Le Bénin au service de l’Afrique :

Dépenses publiques et Responsabilité financière de l’Etat
A la lecture de la gestion de l’économie publique au Bénin, des indépendances, en passant par les périodes révolutionnaire et du renouveau démocratique, à nos jours, il conviendrait de noter l’impérieuse nécessité d’engager courageusement de grandes réformes simples et réalisables dans le temps pour donner des perspectives nouvelles à l’Etat dans sa volonté de financer le développement intégral du pays.

Les origines d’une économie extravertie

En effet, le caractère très extraverti de l’économie nationale, lors de l’accession du Dahomey (actuel Bénin) à la souveraineté internationale le 1er août 1960, a posé de sérieux problèmes aux hommes politiques amenés à gouverner le pays, avec comme conséquence l’intervention régulière de l’armée dans le jeu politique jusqu’au 26 octobre 1972. Les limites des politiques de socialisation de l’économie béninoise engagées en décembre 1974 avec la nationalisation des banques , les erreurs de décision dans les choix politiques conjuguées avec les surcoûts d’investissements et les besoins de liberté des populations ont conduit le Bénin à vivre, dans le milieu des années 80, une des crises les plus sévères de son histoire.

Cette crise,  qui a touché tous les secteurs d’activités et tous les agents économiques, a conduit les hautes autorités politiques  du moment, à engager des négociations avec les Institutions de Bretton Wood, à conclure et à mettre en œuvre de rudes programmes d’ajustement structurel à la fin des années 80.  Excepté la période  1968 -1969, où le budget de fonctionnement de l’Etat a été équilibré, les budgets successifs de fonctionnement des gouvernements béninois n’ont pu être exécutés qu’à l’aide d’appuis budgétaires subséquents de Partenaires  Techniques et Financiers, (PTFs), bilatéraux ou multilatéraux. 

Durant les premières années de la période révolutionnaire (1972 à 1977), des efforts ont été faits  dans un contexte économique régional et international exceptionnel du fait du boom pétrolier au Nigéria marqué par des engorgements des ports nigérians et un détournement du trafic sur le Port Autonome de Cotonou (PAC) donnant au Trésor Public béninois d’importantes recettes financières conjoncturelles. La mauvaise appréciation du retournement de la conjoncture, au début des années 80, a conduit l’Etat à exécuter son budget, par accumulation d’arriérés intérieurs et extérieurs,  et en procédant à la suppression de dépenses majeures et primordiales dans les secteurs de l’éducation et de la santé telles que la suppression du financement des  dépenses des internats, des lycées et collèges. Ces procédés, perçus comme des mesures d’économie budgétaire par les pouvoirs d’alors, se sont révélés désastreux en termes d’impacts et d’action sur la croissance économique. De plus,  eu égard à l’importance de la poussée démographique et au besoin de l’éducation des enfants béninois, le bouclage des budgets de fonctionnement s’est avéré impossible et les non mesures de blocage de l’incidence financière des avancements, de réduction de 50% des salaires des fonctionnaires en stage à l’extérieur, de gel des recrutements dans la Fonction Publique etc., ont montré résolument leurs limites en matière de gestion de l’économie publique.

Le recours aux institutions de Bretton Wood

Par ailleurs, les grands plans  d’investissement publics faiblement ficelés et mis en œuvre  sans tenir compte  du retournement de la conjoncture économique pétrolière chez le grand voisin de l’est, le Nigéria , ont subi les conséquences immédiates dues à l’effet de ciseaux des recettes qui baissent face à des dépenses incompressibles à la hausse ! Les autorités nigérianes ont réduit drastiquement leurs importations face à l’amenuisement de leurs recettes pétrolières et n’ont plus eu  besoin d’avoir recours au Port Autonome de Cotonou,  qui, ipso facto, perdait ses recettes exceptionnelles très élevées.

L’asphyxie financière de l’Etat s’est aggravée avec la déconfiture totale des entreprises publiques et semi-publiques mal gérées et sous-capitalisées. Le coup de grâce est venu du système bancaire avec la conséquence inéluctable du mécanisme, systématiquement induit, des autorisations préalables qui, à l’expérience et à l’observation, consciemment ou inconsciemment, favorise l’octroi  de crédits aux entreprises non rentables et prive de crédits les entreprises rentables  par le jeu du respect ou non des conditions de banque, du respect des minima ou maxima autorisés en matière de taux à appliquer.

Face à cette crise mal appréhendée et sous-estimée, crise sévère et sans précédent dans l’histoire du Bénin post indépendance qui a touché tous les secteurs de l’activité économique et tous les agents économiques, des mesures adéquates n’ont pas pu être prises tôt  et  les  lois de finances 86-87 ont continué à énoncer des décisions de gèle des recrutements dans la fonction publique, de suppression des bourses nationales  de stage… au lieu d’une politique anticyclique musclée de relance de l’activité économique dans son ensemble. Timidement, les autorités politiques d’alors ont noué contact avec les services des Institutions de Bretton Woods, le FMI et la Banque Mondiale pour conclure le 12 juin 1989 le premier Programme d’Ajustement Structurel (PAS I) qui s’est révélé très insuffisant face à l’ampleur de la crise et aux besoins de liberté des populations des villes et des campagnes béninoises. Les dégâts n’ont pu être limités qu’avec la conclusion de deux autres Programmes d’Ajustement Structurel de grande envergure (PAS II et PAS III).

