Massacre des paysans de Djidgba à Adja-Ouèrè

L’opposition réclame justice

Le massacre des paysans de Djidagba dans la commune d’Adja-Ouère a fait l’objet de révélations et de témoignages hier au Bénin Marina hôtel. C’était sous la houlette du comité pour la défense des mémoires des paysans de la localité en présence des caciques de l’opposition, des familles des victimes et de certains responsables de la Société civile. Tous réclament justice pour que les auteurs de ce crime soient poursuivis devant la loi.

Cinq morts dans le rang des paysans et plusieurs blessés graves. C’est le bilan du drame perpétré contre les paysans, le 29 décembre 2008, par les gendarmes à Djidagba dans la commune d’Adja-Ouère. Près d’un an après, les auteurs de ce crime sont toujours en liberté et n’ont font l’objet d’aucune poursuite de la part du gouvernement du président Boni Yayi. Indigné, le comité pour la défense de la mémoire des paysans de Djidagba dirigé par le député Ismaël Tidjani Serpos, membre de l’opposition, réclame justice et réparation du tort causé aux populations de Djidagba. C’est le but de la  cérémonie de témoignages et de révélations hier au Bénin Marina Hôtel de Cotonou. En effet, les rescapés du drame ont narré comment ils ont vécu la scène. Ahouandjinou Zountèkpo a reçu deux balles, l’une à l’épaule et l’autre à la cuisse. Aujourd’hui, il est paralysé. Dans son intervention, il a déclaré qu’il a appris l’information sur les antennes de la radio Adja-Ouère qui invitait les coopérateurs regroupés au sein des Car et Urcar à aller en assemblée générale prévue pour ce lundi 29 décembre 2008. Alors qu’il avait appris que toutes les dispositions étaient déjà prises pour leur sécurité, il a indiqué avoir vu venir les gendarmes qui interdisaient les manifestations en matant les uns et les autres. C’était la débande. Au moment où tout le monde fuyait, les gendarmes ont reçu l’ordre de tirer à balles réelles sur la foule. C’est ainsi qu’il a été atteint. De son côté, dame Albertine Bognon est vendeuse de fruits. Attirée par l’attroupement, elle décide d’exposer son plateau d’oranges. Seulement, pouvait-elle s’imaginer que les balles rageuses des forces de l’ordre allaient transpercer sa grossesse de six mois ? Transportée au centre de santé, elle eut le bonheur de survivre, mais elle a perdu les jumelles qu’elle portait. Il y a eu beaucoup d’autres beaucoup. Celle de Balla Bodjrènou a retenu l’attention de l’auditoire, car il a fait de troublantes révélations sur l’ancien ministre de l’Agriculture, Roger Dovonou. Selon ses propos, sept millions ont été décaissés par un certain Sènou, membre de la Funurcar et remis au ministre afin qu’il puisse n’autorise pas la tenue de l’Ag. L’actuel ministre d la justice, Victor Topanou, alors Secrétaire général du gouvernement aurait été aussi intéressé afin de ne point laisser parvenir au chef de l’Etat d’éventuels courriers. A la question de savoir si Roger Dovonou a reçu l’argent, il a affirmé que ce dernier a toujours nié les faits. Ensuite, il a indiqué que déjà à la veille de l’assemblée générale, il y avait des indices de massacre.

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C’est ainsi qu’il affirme que des instructions auraient été données aux partisans de la mouvance présidentielle de s’habiller en blanc afin de ne pas se confondre à ceux qui devraient être matés. En somme, ces différentes interventions ont permis à l’assistance de comprendre que c’était un plan savamment médité. Pour Tidjani Serpos, on doit bannir l’instrumentalisation des forces de l’ordre et de l’injustice. A l’instar de tous ceux qui étaient présents à cette cérémonie,  partagés entre la rage et indignation, il a réclamé que justice soit faite. Vivement qu’il en soit ainsi.

Jules Yaovi Maoussi

Un extrait de la déclaration

Nous ne savons peut-être pas d’où nous vient la vie, mais nous y sommes si attachés que quand elle est détruite, nous sommes saisis d’effroi.

Mesdames, Messieurs,
Nous avons rencontré nos concitoyens ici présents quelques temps avant vous. Ils nous ont raconté par le détail leurs tribulations. Nous les avons écoutés et réécoutés. Nous avons douté autant que nous le pouvions, mais les faits étaient là, constants et écœurants. Les victimes de cette tuerie ont été fusillées, pour la plupart, de dos et à bout portant, alors même qu’elles tentaient de fuir sous les coups de chicotte de leurs agresseurs. Les paysans n’avaient commis aucune faute. Ils s’apprêtaient à participer à une assemblée générale légale de leur coopérative.
Comparez le jeune homme de la photographie à l’être dégradé au podium. Il est estropié à vie, épave à vingt ans, il portera sa misère jusqu’à la fin, car un infirme au village est un miséreux. C’est ce qui lui resterait à vivre, si nous ne faisions rien. 
Cette paysanne, allée vendre des fruits à une rencontre d’ordinaire festive, a vu sa grossesse gémellaire de six mois transpercée d’une balle. Elle a survécu, mais les deux vies qu’elle portait en son sein ont été anéanties. Ces gendarmes, que l’on nous cache depuis un an, n’ont eu d’acte de bravoure que de s’en prendre à des fœtus à l’arme de guerre. Il faudra le préciser, afin que les monstres soient regardés pour ce qu’ils sont. Cette femme aussi a été fusillée de dos, alors qu’elle tentait de quitter les lieux.
Ceux qui ont été tués ont entre vingt et quarante ans. Quand on quitte la vie à cet âge-là dans nos villages, on laisse derrière soi des orphelins, des enfants à bas âge, sans repère et sans soutien. Nous osons rêver, pour ces êtres fragilisés par la bestialité des adultes, de justice et de réparation.  
Mais à la vérité, cinq corps sont à la morgue depuis bientôt une année, sans qu’aucune procédure judiciaire n’ait permis, à ce jour, de les autopsier. Le déni de justice serait-il à nos portes, ou est-il déjà dans nos murs ?

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Mesdames, Messieurs !
Allons nous nous résoudre à l’idée que plus rien ne tient debout ici ?
Que l’Etat de droit est anéanti et la démocratie morte ?
Que le cœur de l’homme est de pierre maintenant ?
Que les hauts fonctionnaires en charge de notre justice ont souillé leur serment sur l’autel de leurs carrières sordides ?
Où se trouverait alors la sécurité de l’innocent ?
Où court se réfugier la veuve bafouée et l’orphelin affamé ?

Mesdames, messieurs,
Nous ne soutenons pas que nos compatriotes ici présents détiennent une vérité céleste, celle en face de quoi rien d’autre ne peut être mis en regard. Au contraire, nous invitons leurs protagonistes à les contredire sur les faits. 

Qu’on nous prouve que les assassinats du 29 décembre 2008, à Djidagba, n’ont pas été prémédités et commandités, que des personnes informées du projet de tuerie n’ont pas essayé en vain de l’empêcher, en parlant à des responsables à divers niveaux, que la tuerie a, tout de même, eu lieu, que quatre des victimes ont été tuées par balles tirées par des gendarmes, à bout portant et de dos, et que depuis bientôt une année, aucun assassin, commanditaire ou complice ne fait l’objet de poursuite dans ce dossier. 

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