La balade des ministres face à la détresse des élèves
Ils sont en tournée depuis quelques jours. Objectif : expliquer aux populations les nombreuses mesures déjà prises par Boni Yayi en faveur des enseignants béninois. Le sport favori des ministres sous le régime du changement a ainsi repris, malgré les nombreuses désapprobations qu’il suscite dans le pays. Les ministres de Boni Yayi sont en pleine tournée nationale en ce moment. Chacun est envoyé dans sa région d’origine pour aller parler à ses frères. La langue locale est ici fortement recommandée. « Allez leur dire ce que nous avons déjà fait pour les enseignants » est sans doute le message dont ils sont porteurs. Et ils s’y prennent tant bien que mal. Certains y vont avec de la manière. D’autres avec passion, allant jusqu’à traiter les enseignants de « non patriotes ». L’étalage des faveurs à eux accordées par le régime en place depuis 2006 est immense, à croire leurs différents propos. Kint Aguiar et le ministre Cossi sont descendus dans Abomey-Calavi. Davo et Houaga sont allés dans le Mono-Couffo. Ainsi de suite. Les personnes en face sont pour la plupart des parents d’élèves ajoutés à quelques sages et notables de la localité concernée. Les élus locaux aussi ne sont pas du reste. Les arguments avancés ne varient presque pas. « Jamais un gouvernement n’a offert autant de primes aux travailleurs » clament partout les émissaires de Yayi. 15 milliards décaissés jusque-là pour le paiement de la tranche de 500.000 Fcfa au titre de l’apurement de la dette salariale due par l’Etat ; nette augmentation des dépenses du personnel de l’Etat, passant de 135 milliards en 2006 à 225 milliards en 2009 ; soit une augmentation de 90 milliards correspondant à un taux d’accroissement de 66,7% en trois ans ; près de 1900 agents reversés dans la fonction publique. Patati, patata.
Tournée contre dialogue
Ainsi, au moment où le pays bouillonne, où les marches de protestation et autres mouvements de grève s’intensifient, le gouvernement de Yayi est en balade dans le pays. Il n’y a pas mieux à dire, lorsqu’on examine en profondeur le bien fondé de cette tournée dite d’explication sur les œuvres sociales réalisées par le régime du changement. L’option est mal prise. Elle ne répond en rien à un besoin du genre en ce moment où toutes les voix s’unissent pour exhorter les camps antagonistes à la table de négociation. Ce qui importe pour les populations du sud au nord et de l’est à l’ouest du pays, ce ne sont pas les actions menées jusque-là, mais le règlement de la question de l’heure. Que faire pour ramener de l’ordre dans le système éducatif national ? Comment faire pour sauver l’année académique en cours ? Ils sont nombreux, les parents d’élèves qui ont perdu le sommeil ces derniers jours face à l’ampleur de la grève dans l’enseignement. Après plus de 5 semaines de cours ratés, ils se demandent le sort réservé à leur progéniture à l’issue de l’année académique en cours. Les élèves sont désemparés et ne croient plus à leur capacité de rendement au cours de cette année. Dans ces conditions, le dialogue entre le gouvernement et les enseignants grévistes devrait être le seul remède efficace. Il est d’autant plus indispensable, après la sévère boutade dont ils ont été objet de la part du Chef de l’Etat. Beaucoup de béninois continuent de fustiger ses propos et pensent qu’ils n’ont fait que mettre le feu dans la maison. En décidant par ailleurs de recruter des diplômés sans emploi, pour suppléer aux enseignants en grève, le gouvernement de Boni Yayi confirme aussi tout le mal que certains pèsent de lui dans sa gestion des dossiers importants du pays. Cette mesure fera durcir davantage la position des enseignants qu’il se prépare à écarter. D’où les craintes de certains de voir le Bénin replonger dans une instabilité sociale inégalable.
A une récente réunion, les têtes couronnées du Bénin ont partagé les mêmes soucis. Pour eux, rien ne peut se régler sans le dialogue. Et ils jurent se battre de toutes leurs forces pour contraindre le pouvoir de Yayi à cette obligation.
La protestation des tout petits
Cotonou affiche ces derniers jours des images inédites dans ses rues. Il y a en effet très longtemps que des tout petits se mêlent à des mouvements de protestation contre un régime en place. En envahissant par milliers les rues de la capitale économique depuis peu, pour crier leur ras-le-bol, les écoliers et élèves du secteur public ramènent le Bénin à une vingtaine d’années en arrière. Dans les années 89, 90, notamment où une grève générale des travailleurs, les avait aussi drainés sur les places publiques du pays, criant et scandant des slogans hostiles au gouvernement d’alors. Si le régime de Boni Yayi en est arrivé à ressusciter une telle euphorie, il y a des raisons de douter désormais de ses capacités à maintenir un climat apaisé dans le pays. En voyant à la télé des milliers d’écoliers de Ci, Cp et C1 et des élèves des lycées et collèges déverser leur colère sur le gouvernement, des Béninois ont eu la chair de poule, en même temps qu’ils s’interrogent sur la suite à donner à tous ces tristes évènements.
Christian Tchanou et Brice D. Gouin.
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