Vingt ans après

Le peu d’enthousiasme que le Béninois moyen manifeste à l’égard des anniversaires commémoratifs, annuels ou décennaux, de notre Conférence Nationale, doit nous amener à nous interroger sur la réelle portée de cet événement. En effet, la Conférence Nationale fut certes un parcours important dans notre évolution politico-institutionnelle, mais elle est loin de mériter cette auréole grandiose source de gloses dithyrambiques, qu’on a tendance à lui attribuer. Elle n’est pas cette geste révolutionnaire et surtout cette épopée mythique que nous nous représentons naïvement comme l’archétype fondateur de notre Renouveau démocratique. En vérité, nous n’avions fait que renouer avec la démocratie libérale à l’occidentale avec pratiquement la même constitution que la France, l’ancienne puissance coloniale, dont nous avions copié goulûment toutes le institutions, même les plus improductives et inutiles ; comme le Conseil Economique et Social, la Cour des Comptes, etc.. Même les travaux en commissions de cette Conférence Nationale ont exactement reproduit les usages occidentaux en la matière : commission des affaires économiques, commission des affaires politiques et institutionnelles, commission des affaires sociales et culturelles. Rien d’original. Nous aurions peut-être innové en créant une commission de la gouvernance et du développement ! Bien plus, le concept de renouveau démocratique ne fut pas inventé par la Conférence Nationale, mais par le régime en place lui-même. Il est aussi faux de parler d’un consensus dégagé à la Conférence Nationale. Là encore, nous sommes en présence d’une feuille de vigne commode qui couvre difficilement les oripeaux habituels d’une démocratie libérale : pluralisme partisan, Etat de droit, institutions de pouvoir et de contre-pouvoir ! Aussi sommes-nous en face d’une véritable escroquerie intellectuelle quand la Cour Constitutionnelle a excipé d’un prétendu consensus dégagé à la Conférence nationale, pour « casser» une décision de l’Assemblée Nationale pourtant votée avec la majorité requise. Heureusement, nous étions en 2007, encore à la phase de l’euphorie qui a suivi l’élection du Docteur Boni YAYI avec son rêve de changement et d’émergence pour le Bénin. Imaginez la catastrophe qu’aurait provoquée cette décision de la Haute juridiction si elle fut prise maintenant où il n’y a manifestement ni soi-disant consensus politique lors donc qu’une totale divergence oppose les partis de l’UN et le régime du changement quant à la manière de diriger les affaires de la Cité, ni guère plus d’entente entre le même régime et les partenaires sociaux. Aussi, exciper comme je l’avais dit d’un prétendu consensus issu de la Conférence nationale, leit-motiv nouveau autre que les professions de foi habituelles d’une démocratie libérale, conflictuelle à souhait, sinon concurrentielle et compétitive avec sa règle sacro-sainte de la loi de la majorité, peut-il ouvrir la porte à toutes les interprétations hasardeuses. Au nom du consensus, pourquoi ne pas interdire la constitution de l’UN, un bloc d’opposition ? Celui qui se frotterait les mains si d’aventure une telle éventualité occurrait, c’est d’abord les gens comme moi qui précisément sont pour un consensus politique et social afin que toutes les énergies des Forces Vives soient précisément consacrées au développement de la Nation. Alors, il n’y aura plus ce charivari né de la menace d’une prise de pouvoir par l’Un aux dépens du Président Boni YAYI, ni menace d’une année blanche dans nos universités nationales, ni grèves mortifères dans les secteurs névralgiques de la santé et de l’éducation. Conclusion ? Il faut ipso facto un gouvernement d’union nationale ou de concorde nationale. En vérité, il est urgent d’organiser ces assises tant attendues d’un dialogue national entre toutes les Forces Vives de  la nation béninoise pour débattre en profondeur de toutes ces questions. Le Bénin en l’occurrence ferait encore preuve  d’originalité dans la voie de la mise en œuvre d’une démocratie basée sur le socle des valeurs culturelles profondes de l’Afrique : le consensus. Tirons la leçon de l’atmosphère de violences épidermiques, politiques et sociales qui ont caractérisé la période 1945-1960, celle précisément d’un jeu politique  démocratique, compétitif et concurrentiel. Il n’est pas trop tard pour bâtir un Etat de consensus. Il nous apparaît que le Chef de l’Etat tente en vain de constituer un gouvernement de large consensus. Le préalable de ce « deal » politique générateur d’une vraie paix sociale, est  l’organisation d’un forum national inclusif.

Un collègue et ami a la redoutable mission de conseiller le Chef de l’Etat dans le domaine si sensible des affaires politiques et stratégiques. C’est le moment où jamais de laisser de côté l’obsession de faire réélire coûte que coûte l’actuel locataire du Palais de la Marina à travers moult marches de soutien ou fabrication d’une myriade de groupuscules stipendiés, pour penser réellement à l’avenir du Bénin à l’horizon 2025. Dans le schéma alafia que nous nous sommes donné, ce sera un pays-phare à économie compétitive et au rayonnement culturel. Enfants du Bénin debout !         
Dénis AMOUSSOU-YEYE, professeur à l’UAC

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