L’avènement d’une économie libérale

Dans les faits, en période révolutionnaire, c’est la volonté du Chef de l’exécutif qui passe : les mesures draconiennes de redressement économique sont difficiles à prendre, le taux de croissance économique étant déjà négatif à ce moment là, dans les années 88-89. Les recettes totales de l’Etat ne permettaient plus de couvrir la masse salariale qui représentait déjà 104% des recettes malgré les mesures d’ajustement prises par le gouvernement. L’Etat a utilisé l’accumulation des arriérés pour équilibrer son budget retardant quelque peu l’échéance fatale du quasi-chaos économique. Les  engagements vis-à-vis de l’extérieur n’étant plus honorés, la crédibilité extérieure a été mise à mal et la recherche du Club de Paris comme bouée de sauvetage n’a pas eu l’effet escompté ! Ces conditions économiques désastreuses conjuguées aux besoins de liberté des populations ont conduit le Régime militaro-marxiste à convoquer l’historique « Conférence des Forces Vives de la Nation de février 1990 » qui a consacré que, le choix d’une économie libérale et la conclusion d’un vigoureux  Programme d’Ajustement Structurel avec les services du FMI et de la Banque Mondiale soutenue par la Communauté financière internationale était, pour le Bénin, indispensables pour la relance de l’activité économique  en vue d’un développement harmonieux et soutenable.  Au fait, l’émergence, dont on parle aujourd’hui, avait commencé depuis la  Conférence nationale des Forces Vives.

Définir des orientations nouvelles

Mais après quinze, voire vingt ans de gestion des affaires publiques, de gestion de l’économie publique, il est réaliste de constater les nombreuses insuffisances qui jalonnent la gestion quotidienne au niveau de l’Etat,  tant dans la gestion budgétaire que dans les passations des marchés publics, tant au niveau global de la gestion de l’économie nationale que dans les arbitrages  discutables face à la profondeur de la crise alimentaire, économique et de confiance entre les décideurs et les opérateurs économiques nationaux et étrangers. La gestion de la conjoncture économique nationale face aux assauts de la conjoncture économique sous régionale et  internationale pose problème et donne à réfléchir.

Aussi, dès décembre 2005, l’Etat béninois a fait le choix d’une nouvelle mode de gestion  pour le secteur public : la Gestion Axée sur les Résultats. Et, expérimentalement, le Décret de décembre 2005 consacre la « Gestion Budgétaire Axée sur les Résultats » (GBAR) et sollicite l’appui financier des PTFs du Bénin pour la réalisation des conditions propices à l’instauration de cette mode de gestion efficace et probablement efficiente. Un cadre stratégique devant conduire à la mise en œuvre de la Gestion Budgétaire Axée sur les Résultats a été élaboré et approuvé. Les moyens financiers pour le démarrage de sa mise en œuvre obtenus et mobilisés, grâce aux ressources du Fonds Européen de Développement (Appui financier de l’Union Européenne).

L’exhaustivité des flux d’aides à travers le Budget de l’Etat recherchée et le renforcement des mécanismes de contrôle interne comme externe pour une meilleure traçabilité de la dépense publique poursuivi avec détermination. Conscient des véritables enjeux de développement de l’Afrique et de l’obligation d’exemplarité et de responsabilité, l’Etat a amorcé, dès septembre 2006, et, conformément aux dispositions du Décret n° 2005/789 du 29 décembre 2005, la mise en œuvre de la Gestion Budgétaire Axée sur les Résultats (GBAR) avec quatre axes stratégiques principaux : (i) Renforcement du cadre macro-économique et mise en place d’un système fiscale efficace ; (ii) Renforcement de la gestion des dépenses et  la culture de gestion axée sur les résultats ; (iii) Renforcement du contrôle et de l’audit : contrôle interne et externe ; (iv) Accélération de la réforme administrative et intensification de la  lutte contre la corruption.

