La responsabilité de Yayi
Les choses se compliquent pour Yayi sur le plan social. Alors que La crise sociale a atteint son paroxysme, le Chef de l’Etat ferme la porte du dialogue avec les partenaires sociaux et joue la carte de la fermeté et de l’intransigeance, donnant ainsi de façon grossière la preuve de son incapacité à éteindre un feu qu’il a contribué lui-même à allumer. Sur toutes les cartes qui étaient à sa disposition, c’est certainement la mauvaise carte qu’a choisie le Chef de l’Etat, celle de l’affrontement face à des enseignants décidés eux aussi à aller jusqu’au bout. Déjà, il a envoyé ses ministres et ses collaborateurs directs à parcourir monts et vallées, hameaux et quartiers de ville pour désavouer les enseignants. Leur éternel refrain « le gouvernement a englouti près de 25 milliards pour satisfaire aux revendications des enseignants. Aucun gouvernement n’a fait autant pour les enseignants en peu de temps ».L’objectif vise à montrer que les enseignants en font un peu trop et qu’ils n’ont plus droit de faire la grève après avoir reçu autant d’avantages de la part du gouvernement. Pour les syndicalistes, c’est un déni du droit de grève et surtout une astuce pour bloquer les négociations avec les partenaires sociaux. Mais comme ce discours du désaveu n’a pas porter ses fruits, on décide alors de sortir un autre élément artifice : remplacer les enseignants grévistes par des chômeurs et les appelés au service militaire d’intérêt national. Dans une précipitation et une imprudence inouïes, le ministre de l’enseignement primaire et secondaire lance un communiqué qui invite les jeunes chômeurs et les appelés du service militaire à s’inscrire dans les circonscriptions scolaires pour prendre la place des enseignants en grève.
Et pourtant, si la fronde sociale a atteint un tel niveau c’est bien plus à cause de Boni Yayi que de l’insatisfaction proclamée des enseignants. Deux éléments permettent de l’affirmer. C’est d’abord le discours du président de la république qui est en cause. Lors de ses rencontres avec les syndicalistes, le président Boni Yayi les promet ciel et terre. Il promet même des choses qu’il sait bien ne pas être en mesure de faire d’ici des décennies. Pourquoi ne pas tenir le langage de vérité devant des partenaires sociaux qu’on sait souvent très exigeants. Ensuite, le terreau fertile à cette révolte syndicale est la mauvaise gestion au sommet de l’Etat. Celle ci se caractérise par une prodigalité inouïe, surtout une augmentation des salaires politiques et une augmentation des institutions budgétivores. En effet, les syndicalistes ont commencé à monter les enchères lorsqu’ils ont vu l’augmentation qu’ont connue les salaires politiques. A peine venu au pouvoir, Yayi a quintuplé les salaires de ses ministres. Mieux, il a créé des institutions qui n’existaient pas avant. C’est le cas du Haut Conseil de la Gouvernance Concertée, du Haut Conseil du Changement, du médiateur de la république (dont les émoluments astronomiques continuent de donner la trouille à certains béninois).
A tout cela il faut ajouter l’augmentation sans cesse croissante du nombre de ses conseillers techniques. Au nom de la prospérité partagée, le gouvernement envoie des millions aux rois et aux cultes religieux et n’hésite pas miser gros pour « acheter » tous ceux qui osent s’opposer à sa politique. Enfin, le budget général de l’Etat est en net accroissement depuis 2006 et a dépassé le cap des 1000 milliards depuis 2008. Comment dans ces conditions, les syndicalistes peuvent-ils croire qu’il n’y a pas de l’argent dans le pays ?Yayi est donc l’auteur de son propre malheur.
Marcel Zoumènou
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