Première interview de Hayatou après l’attaque de cabinda

"Nous n'avons pas disqualifié le Togo"

Pour la première fois depuis l'attaque meurtrière de l'équipe du Togo en Cabinda, Issa Hayatou, président de la CAF (Confédération africaine de Football), responsable de la CAN, a donné des précisions sur les décisions de l'organisation. Un entretien exclusif réalisé par Eurosport.

ISSA HAYATOU, structurellement, le pari est réussi en Angola ?

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I. H. : Oui la réponse est oui…. 4 nouveaux stades, 13 stades d'entraînements rénovés….

Comment avez vous vécu les événements de Cabinda ?

I. H. : "Vous savez nos frères togolais ont été attaqués en venant de Pointe noire à Cabinda. Et il y a eu mort d'homme. C'est regrettable ce qu'il s'est passé, la CAF a pris toutes les dispositions pour être aux côtés de la délégation togolaise. Dans un premier temps on a dépêché notre vice président. Nous étions en pleine réunion quand on nous a annoncé ces événements tragiques. Tout de suite on a mis fin à la présentation de M. Mamane à cette réunion pour pouvoir aller nous représenter à Lubango (en fait Cabinda, ndlr) auprès de la délégation togolaise, le lendemain j'ai été reçu par le Premier ministre de l'Angola qui nous dit qu'il ya eu dans la nuit à 4h00 du matin de vendredi à samedi 2 morts et immédiatement nous sommes partis à l'aéroport, on a pris l'avion pour aller à (Cabinda)… auprès de la délégation togolaise.

Nous les avons rencontrés et nous en avons profité pour rencontrer les autres délégations car il y avait la psychose de la peur. Vous savez dans des occasions de cette nature là, la presse ne ménage aucun effort pour amplifier l'information. Il y avait des vraies rumeurs, des fausses rumeurs. Tout cela a contribué à amplifier la peur, il fallait donc que le comité exécutif, que j'ai eu l'honneur de conduire, se rende auprès de ces équipes pour les assurer de notre soutien et surtout du renforcement du dispositif sécuritaire que le gouvernement angolais entendait apporter à cette organisation après le coup tragique que le Togo a eu.

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Donc nous avons fait le tour, nous sommes revenus et naturellement nous avons appris qu'ils voulaient partir et je leur ai dit que ce n'était pas une bonne chose, que la vie devait continuer et c'est vrai que ce qu'ils ont eu était de nature à décourager tout un chacun, tout comme nous car nous partageons leur désarroi, leur peine mais il fallait sauver ce qu'il y avait de mieux en Afrique, la CAN, car il n'y a pas d'autre événement comme la CAN en Afrique, mais aussi que la CAF n'entendait pas déplacer, contrairement à ce qu'ils pouvaient imaginer, le groupe de Cabinda à ailleurs. Et encore moins même changer les dates. Mais si la délégation du Togo voulait partir, on comprendrait parfaitement leur décision et on la respecterait.

Et sur ce on est parti voir les Ivoiriens, les Ghanéens et le Burkinabés. Et on a pris notre avion et on est revenu. Le lendemain j'ai vu dans la presse que le Togo a décidé de rester, que les joueurs ont décidé de rester et quelque temps après nous apprenons que malgré tout la décision politique veut qu'ils repartent. Ils sont donc repartis. Contrairement à ce que les gens disent, la CAF n'a pas disqualifié le Togo, c'est le Togo qui est parti. Les medias qui connaissent mal le règlement disent que nous avons disqualifié le Togo.

Nous n'avons pas disqualifié le Togo, le Togo a pris ses valises et est parti. Et nous avons constaté leur absence. Nous ne l'avons pas disqualifié, donc voilà la situation. Ce qui ramène donc le groupe à trois et le tournoi se déroulera à trois. Le groupe comprendra comme prévu les deux premiers pour aller en 1/4 de finale et ainsi de suite. Bon nous regrettons ce qui s'est passé, on aurait souhaité avoir nos frères togolais avec nous mais si la décision politique veut qu'ils partent, et ils sont partis, nous prenons bonne note et acte de leur départ.

N'était-il pas possible d'accéder à leur requête?

I. H. : Non non, la CAN c'est un événement et la CAF, je ne voudrais pas nous jeter des fleurs de brevet de satisfaction. Nous sommes l'une sinon la seule organisation en Afrique qui tienne. Nous n'avons pas de subvention de personne, nous volons de nos propres ailes. Nous respectons le règlement c'est pour cela que la CAF est debout. Si on commence à faire des dérogations de cette nature parce que nous nous pensons qu'on peut jouer. Parce qu'il y a eu des événements plus tragiques dans le monde, on n'a pas arrêté les événements pour autant. Souvenez-vous de Munich, il y a eu le corps des Israéliens mais les événements ont continué.

A Paris, lors de la Coupe de la Confédération, Monsieur Foé est tombé et il est mort. Les événements ont continué et si on commence à faire des dérogations, c'est très mauvais, la CAF risque d'avoir des entorses. Et ça nous n'entendons pas le faire. C'est une institution qui est suivi par l'ensemble des Africains et par l'ensemble du monde. Et nous pensons jusqu'à preuve du contraire que le règlement de la CAF nous protège. Il fallait out faire pour pouvoir maintenir car une CAN comme celle là: un mois deux mois, trois mois à l'avance on a fait le calendrier, les satellites sont réservés, tout est réservé.

