Les craintes de Me Adrien Houngbédji
Le président du Parti du renouveau démocratique (Prd), membre actif de l’Union fait la Nation, Me Adrien Houngbédji, est monté au créneau hier à Cotonou pour exprimer ses inquiétudes dans la réalisation de la Liste électorale permanente informatisée (Lépi). Il a déclaré à la face du monde que l’opération de la réalisation de cet instrument électoral, telle qu’elle est conduite aujourd’hui, ne garantit pas la transparence des prochaines élections. C’est pourquoi, il a invité le peuple béninois, la Société civile, la communauté internationale et la classe politique à se lever pour barrer la voie à cette machine à fraudes du régime en place à travers la Lépi. (Lire sa déclaration)
Mes chers compatriotes,
Bonsoir !
C’est de la LEPI que je veux vous parler ce soir. Un sujet préoccupant !
Le peuple béninois dans son écrasante majorité, toutes opinions confondues, la souhaite depuis des lustres et s’est engagé à la voir réalisée.
Pourquoi ? Eh bien parce que, au fil des élections, il est devenu évident pour chacune et chacun d’entre nous, que dans notre système actuel, la confection des listes électorales, élément essentiel dans un processus démocratique, n’est ni fiable ni contrôlée, et est émaillée de fraudes. De sorte que le modèle béninois envié partout en Afrique parce qu’il a permis d’organiser 11 scrutins sans violence et sans contestation majeure, repose en réalité tout entier sur notre attachement à la paix et sur la capacité de vos responsables politiques à accepter au nom de cette paix, des situations qui partout ailleurs engendrent tensions et guerre civile.
Devant ce constat et pour soustraire notre Pays aux risques de contestations et de violences, nous avons ensemble décidé de voter le 13 mai dernier une loi instituant la Liste Electorale Permanente Informatisée. Son objectif est de réduire les inscriptions frauduleuses, de fiabiliser les listes et d’aboutir ainsi à des élections transparentes, en confiant à l’outil informatique la gestion des données recueillies sur le terrain par les hommes. Il s’agit donc d’un instrument qui associe l’Homme et l’outil informatique. Il n’y a donc de bonne LEPI que si les hommes chargés de sa mise en œuvre s’accordent sur les méthodes et sur les agents. Car avant que l’outil informatique ne soit saisi, ce sont des hommes qui vont sur le terrain, qui font la cartographie, c’est-à-dire, identifient les ménages, les villages et les hameaux.
Car encore, avant que l’outil informatique ne soit saisi, ce sont des hommes qui, de porte en porte, grâce aux éléments fournis par les cartographes, procèdent au recensement de la population.
Car enfin, avant que l’outil informatique ne soit saisi, ce sont des hommes qui relèvent les empreintes digitales, prennent les photos numériques…etc.
Comme vous le voyez, à chaque étape du processus interviennent des hommes. Des hommes avec leurs parti-pris, leurs convictions, leurs passions qu’il importe de contrôler et de neutraliser, faute de quoi la transparence et la fiabilité deviennent de vains mots. Il suffit par exemple qu’une équipe de cartographes décide d’ignorer un hameau ou d’en inventer un, selon que la configuration politique à cet endroit du territoire est ou non favorable à son camp, pour que les données confiées à l’ordinateur soient fausses. Il suffit de même qu’une équipe de recensement décide d’amputer ou de majorer le nombre de personnes recensées dans une localité, pour que les chiffres confiés à l’ordinateur se trouvent majorées ou minorés.
C’est pour écarter ces potentialités de fraude qui, sous prétexte de modernité et d’informatisation, nous ramènerait en réalité au système actuel, que la loi a prévu qu’à chacune des étapes où le sort du dispositif est confié à des hommes, le consensus doit être de règle. Consensus pour la désignation des responsables ; consensus pour la désignation des cartographes ; consensus pour la désignation des agents recenseurs…etc.
Il n’est de bonne LEPI que consensuelle.