Pour opérer légalement cette grande mutation de la gestion budgétaire et financière au niveau de l’Etat, et amener la haute administration publique et privée à une reconversion des mentalités et rendre ce nouveau mode de gestion opératoire dans les actes financiers au quotidien, le Bénin doit se doter d’une nouvelle Constitution financière, une nouvelle Loi Organique aux Lois de Finances, la « LOLF »,  qui  permettra à l’Assemblée Nationale d’examiner et de voter à l’avenir, les lois des finances avec des budgets programmes exécutable par le Gouvernement (Pouvoir Exécutif),  dans le respect des contraintes constatées et retenues au niveau des Cadres de Dépenses a Moyen  Terme (CDMT) et  Cadres de Dépenses Sectorielles à Moyen Terme (CDS-MT). La mise à œuvre efficiente des budgets programmes votés par les hauts Représentants du Pouvoir législatif ne sera possible qu’avec la disponibilité effective d’une Nouvelle Nomenclature Budgétaire et Comptable, conforme aux impératifs de la GBAR,  permettant à la haute administration d’opérationnaliser, chaque année, le budget programme en l’exécutant selon les règles sacro-saintes  de l’orthodoxie budgétaire et comptable. La qualité de la dépense publique devient un impératif catégorique !  C’est à ce prix là que la réduction de la pauvreté, pauvreté mieux appréhendée dans la revue trimestrielle, « La Concertation », du Haut Commissariat à la Gouvernance Concertée, se lirait, peut être, concrètement dans les ménages béninois des campagnes et des villes, des zones rurales et périurbaines du Bénin. Le droit démocratique d’accès de tout citoyen au Système d’Information de la Gestion des Finances Publiques exige une lisibilité digeste de l’action budgétaire du Pouvoir Exécutif, d’où le devoir républicain pour les Responsables au plus haut niveau  de publier, chaque année, un véritable Rapport exhaustif d’Exécution  du Budget de l’Etat. L’action budgétaire du Gouvernement gagnerait en efficacité et en transparence si le Rapport de l’Exécutif est complété par un Rapport circonstancié d’Experts-Auditeurs des Comptes Publics et Spécialistes de la Revue des Dépenses Publiques,  externes et  indépendants. [C e chantier doit être ouvert sur beaucoup de points !!!.]

L’histoire très récente des faits économiques, politiques et sociaux, la réalité culturelle, au Bénin et dans la sous région ouest – africaine, dicte l’urgente nécessité d’un démarrage immédiat de ce  chantier, disons plus honnêtement, de ces chantiers. [Car, sous tous les cieux et dans tous les systèmes, « Gouverner, c’est prévoir ! »]
De la volonté politique affichée fin décembre 2005, de : « Rendre la dépense publique efficace par le développement d’un système simple et crédible de gestion budgétaire axée sur les résultats qui suscite l’adhésion et l’intérêt de l’ensemble des agents de l’administration publique, et des Partenaires Techniques et Financiers. », découle les impératifs ci-après :

• le renforcement du cadre macro économique et la mise en place d’un système fiscal efficace,
• le renforcement de la gestion des dépenses publiques et la promotion de la culture de gestion axée sur les résultats,
• le renforcement du contrôle et de l’audit : contrôle interne et externe,
• l’accélération de la réforme administrative, l’intensification de la lutte contre la corruption.

Le renforcement du cadre macro économique et la mise en place d’un système fiscal efficace
Des rudes politiques d’ajustement structurel menées dès le milieu des années 80 à la fin pratiquement des années 90, des efforts énormes ont été consentis, par le peuple béninois en particulier et les africains d’une manière générale, pour rétablir les grands équilibres macro économiques, créer les conditions favorables d’un endettement soutenable de l’Etat et jeter les bases d’un véritable assainissement des mœurs dans la gestion des administrations publiques et surtout, dans l’exercice quotidien du service public.
Le renforcement des capacités d’analyse et de cadrage macro économique reste une préoccupation stratégique et s’inscrit dans la dynamique d’une stratégie d’une planification du développement et doit relever une équipe de veille de la classe politique en général et faire l’objet d’un mot de passe générationnel.
La mise en place d’un système fiscal efficace  est un impératif catégorique et sur ce plan , à la vérité et contrairement la propagande malsaine ambiante, beaucoup a été fait et , dans ces conditions, comme dans le jeu de l’horizon , beaucoup reste à faire.

Cette réalité n’empêche de rendre un hommage mérité aux fiscalistes africains en  général, et,  aux différents acteurs béninois du monde de la fiscalité d’une manière générale. Les réflexions menées des années durant par les fiscalistes africains appuyés par leurs homologues des autres continents , l’ardeur à la tâche des différents animateurs, quel qu’en soit le coût, de tenir l’Etat pratiquement debout, et nonobstant la déconfiture des entreprises publiques et semi-publiques, la faillite de l’ensemble du système bancaire et financier dans presque tous les pays de l’espace de l’Union Economique et Monétaire Ouest – Africaine (UEMOA), et , la forte dévaluation de janvier 1994, ont dicté la réalisation d’une véritable transition fiscale tout en œuvrant au renforcement des capacités des administrations  des douanes et des Impôts.   

Cette démarche conçue et enclenchée à temps pour préserver les ressources financières ne devrait souffrir d’aucun relâchement et les effets de la crise économique et financière mondiale restent gérables dans une quête permanente et quotidienne de gestion transparente des marchés publics conjuguée d’obligation soutenue d’exécution de dépenses publiques de qualité.  

Par Rhétice Dagba

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