Pour parer à la faillite de la filière
Les cotonculteurs béninois n’ont plus que leurs yeux pour pleurer. Leur secteur d’activité connaît depuis 2006 des réformes qui au lieu de redonner à l’or blanc sa santé d’avant, n’ont fait que le plonger dans l’abîme. Face à cette faillite patente de la filière coton, les producteurs béninois, soucieux de l’avenir de leur gagne-pain, se cherchent un messie. Partis du Bénin la semaine dernière, ils sont arrivés à Abidjan où ils ont pu rencontrer lundi Martin Rodriguez. L’homme d’affaires, dont la capacité managériale dans la filière cotonnière n’est plus à démontrer, a été sollicité pour voler au secours du coton béninois aujourd’hui dans une situation critique. Ce dernier, toujours disposé à servir son pays, a accepté leur appel, mais leur a demandé d’aller en discuter d’abord avec les autorités compétentes. Lire la déclaration des cotonculteurs !
DECLARATION DES PRODUCTEURS DE COTON
Il y a quelques années, le Bénin se positionnait comme le premier exportateur de coton, devant le Mali et le Burkina Faso, et était considéré comme le plus important pays exportateur de l’or blanc en Afrique de l’ouest. Même de nos jours, le coton participe pour 10 à 15% au produit intérieur brut. Il représente 90% des exportations agricoles et constitue une ressource vitale pour l’économie béninoise. Le coton est ainsi pressenti pour fournir des revenus monétaires à environ 325 000 familles paysannes. Aussi, des branches diverses de l’économie comme le transport, la construction des routes, l’industrie, la recherche, la vulgarisation, le transit et les assurances, dépendent de la bonne production du coton.
C’est donc à juste titre, que dès son accession au pouvoir, le Président BONI YAYI a fait de l’assainissement de la filière coton, son cheval de bataille en vue d’atteindre 600 000 tonnes de production par campagne.
Après quatre années d’efforts de la part du gouvernement de YAYI BONI, quatre années au cours desquelles, 42 milliards du budget national ont été mobilisés pour sortir la filière coton de l’ornière, le constat est des plus amers.
Rappelons qu’au cours de la campagne cotonnière 2004-2005, la production a été de 427 mille tonnes. Ce record jamais égalé a été réalisé malgré le contexte de concurrence à l’époque, où l’on pouvait distinguer d’un côté, l’Etat, à travers les 10 usines de la SONAPRA, et de l’autre côté :
• Les privés (07 usines) ;
• Les distributeurs d’intrants de l’ordre d’une dizaine ;
• Les organisations paysannes (une douzaine).
Aujourd’hui, les multitudes de réformes qui ont agité la filière ont eu pour conséquence :
• le retrait de l’Etat de la filière ;
• L’intervention intempestive du pouvoir dans la gestion de la filière coton ;
• L’affaiblissement des distributeurs d’intrants au profit d’une structure unique par décret pris en conseil des ministres en 2006 ;
• La naissance d’un agrégat regroupant 16 usines sous le contrôle d’un seul et unique opérateur économique ;
• Des organisations paysannes bâillonnées et caporalisées ;
• La fermeture pure et simple de la seule usine indépendante capable d’exercer la concurrence.
Ces divers constats qui ne reflètent nullement les principes et fondements de base du libéralisme économique pourtant prôné par l’Etat béninois sont les conséquences des actes posés par le pouvoir en place depuis 2006.
Il sied également de rappeler que, pendant qu’en 2004 il n’y avait aucune subvention de l’Etat, malgré les performances de la campagne 2004-2005, de 2006 à ce jour, l’aide apportée à la filière coton par l’Etat se chiffre à plus de 42 milliards de francs CFA.
A cette aide de l’Etat s’ajoutent les différentes subventions des organismes internationaux tels que la Banque Mondiale, le Fonds Monétaire International, la Coopération suisse, l’Agence française de Développement, pour ne citer que ceux-là.
Mais contre toute attente, la production nationale de coton ne cesse de baisser de façon drastique, soit 65% depuis 2006. En d’autres termes, de 427 mille tonnes en 2004, les prévisions pour l’année 2010 tournent autour de 140 mille tonnes.
Devant une situation aussi préoccupante, nous avons entrepris de nombreuses démarches visant à rencontrer les autorités au sommet de l’Etat en vue de leur exposer les misères du monde rural. Malheureusement, toutes nos tentatives ont été vaines.
Les autorités politiques, malgré des questions aussi graves, n’ont trouvé d’autres moyens que de renforcer la misère de la masse paysanne, en apportant leur appui au seul et unique opérateur privé qui s’est accaparé les dix usines de l’Etat en plus de celles de quelques opérateurs privés, compromettant ainsi la nécessaire concurrence que requiert une filière comme la nôtre.
Dans ce contexte de monopole absolu :
1. Le coût des intrants agricoles augmente vertigineusement ;
2. la qualité des intrants est des plus contestables (témoigne la campagne 2005-2006) ;
3. Les subventions de l’Etat sont mal réparties ;
4. Le non paiement des prestations et des frais de marché ayant pour corollaire le non versement des salaires des agents des organisations paysannes depuis plus de deux ans ;
5. Le système de la caution solidaire est mal géré ;
6. La politique de fixation des prix du coton et des intrants est sans aucune visibilité pour les producteurs ;
7. Le revenu des transporteurs baisse ;
8. Les responsables des organisations paysannes sont relevés arbitrairement ou de façon fantaisiste de leurs postes par décret présidentiel ;
9. Les organisations paysannes sont politisées ;
10. Les pouvoirs des réseaux des producteurs sont réduits au profit des conseils qui ne sont que des cadres de concertation ;
11. Les institutions se multiplient autour de la filière.
C’est aussi le lieu de fustiger la mauvaise gestion des intrants par certains de nos collègues et responsables d’organisations paysannes.
C’est pourquoi, après avoir fait le tour d’une situation aussi catastrophique, nous, représentants des organisations paysannes issus de tous les réseaux confondus, ensemble avec les transporteurs, avons tenu à rencontrer les promoteurs de l’usine de Nikki.
Au regard de la situation catastrophique que nous vivons dans la filière coton et de peur que notre inaction conduise à notre mort programmée, nous avons effectué le voyage sur Abidjan afin de solliciter Monsieur Martin RODRIGUEZ à faire son retour dans la filière coton au Bénin.
Après les échanges avec Monsieur Martin RODRIGUEZ et vu ses réticences à réintégrer la filière dans les conditions actuelles, nous partageons ses inquiétudes étant entendu que l’organisation actuelle de la filière ne permet pas à des opérateurs indépendants d’y opérer. Tout est en effet mis en œuvre pour que notre calvaire ne prenne fin.
Face à cet état de choses, nous, producteurs de coton, exigeons de la part du gouvernement :
1. Le fonctionnement de toutes les usines d’égrenage de coton sans exception ;
2. La répartition équitable des subventions et ressources diverses destinées à tous les acteurs de la filière ;
4. La libre concurrence de l’importation et de la distribution des intrants agricoles ;
5. Le paiement sans délai des arriérés des prestations et frais de marché ;
6. Le paiement sans délai des arriérés dus aux producteurs dans certaines communes ;
Nous prions enfin le Chef de l’Etat, son Excellence Docteur BONI YAYI de venir au secours de la filière coton pour sa relance effective.
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