Prix de cession de la graine de coton au Bénin

La Sodeco veut « tuer » la filière oléagineuse

Depuis plusieurs semaines, le prix de la graine de coton est au cœur d’un différend entre la Sodeco (Société de développement du coton) et les sociétés  Fludor et Shb qui  tournent au ralenti.  La Sodeco, mue par des intérêts mercantiles,  a choisi d’exporter la graine de coton à 78F le kilogramme alors que les sociétés Fludor et Shb disent n’être en mesure de l’acheter qu’à 65F.

La dernière sortie médiatique de Moudjaïdou Soumanou, directeur général de la Sodeco, sur la chaîne de télévision nationale a fini par édifier tous les acteurs de la filière sur les véritables intentions de cette société qui détient depuis 2009 le monopole de l’égrenage du coton au Bénin. Au lieu de tendre la main aux triturateurs et de rechercher une porte de sortie, il a plutôt choisi d’intimider. Très imbu de lui-même, il a plutôt montrer sa fermeté à céder la graine de coton au prix qu’il veut, soit 78F contre les 65F proposés par les triturateurs que sont Fludor et Shb. Mieux, Moudjaîdou Soumanou a semblé imputer en partie la descente aux enfers de la filière coton aux triturateurs qu’il accuse d’acheter à des prix trop bas ces graines de coton. Une déclaration peu objective surtout lorsqu’elle vient de quelqu’un qui connaît bien les méandres de cette filière. Car, en effet, la filière est confrontée à d’énormes problèmes qu’il connaît bien.  Il a cité lui-même le problème des cautions solidaires. Il y a aussi  les difficultés liées à la distribution des intrants, le non paiement à temps des cotonculteurs, les retards dans les ramassages des récoltes de coton graine et l’accumulation des dettes. Ce sont là des problèmes récurrents que Moudjaîdou connaît très bien et auxquels la Sonapra, génitrice de la Sodeco qu’il dirige aujourd’hui, n’a pu trouver des solutions depuis des années. De même, il a travaillé pour la création de l’Aic (Association interprofessionnelle de coton) qui n’a pu changer la tendance malgré les nombreuses subventions reçues de la part des partenaires techniques et financiers. Quel intérêt des triturateurs (qui ont besoin de graines de coton pour tourner leurs usines) ont à travailler contre cette filière ? A moins qu’ils choisissent de scier la branche sur laquelle eux-mêmes sont assis.

La vérité sur le prix de graine de coton

Le prix de la graine de coton ne se fixe pas au pifomètre comme on le pense certaines personnes. Les triturateurs tiennent grand compte du prix de l’huile, du tourteau mais aussi de la quantité de graine disponible et des réalités du marché national comme international. C’est pourquoi, ils ont décidé cette année d’acheter le kilogramme de graine de coton à 65F contre 95F proposés par la     Sodeco avant de le ramener, après moult négociations, à 85F puis à 78F selon les dires de Moudjaïdou Soumanou. Les triturateurs ont refusé ce prix parce qu’une quantité de graine aussi faible ne leur permet pas de déterminer des coûts fixes. De même, ils ne peuvent trouver aucun banquier qui pourra accepter de financer une telle affaire. Ils refusent ainsi de faire hara-kiri en acceptant des prix qui vont accumuler leurs dettes au fil des années. Ils veulent ainsi éviter la situation de l’année dernière où en acceptant d’acheter la graine à 75F, ils ont simplement tourné à perte avec une dette qui tourne autour de 3,5 milliards pour les deux sociétés. En vérité, la Sodeco a voulu passer par des voies détournées pour obtenir une subvention auprès des triturateurs après celle obtenue en 2009 de la part de l’Etat. Il faut le rappeler, cette subvention de 11,280 milliards sur les intrants a permis à la Sodeco d’acheter le coton graine à 190F contre 252F si cela n’était pas subventionné. Idem en 2008 où elle a bénéficié d’une subvention de 6,466 milliards. Tout se passe comme si on veut faire saigner à blanc les triturateurs pour aider les égreneurs à combler les déficits qu’ils accumulent en achetant trop cher le coton graine auprès de producteurs qui demandent toujours à vendre à un prix plus élevé qu’ailleurs.

Un secteur non protégé

En janvier dernier, les acteurs de la filière oléagineuse du Bénin ont envoyé un courrier au Chef de l’Etat pour demander son arbitrage afin de régler les nombreux problèmes auxquels la filière est confrontée. Dans cette lettre restée hélas sans réponse, ils demandaient par exemple que le monopole soit régulé. Selon un triturateur, « il est inadmissible que dans la même filière, ils évoluent dans le libéralisme alors que l’Ica-Sodeco bénéficie de l’interventionnisme de l’Etat ». Surtout que les triturateurs opèrent sur un marché non protégé et concurrencé par l’huile de la Malaisie importée par le Nigeria et qui gagne le Bénin par la contrebande. Plus grave, les importateurs d’huile par le port de Cotonou bénéficient d’une valeur mercuriale qui réduit de 50% la valeur en douane de leur marchandise.

Et comme tout cela ne suffisait pas la Sodeco décide de priver ces deux sociétés que sont Fludor et Shb de la graine en les vendant aux éleveurs de vache d’Espagne, d’Italie et de Grèce. Ceux-là n’en ont pourtant  besoin que pendant les trois mois de soudure. Le Bénin, dans ce dossier, donne l’impression d’un pays hostile à l’investissement étranger. Et du coup, la vie de près de 500 travailleurs béninois est en danger et l’Etat n’a pas semblé se soucier de cela. 

Marcel Zoumènou

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