Le silence coupable des Associations de parents d’élèves
Tout laisse croire qu’elles n’existent plus dans le pays. Les Associations des parents d’élèves sont de moins en moins visibles dans la gestion des crises répétées qui secouent le système éducatif depuis près d’une décennie. Impuissance, complicité ou démission ? D
epuis lundi dernier, les mouvements de grèves ont gagné en ampleur dans les écoles maternelles, primaires et secondaires du secteur public. Les enseignants ont corsé la durée de la grève hebdomadaire qui passe désormais de 72 heures à 96 heures. Conséquence, les écoles, collèges et lycées publics du pays resteront fermés du lundi à jeudi, chaque semaine. Pratiquement un congé forcé auquel sont soumis depuis peu les apprenants. La situation est critique et bien triste. A mi-chemin de l’année scolaire 2009-2010, ce mouvement de grève constitue une grande menace pour l’exécution normale du programme scolaire pré-établi.
Alors, si dans le cas d’espèce, il faut imputer la responsabilité de cette crise aux gouvernants, d’autres acteurs du système aussi doivent être indexés. Entre autres, les Associations des parents d’élèves (Ape). Quels rôles jouent-elles réellement dans la gestion de cette crise qui ébranle tant le système éducatif béninois ? La question mérite d’être posée.
Leur existence officielle date en effet, des années 1975. A l’origine, leur implication relevait d’un souci de gestion des conflits entre les responsables des établissements scolaires et les usagers de l’école. Au fil du temps, cette mission s’est renforcée avec la Loi sur l’orientation scolaire de 2003 qui a confirmé et accru le rôle de ces Ape dans la gestion des établissements scolaire. Le cadre juridique était donc tracé pour qu’elles exercent pleinement leurs devoirs. Une Fédération nationale des parents d’élèves du Bénin ( Fenapeb) a vu le jour, chemin faisant, et ses divers organes sont censés représenter les parents au sein d’un public uniforme. On était en 1995, à l’initiative de l’Ong World Education et sous l’impulsion de l’Usaid.
Les conditions et la nature de leur participation restent cependant largement méconnues. A titre d’exemple, le Conseil consultatif de l’éducation au Bénin, composé des représentants des différents ministères concernés, des syndicats et de la Fenapeb, devrait se réunir tous les trois mois , mais cette périodicité n’est pas respectée. Pire, encore, le concours de la fédération à la définition des politiques nationales en matière d’éducation n’est jamais explicitement abordé. La Fenapeb est perçue comme artificielle par les acteurs syndicaux, mais aussi par l’administration. « Le manque d’organisation du réseau empêche les structures de coordination d’organiser des formations en vue du renforcement des capacités de la base. Le flux informationnel est déficitaire au sein du mouvement » font observer deux experts internationaux, Gaël Comhaire et Sonia Mrsic-Garac, qui ont réalisé des études sur les cas du Bénin et de la Rdc. Il n’en demeure pas moins, à les croire, que l’effet de notabilité joue fortement et le non renouvellement des membres est vivement critiqué dans les deux pays.
Des non-dits
L’ambiguïté notée au sein des Ape du Bénin est aussi grande lorsqu’on se rend compte, qu’elles sont nombreuses qui font de leur mouvement des caisses de résonances des actions des gouvernants. Certains en ont même fait un fond de commerce, à l’instar de ces Ong qui enrichissent leurs responsables au détriment des actions citoyennes qu’elles sont censées mener. Dans certains cas, des bureaux d’Ape se résument au seul président qui en fait pratiquement « sa chose ». Plus de concertation avec les autres membres, plus de réunions statutaires, reports incessants d’assemblées générales électives….
Le tableau est sombre. Dans de telles conditions, il est évident que ces associations perdent de vue leur rôle primordial qui consiste en la défense des intérêts des enfants et l’intermédiation des conflits entres les différents acteurs de l’école. Au demeurant, l’indifférence remarquable des Ape face aux grèves qui secouent depuis peu l’école béninoise est la résultante de ces nombreux facteurs qui ne concourent plus à confirmer leur utilité et leur notoriété au sein du système éducatif national.
Christian Tchanou
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