Refus de se présenter à la présidentielle de 2011

Yayi distrait le peuple et la classe politique

Le front des trois ordres de l’enseignement a réussi à sortir Yayi de ses gongs. Au cours d’une audience qu’il leur a accordée le jeudi dernier, le Chef de l’Etat a simplement déversé sa colère sur eux. Il montre lui-même sa difficulté à rester au-dessus de la mêlée et surtout un dédain affiché pour un second mandat présidentiel. Une attitude qui n’est pas nouvelle et qui relève plus d’une stratégie politique que d’une déclaration sincère à prendre au sérieux par les hommes politiques et les populations.  A-t-il enfin jeté le froc aux orties ? Au cours d’une audience au palais, Yayi a simplement déversé sa bile sur Raouf Affagnon et ses collègues du front des trois ordres de l’enseignement. Morceaux choisis : « Je n’ai plus rien à vous donner, je ne suis candidat à rien. Vous pouvez fermer l’école béninoise, vous pouvez blanchir l’année (…) le prochain président de la république va résoudre vos problèmes ».Ses propos sont l’expression de l’état d’âme du président de la république qui, de moins en moins en mesure d’accomplir la tâche à lui confiée, verse dans l’art de la banalisation de sa responsabilité et donne l’impression de ne pas être intéressé par un second mandat. Ce genre de discours n’est pourtant pas nouveau. Le vendredi 17 juillet 2009 alors qu’il recevait les responsables des centrales syndicales et de la Fesyntra-finances décidés à marcher contre le gouvernement pour le scandale Cen-sad, le président Boni Yayi a tenu des propos similaires : « 2011, je ne suis plus intéressé, je suis fatigué de ce pays (…) mais avant de partir, je mettrai la barre très haute et le pays sera difficile à gérer par mon successeur » .De même, en 2008 lors de la fête des dockers, il a été interrompu en plein discours par le slogan d’un docker qui lance à tue-tête « Yayi dix ans ». Il arrête automatiquement son discours et répond à la cantonade « non, je suis trop vieux, je suis fatigué ».De ces propos, quelques constances se dégagent. D’abord,  on voit un  Chef de l’Etat qui s’essoufle devant l’immensité de la fonction présidentielle. Ensuite, il fait montre d’une grosse déception qui émane du fait qu’il est incompris ou que ses efforts ne sont pas reconnus à juste titre par les populations. Enfin et c’est ce qui est grave, il se dégage une grande volonté du premier magistrat de la république à léguer à la postérité et surtout à son successeur d’énormes problèmes à gérer. Bref, un passif gouvernemental lourd.

La stratégie togolaise

Toutes ces déclarations de Yayi sont pourtant à prendre avec des pincettes. On a comme l’impression qu’il y a un grand contraste entre le discours tenu et les vraies intentions du président de la république quant aux élections présidentielles de 2011. Et comment ne pas croire cela lorsque tous les week-ends, des proches collaborateurs du président Yayi et des caciques de la majorité présidentielle créent des partis et lancent la grande mobilisation pour la réélection de leur chef charismatique. « Le président Yayi n’a jamais dit qu’il ne sera pas candidat aux élections présidentielles de 2011, il est bel et bien candidat en 2011, soyez rassurés », a déclaré Alexandre Hountondji, conseiller politique du président de la république le dimanche dernier au palais des congrès lors du congrès constitutif du parti Udbn de Claudine Prudencio. Il est donc clair que les propos tenus par Yayi visent à distraire ses opposants et surtout à jouer sur la psychologie des populations afin de susciter l’affection des électeurs.

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C’est une stratégie qu’affectionnait bien l’ex-président togolais Gnassingbé Eyadema qui déclarait toujours être fatigué du pouvoir et qu’à la fin de son mandat, il irait se reposer, mais à la fin il faisait marcher les femmes dans les rues de Lomé pour susciter sa candidature, et se faisait toujours élire pour dire « j’ai accepté l’appel du peuple ». Les dix ans de résidence de Yayi à Lomé au temps de ce président ont-ils eu une influence sur sa stratégie de gouvernance ? Difficile de croire le contraire.

Marcel Zoumènou

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