La main de Dieu ou la main du diable ?

Les compagnies aériennes, membres du groupe Skyteam n’ont plus désormais le monopole de l’usage de l’expression « vol qualifiant ». Car, il n’y a pas meilleure façon de mettre en mots le geste de Thierry Henry qui a honteusement garanti la victoire des « Bleus » contre l’Irlande le 18 novembre dernier. Est-ce la « main de Dieu » comme l’a titré le Monde ? Certainement pas. Il faut respecter Dieu, diront les chrétiens, et ne pas associer son icône à des choses aussi controversées. C’est certainement la main du Diable qui a échappé au contrôle de Dieu pour donner la victoire à l’équipe française. Malheureusement, cette joie ne fut guère au bout de l’effort. Mi figue mi-raisin, elle est le résultat d’une tricherie positive. Les Français sont heureux d’être qualifiés pour le Mondial 2010 malheureusement, dans la phase de prolongation, grâce à un geste délibéré de tricherie qui a échappé à un arbitre distrait. La France doit-elle refuser cette victoire miraculeuse, légale mais illégitime, honteuse et à l’arrachée qui lui impose d’ailleurs un profil bas ? Assurément non.

Ce cas fait jurisprudence. Car, les règles du football n’ont guère prévu de pareilles situations. Faut-il féliciter ce geste immoral de resquilleurs mais tout de même salvateur ? Ne mourrez pas trop tôt si Dieu ne vous y invite pas. Le football, le sport le plus populaire et le plus universel,  n’a pas révélé tous ses secrets. Des secrets logés parfois dans le tissu des passions qu’il déchaine. Tout compte fait, un grand veinard aujourd’hui, c’est Dadis Camara. Pourquoi ? L’intérêt mondial pour le Mondial 2010 va progressivement reléguer le drame guinéen au second plan. Dadis Camara peut y lire lui aussi la main salvatrice de Dieu. Puisqu’il a une dizaine de mois pour élaborer ses stratagèmes afin de conserver le pouvoir. Qu’a-t-il à craindre d’une opposition qui gesticule et d’une communauté internationale qui développe sa batterie d’outils inopérants de médiation ? Pas grand-chose. La parlotte est en marche. L’Union Africaine, la CEDEAO, l’Union Européenne. Tout le monde bouge. Mais vis-à-vis de la Guinée et des Guinéens, personne n’a d’obligation de résultat. Dadis Camara, médiatique lecteur de  « La pensée positive » sait probablement, ou s’il ne le sait pas, il y a aura bien des conseillers politiques pour le lui apprendre, que, dans sa situation, gagner du temps est essentiel. Il ruse avec la médiation de Blaise Compaoré, négocie souterrainement des partenariats économiques avec des structures privées attelées discrètement à  des mécanismes sophistiqués de coopération bilatérale qui nie toute relations économiques officielles avec les autorités de fait de Conakry. Puisqu’il n’est pas politiquement correct de parler publiquement d’affaire avec des hommes aussi politiquement infréquentables mais qui, malheureusement, sont  à la tête d’un pays au-sol regorgeant de ressources minières et énergétiques, objet d’une féroce concurrence entre les grandes nations. Ne l’oublions jamais. La morale des relations internationales n’est pas encore déconnectée de la logique des intérêts économiques stratégiques. Ce rappel permet de comprendre certaines tiédeurs politico-diplomatiques.  Hypocritement, la communauté internationale attend les résultats de la médiation du président burkinabé. Une médiation rendue particulièrement difficile par le radicalisme des camps politiques adverses. D’un côté, une opposition qui réclame le départ de la Junte militaire. Une Junte militaire qui travaille tous les jours à une stratégie de consolidation de son pouvoir par le recrutement de miliciens sur une base tribale et l’appui de technical advisors, en fait, des mercenaires sud-africains  pour former ces nouvelles recrues. De l’autre, une Junte qui, en aucune façon, n’envisage aucune discussion sur l’avenir de la pauvre Guinée mais au sol-sol riche, sans elle. A moins d’une révolution de palais, le décor est planté. L’opposition guinéenne, à ses dépens, apprendra à s’en prendre à elle-même, à retourner le regard sur elle-même et, à terme,  à se contenter de la magie des gouvernements d’union nationale qui vient de leur être proposée et qui fait recette en Afrique. Ce qui n’est qu’une façon élégante de partager les maigres ressources d’un pays à travers l’attribution de postes ministériels entre les forces en présence. Le schéma en marche risque d’installer durablement la Guinée dans une crise sociopolitique doublée d’un risque d’instabilité pour toute la sous-région.

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Le Libéria et la Sierra Léone, du fait des expériences de conflits armés qu’ils ont connues, ont une réserve de miliciens à mettre à la disposition de la Guinée. Ces ressources en mal d’insertion ne demandent qu’à « travailler ». Ces deux pays pourront donc fournir au brasier guinéen tous les services de courtage de la violence dont il aura besoin, si en cas d’échec de la médiation et en situation d’horizon bouché, les forces en présence adhèrent au principe d’équilibre de la terreur.

Par Prof. Francis AKINDES
Université de Bouaké

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