Fossoyeur du français

Pouponnière du français dans le monde, l’Afrique va-t-elle devenir le cimetière de la langue de Molière? L’entrée la semaine dernière du Rwanda dans le Commonwealth, après sa décision de faire de l’anglais la langue d’enseignement du primaire à l’université, est en tout cas une véritable douche froide pour la francophonie. S’il y a 200 millions de francophones dans le monde c’est surtout grâce au continent le plus pauvre de la planète avec un taux de natalité toujours en hausse. La décision rwandaise risque de faire des petits un peu partout en Afrique francophone où se joue véritablement l’avenir du français.

Des pays comme la République démocratique du Congo (70 millions d’habitants), la Côte d’Ivoire, le Niger, le Bénin, le Burkina Faso et la Guinée notamment ont des frontières avec des membres du Commonwealth. Et quelle est la langue la plus parlée sur les cinq continents?

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D’autant que la France n’est pas particulièrement amoureuse de sa langue, qu’elle maintient des relations toujours paternalistes et troubles avec ses anciennes colonies africaines, un demi-siècle après leur indépendance, et qu’elle refuse de plus en plus des visas aux étudiants africains qui se tournent alors vers les pays anglo-saxons.

Officiellement, le Rwanda, ancienne colonie belge, a opté pour la langue de Shakespeare pour des raisons pratiques à l’heure de la mondialisation de l’anglais. La rupture avec le français est également politique. Son président Paul Kagamé, un anglophone convaincu, reproche à Paris sa complicité dans le génocide de 1994 avec ses 800 000 morts. Un grand massacre «made in France».

Résultat : le centre culturel français à Kigali est aujourd’hui «mangé par les rats», pour reprendre les mots de Bernard Kouchner, le ministre français des Affaires étrangères. L’entrée du Rwanda dans le Commonwealth, fermement soutenue par Ottawa, risque d’être suivie par celle de l’Algérie (deuxième pays francophone au monde) et de Madagascar. On le voit, le «tout anglais planétaire» séduit de plus en plus les anciennes colonies de l’Hexagone.

Avec ses 8,5 millions d’habitants, le pays des mille collines, victime du pire génocide depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, a choisi d’être le fossoyeur d’une «langue de chez nous» tant chantée par Yves Duteil.
Antoine Char (metro montreal)

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