence des Chefs d’Etats et de Gouvernements le l’Union Africaine tenue à Abuja au Nigéria en janvier 2005.
Social Watch Bénin préconise alors que la Loi de finances 2010 prenne en compte cet engagement dont est partie prenante notre pays.
Par ailleurs il recommande que les prévisions de dépenses dans le domaine agricole en 2010 démontrent une politique plus agressive dans les aspects suivants:
• une bonne compréhension des filières porteuses (céréales, tubercules, et élevage) ;
• de meilleures stratégies pour répondre aux marchés nationaux et régionaux ;
• des investissements dans la recherche et le développement ;
• des investissements dans les infrastructures ;
• une politique foncière pour promouvoir les investissements agricoles.
– Dans le domaine des transports et des infrastructures :
Au titre de la Loi de finance 2009, il était prévu d’entreprendre le re-surfaçage de la route Bohicon-Dassa-Savalou avec l’amer constat de l’absence d’un calendrier et un planning de construction et de réhabilitation des voies du Bénin.
Dans cette même Loi de finance, il est prévu plus d’une dizaine de milliards de francs CFA pour la « réalisation d’étude d’infrastructures routière ».
Pour le budget général de l’Etat gestion 2010, ce Ministère devra prévoir dans son budget, l’élaboration d’un document de politique nationale des routes assorti d’un plan d’actions et d’un budget conséquent à exécuter en urgence dans le cadre de l’émergence prônée pour notre pays. Mieux, il devra indiquer clairement la mise en œuvre effective de la stratégie d’entretien pour endiguer la dégradation rapide du réseau routier.
– Dans le domaine de l’énergie et de l’hydraulique
Pour éviter une forte pression sur nos forêts pour l’approvisionnement des populations en bois de chauffe et en charbon afin d’en faire un produit facile d’accès aux populations des villes et campagnes, le gouvernement devra envisager de subventionner considérablement le coût du gaz domestique comme c’est le cas dans d’autres pays.
Le coût de la promotion des énergies renouvelables ou alternatives doit être considéré dans la Loi de finances 2010.
La décentralisation et le transfert des compétences aux communes
Les dotations budgétaires du Fonds d’Appui au Développement des Communes (FADeC, fonctionnement et investissement) en 2009, sont largement en deçà des besoins immédiats, des attentes légitimes et des ambitions de développement des communes.
Les dotations de 2010 devront exprimer la volonté manifeste du pouvoir central de transférer les ressources aux communes.
Certaines dépenses inscrites au compte de certains ministères devront dans cette même vision voir leurs dotations transférées aux communes, si tant est que la volonté politique est engagée pour un transfert progressif et graduel aux communes.
Ceci contribuerait à une meilleure consommation des ressources budgétaires que ces ministères ont des difficultés à utiliser et surtout à l’appropriation de ces dépenses par les communautés locales : Il s’agit du ministère des travaux publics, du ministère des enseignements primaire et secondaire, du ministère de la jeunesse, des sports et loisirs, du ministère de la santé, du ministère de l’environnement et de la protection de la nature, etc. Ceci renforcera l’accélération du développement équitable et harmonieux de l’espace national.
La loi de finances 2010 devra corriger l’incidence négative du Budget général de l’Etat, gestion 2009, sur les recettes fiscales des communes du fait de la suppression de l’outillage industriel dans le calcul de la patente et du foncier ainsi que la suppression de la taxe de voirie. L’Association Nationale des Communes du Bénin, la Société civile et le Secteur privé doivent être concertés pour trouver un modus vivendi qui puisse alléger les difficultés des communes, notamment en ce qui concerne les investissements.
IV- La SCRP : des défis majeurs pour l’avenir.
Social Watch Bénin prend en considération que :
– le Gouvernement envisage d’élaborer une nouvelle stratégie avant la fin de cette même année ;
– La nouvelle stratégie devra capitaliser les acquis des stratégies précédentes en mettant l’accent sur les nouvelles préoccupations de développement et les nouvelles orientations exprimées par les populations à la base et adoptées par le Gouvernement, à travers les différentes stratégies sectorielles ;
– le Gouvernement, pour ce faire, entend renforcer le processus participatif à travers une implication inclusive et totale de toutes les parties prenantes à toutes les étapes du processus ;
– la nouvelle stratégie devrait traiter davantage les questions de développement, de stratégies sectorielles et locales qui, jusque-là, n’avaient pas été traitées en profondeur.
Ainsi Social Watch Bénin rappelle que les questions relatives à l’emploi des jeunes et des femmes, la problématique de la protection sociale et des solidarités devront faire l’objet d’un programme spécial dans la nouvelle SCRP.
Mais, comme défi majeur pour l’avenir, la SCRP devra s’intéresser aux effets du changement climatique sur les populations telles les pluies diluviennes qui s’abattent sur notre pays avec des inondations et leur lot de sinistrés.
Conclusion
Quelle que soit la situation financière internationale, la loi de finances 2010 devra manifester l’engagement du Gouvernement d’être proche des populations vulnérables de notre pays en leur facilitant l’accès aux services sociaux de base.