L’impératif d’un nouveau dialogue national !

Vendredi 19 février 2010 ! Nous commémorons, en cette date, le vingtième anniversaire de l’ouverture de la Conférence nationale des Forces vives. Ce 19 février 1990 fut, en effet, l’aboutissement d’un processus qui a évité au pays de basculer dans la violence abrupte. Après un peu plus de 17 années de marxisme-léninisme, avec son corollaire de parti unique, la banqueroute de l’Etat était véhémente. Le pays était divisé contre lui-même. La corruption, la gabegie, le tribalisme, le régionalisme étaient en tête des maux dénoncés, des plaies qu’il fallait panser. Comme aujourd’hui d’ailleurs ! Appréciant sagement la situation, le président Mathieu Kérékou avait, quelques mois plus tôt, amorcé sa reconversion en amnistiant les prisonniers politiques, en permettant aux exilés de rentrer au pays, en décidant de l’organisation de cette grande messe que fut la Conférence nationale. Pendant dix jours, les morceaux du pays se sont retrouvés au PLM Alédjo et ont parlé, se sont parlé pour se redonner la main et se recoller pour ne redevenir qu’un.
Vingt ans après, si la situation qui prévaut aujourd’hui n’est pas celle de début 1990, elle lui ressemble significativement. Il n’y a peut-être pas d’exilés politiques mais il y a eu et il a encore en prison des gens que d’aucuns assimilent, sans qu’il soit aisé de les démentir, à des prisonniers politiques. Pire, beaucoup n’hésitent plus à dire qu’en cas d’élection en 2011 et de réélection de Boni Yayi, il ne leur resterait que le chemin de l’exil. Cela traduit, sans exagération aucune, l’état d’âme du pays. En effet, une longue et grave crise politique le mine depuis plus de deux ans maintenant. Le pays est littéralement coupé en deux camps qui, pour le moment, quand ils font semblant de se parler, entretiennent un dialogue de sourds. La mouvance présidentielle et l’opposition se regardent en chiens de faïence. Le mercure monte et le pays semble promis à l’explosion. A cela s’ajoutent la mauvaise gouvernance économique avec son cortège de scandales économiques, le regain de vitalité du régionalisme et du repli identitaire, etc.
Point n’est besoin de faire un dessin pour justifier la situation dans laquelle le pays se trouve aujourd’hui. Et, il serait superfétatoire de s’étendre ici en longueur sur les causes de la situation. Ce qui importe maintenant, à mon avis, c’est l’approche curative qu’il faut adopter. Si, il y a 20 ans la République populaire du Bénin était au bord de l’implosion, l’incertitude du lendemain était manifeste, aujourd’hui encore, comme si l’histoire se répétait, la guerre de tranchées que se livrent les camps en présence, dans la perspective de 2011, promet de se muer, après la crise, en véritable conflit ouvert. Car, en dépit de l’assurance feinte que nous nous donnons en clamant l’amour sans bornes que nous vouerait Dieu, en dépit de nos prières et autres suppliques, nous avons tous conscience que tout cela ne suffirait plus comme antidote pour nous éviter de basculer, si nous n’y prenons garde. D’ailleurs, certains nous promettent par exemple « la guerre civile » si la Liste électorale permanente informatisée (LEPI) n’était pas réalisée alors que d’autres appellent à la suspension du processus de sa réalisation en vue de l’évaluer, faute de quoi ils y mettraient un terme en votant une loi à cet effet.
Il me semble que la situation tendue qui prévaut pourrait connaître un dégel appréciable si les camps en présence, qui disent chacun leur disponibilité à dialoguer avec l’autre, prenaient vraiment langue. Un proverbe sénégalais ne dit-il pas que « Deux hommes qui se disputent sont deux hommes qui n’ont pas discuté » ? C’est sans doute une chance, une opportunité qui n’est pas banale, que les présidents Kérékou et Soglo qui ont été de grands acteurs de la Conférence nationale et de la Transition qui l’a suivie, que le président Zinsou qui fait office aujourd’hui de doyen, soient encore là. C’est sans doute aussi une chance que l’expérimenté Bruno Amoussou, ce fin connaisseur de la politique béninoise, soit aussi là. Appréciant l’urgence de la situation, ils pourraient se rendre disponibles, en sages, évitant la politique de la terre brûlée, pour accompagner le processus d’un nouveau dialogue national. Un nouveau dialogue national qui, à mon avis, au regard de l’incertitude qui gagne les esprits, pourrait hautement permettre de baliser le chemin à une sortie de crise. En réalité, il me semble que chaque jour qui passe désormais nous rapproche inexorablement du débordement, de l’implosion et que vaine sera la fixation sur 2011. Si le régime du PRPB avait par exemple choisi de jouer le pourrissement, de faire l’autruche, combien de temps aurait-il encore tenu quand tous les acteurs majeurs conviennent que la violence était déjà à nos portes ? Oui, avec le recul, on peut conjecturer.

Mais je crois fermement que, profitant de la célébration des 20 ans de la Conférence nationale, nous pouvons entreprendre un dialogue national qui ferait le bilan mais tracerait aussi et surtout des perspectives. Cela me semble relever de l’impératif. Autrement, en maintenant et en engraissant les positions tranchées d’aujourd’hui, entre le pouvoir et ses adversaires, rien n’est moins sûr.
Il est temps d’y aller courageusement, au nom du pays. Ce sera notre nouveau gris-gris, après la Conférence nationale à qui il aura manqué par exemple, une véritable Commission Vérité et Réconciliation. Cela est possible aujourd’hui.

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Par Wilfried Léandre HOUNGBEDJI
(Source: http:/commentvalebenin.over-blog.com)

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