Nous ne pouvons pas nous permettre de le faire d'une part, et d'autre part si on accédait à la demande du Togo, vous êtes sûre que les trois autres équipes vont accepter qu'on modifie le calendrier car ils se sont préparés en conséquence. On peut dire à la Côte d'Ivoire qui ont joué hier contre le Burkina, vous allez jouer dans trois jours. On peut dire au Ghana vous allez jouer dans cinq, six ou sept jours? Et après les réservations, les télévisions et les autres groupes qui les attendent pour pouvoir faire les 1/4 de finale avec ce groupe là. Tout ça il y a des implications que vous devez vous connaître les journalistes. Pour toutes ces raisons nous préférons gérer un forfait que de créer un malaise dans la famille. C'est pour cela que la CAF ne pouvait pas accéder à cette demande.

Nous nous sommes réunis à la mi-temps (du match d'ouverture) pour vous dire l'importance qu'on a donnée à cette question. Au stade on nous a donné une salle, nous avons examiné l'ensemble des problèmes qui peuvent se poser à la suite d'un report. Et le comité exécutif dans son ensemble a rejeté cela. Et nous avons notifié à la partie togolaise: ou ils restent, ou ils se retirent et ils ont préféré se retirer. Nous respectons leur décision et nous prenons acte.

Le premier ministre togolais a dit que la CAF n'avait pas présenté ses condoléances :

I. H. : J'ai beaucoup de respect pour le Premier ministre du Togo, je n'ai pas à lui répondre. Mais tout ce que je sais c'est que nous on a fait tout ce qu'on peut faire. Et si c'était nécessaire on peut prouver qu'on a tout fait. Mais c'est le Premier ministre d'un pays souverain. Nous, nous traitons avec la fédération nationale, je ne veux pas répondre aux propos du Premier ministre. J'ai entendu ce qu'il a dit mais je ne veux pas faire la polémique. Ni avec lui, ni avec quelqu'un d'autre.

Est ce que vous vous êtes suffisamment exprimé sur le sujet ?

I. H. : Pour s'exprimer on n'a pas besoin de prendre le micro. Tous les communiqués que nous sortons là, c'est une façon de s'exprimer, c'est une voie d'expression. Nous avons depuis le début de cette… cette crise, la CAF quotidiennement a sorti des communiqués, des lettres.. On n'a pas besoin de venir devant une caméra pour dire que la CAF s'est exprimée avec tous ces communiqués que nous sortions. Et nous avons fait ce qu'il fallait faire, je vous ai décrit le scénario.

Dès que nous avons appris que l'équipe nationale du Togo avait été attaqué, nous avons interrompu la réunion pour dépêcher notre premier vice-président auprès de la délégation du Togo. Ça c'était le vendredi. Le vendredi ou le jeudi le crois. Et le lendemain c'était le samedi je suis allé voir le Premier ministre pour des problèmes de sécurité. Et c'et là, qu'on nous apprend que les deux joueurs de la délégation du Togo sont morts à 4h00 du matin dans la nuit de vendredi à samedi. Et de là je ne suis même pas revenu ici, nous sommes allés directement à l'aéroport prendre l'avion. Je ne sais pas ce qu'on pouvait faire plus que ça.

Est-ce que le Togo était prévenu des risques de Cabinda ?

I. H. : Nous avons tiré notre calendrier, nous attendions les équipes. Et toutes les 15 équipes, la 16ème étant l'Angola, devaient dire au comité d'organisation le moyen par lequel ils devaient venir ici… Ça c'est avec le comité d'organisation local. Le gouverneur nous a décrit le scénario de là-bas qui aurait dit qu'il leur a dit de ne pas venir par route. J'ai dit qu'il aurait dit. C'est lui qui nous a dit de sa propre bouche. Eux ils ont dit qu'ils allaient venir par route, c'est leur choix. Ils ont préféré venir par route et ce qui est arrivé est arrivé. C'est malheureux, nous le regrettons mais il ne revenait pas à la CAF de leur imposer une voie.

Les autres sont venus, tout comme eux sont venus malheureusement ils ont eu ce qu'ils ont eu là.. Nous partageons leur douleur mais il ne revient pas à la CAF d'imposer à une délégation de la confédération qui doit venir à la CAN l'itinéraire, le choix, le jour de son arrivée dans le pays d'accueil. C'est à eux de faire cela, de préparer leur voyage et de nous informer.

Vous comprenez l'inquiétude des équipes qui y sont celles qui vont s'y rendre ?

I. H. : A Cabinda, je ne sais pas combien de centaines de milliers de personnes vivent à Cabinda. On vous a dit que ce qui est arrivé n'était pas la ville de Cabinda. Ce qui est arrivé c'est en brousse, c'est sur le chemin de… en brousse et pas dans la ville de Cabinda. Il y a des citoyens angolais, des étrangers, des européens, tous ceux qui vivent à Cabinda et pour quelle raison ils doivent être inquiets ? Les autres vivent là-bas, depuis que vous êtes là vous avez appris que l'on a attaqué Cabinda ? Alors ce n'est pas la peine d'aller dans ce sens là Madame, il faut être réaliste.

Il ya plus de 400, 500 mille personnes qui vivent à Cabinda quotidiennement. Il y a des Européens, il y a des Africains de tout bord. Des Angolais, des Camerounais, des Sud-Africains qui vivent là-bas en toute quiétude. Il ne faut pas que des incidents viennent créer des doutes dans l'esprit des gens. La sécurité angolaise est là, c'est une nation qui est indépendante depuis 1975, qui encadre bien ses populations. Ils ne sont pas en brousse. Ils sont dans la ville de Cabinda… Je ne réponds plus à ces questions là, c'est fini. Allez ailleurs.
(eurosport)

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