Cette règle, le consensus dont notre pays connaît le contenu et les contraintes depuis l’historique Conférence Nationale des Forces Vives, rejette les rapports majorité/minorité et privilégie le dialogue et l’entente entre les acteurs. Dans le cas de la LEPI où il s’agit de s’assurer que les données recueillies par les hommes sont exemptes de fraude, il est impératif que les représentants du pouvoir, comme ceux de l’opposition, participent à toutes les opérations pour neutraliser les velléités de tricherie ; tout comme il est impératif que des représentants avérés de la société civile y participent, leur présence étant un gage de modération et de sincérité. C’est à ce prix que le GHANA, pionnier dans notre sous-région, a pu organiser une élection propre.
Les violations répétées de la loi et du consensus que nous avons dénoncées au cours de notre Conférence de presse du 17 novembre resteraient de simples signaux d’alarme, si 24 H après, le Chef de l’Etat lui-même n’avait publiquement apporté sa caution au forfait qui se perpétrait en lançant lui-même les opérations.
Comme à son habitude, le Président Yayi BONI agit d’abord et réfléchit après. Nos écoles, nos hôpitaux et centres de santé, nos universités et même nos champs de culture ont déjà fait les frais de ce mode de gestion, fait d’improvisation et de précipitation. A sa place, tout autre se serait donné le temps et les moyens de vérifier les allégations de notre Conférence de presse, d’en discuter avec nous avant toute décision, et de rechercher des solutions.
Que constatons-nous aujourd’hui, après la décision du Conseil des Ministres du 18 novembre ?
Nous constatons vous et moi, que les 2 premières étapes de l’opération qui en comporte 3, se déroulent avec la seule participation des représentants du pouvoir puisque cartographes et recenseurs sont tous désignés par la majorité FCBE dont le superviseur général de la CPS est devenu l’exécuteur des hautes œuvres, promettant à la télévision de « serrer la corde au cou » des opposants.
La LEPI dont nous voulions qu’elle instaure transparence et fiabilité est devenue la LEPI de l’exclusion et de l’opacité. Une LEPI hors la loi !
La LEPI dont nous voulions qu’elle soit un facteur de paix est devenue un facteur de division et, à terme, un facteur de trouble, aux dires mêmes de Monsieur Chabi SIKA qui promet déjà la prison à tous ceux qui ne partageraient pas la vision chaotique qu’il en a.
Ce qui est en jeu, c’est la stabilité et la paix dans notre pays.
La stabilité et la paix imposent à nos responsables un sens élevé de leurs devoirs et au Chef de l’Etat, celui de remplir loyalement les fonctions que notre peuple lui a confiées.
Au nom de l’Union fait la Nation, j’en appelle une fois encore à la sagesse du Président Yayi BONI pour que la suggestion qu’il a émise de se « retrouver en présence de toutes les forces politiques et de la société civile pour procéder à une première évaluation » ne soit pas, cette fois encore, une clause de style et un faux semblant.
Au nom de l’Union fait la Nation, je salue les efforts de la Communauté internationale pour accompagner le Bénin sur la voie de l’amélioration de son système électoral, notamment les pays de l’Union Européenne, les Etats-Unis d’Amérique, ainsi que le système des Nations Unies.
Je veux leur dire que le peuple béninois est mobilisé pour la réalisation de la LEPI. Cependant, nous pensons que les ressources que les contribuables de leurs pays respectifs mettent à la disposition du Bénin doivent servir, non pas à manipuler notre peuple et à légitimer une LEPI partisane au service de la réélection d’un homme, mais plutôt à assurer l’avènement d’une vraie démocratie et à améliorer le climat de paix qui règne chez nous.
Au nom de l’Union fait la Nation, j’invite notre peuple à la vigilance. Jamais nous n’accepterons la LEPI non consensuelle et non transparente qui se met en place.
Organisons-nous pour qu’elle soit tenue en échec : ni les menaces, ni le double langage n’entameront notre détermination. Continuons le combat pour que la LEPI ne soit pas la chose d’un parti, la chose d’un clan, mais la LEPI du Benin.
Unis, nous sauverons notre pays de la dérive.
Je vous remercie.
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