Le suspense aura été long. Ce fut à l’aube du 10 avril 2010, soit près de douze heures d’horloge de retard sur le délai annoncé, que l’alliance politique dénommée l’Union fait la Nation (UN) a fait connaître son porte-flambeau à l’élection présidentielle de 2011. Me Adrien Houngbédji, qui a rallié les suffrages de ses pairs, au bout d’une longue et laborieuse délibération, va ainsi engager sa cinquième et dernière tentative de conquête du Palais de la Marina.
Prime à l’expérience. Me Adrien Houngbédji fait aujourd’hui figure d’ancien, d’un vieux de la vielle du landerneau politique national. Omniprésent à toutes les présidentielles depuis l’aube du renouveau démocratique en 1991, il a l’avantage de décliner des titres aussi importants que celui de Premier ministre, de Président de l’Assemblée nationale (deux législatures), de Maire de Porto-Novo.
Prime au réalisme. Me Adrien Houngbédji, dans l’alliance politique de l’UN, est le leader qui justifie du poids électoral le plus important. Son électorat s’est stabilisé à un pic de 25%. Le choix d’un plus jeune candidat aurait signifié l’option en faveur de l’avenir. Mais en attendant que les enfants grandissent et s’aguerrissent, on reconnaîtra, tout de même, qu’un vieillard assis voit plus loin qu’un jeune homme debout.
Prime à la transition. Compte tenu des limitations constitutionnelles liées à l’âge des candidats, si Me Adrien Houngbédji était élu, il ne pourrait accomplir qu’un seul mandat de cinq ans. Ce qui fait de lui l’homme de la transition par excellence. Aussi s’attacherait-il davantage à peaufiner l’image qu’il laissera à la postérité plutôt que de se laisser aller à s’emmêler les pédales dans les calculs politiciens pour jouer les prolongations au pouvoir. Mais, c’est la formule même de l’Union fait la Nation qui mérite d’être analysée.
S’agit-il d’une formule originale, unique en son genre, tout au moins en Afrique, comme certains, enthousiastes au possible, ont voulu le faire croire ? L’Union fait la Nation n’aura la palme de l’originalité et ne pourra prétendre à des droits, au titre de la propriété intellectuelle, qu’à deux conditions.
• Il lui faudrait d’abord gagner la bataille de la durée. En commençant par surmonter les contradictions internes qu’elle gère actuellement vaille que vaille. Ce n’est pas signe de bonne santé.
• Il lui faudrait ensuite gagner la bataille de l’unité. En s’imposant, dans le paysage politique national, comme le creuset fédérateur d’anciens groupes politiques décidés de se saborder pour se fondre en un grand parti national.
En attendant, l’UN donne plus à penser à un accord, à un arrangement électoraliste de circonstance conclu entre des leaders qui, avant d’appeler les Béninois à élire leur candidat désigné, invitent ceux-ci à voter contre Boni Yayi.
Voilà qui donne la pleine mesure des grands défis que l’UN aura à relever dans les semaines et dans les mois prochains.
• On ne doit pas perdre de vue les lignes de fractures et les rivalités entre les groupes qui se retrouvent et qui évoluent aujourd’hui sous la même casquette. Il faut les identifier et s’attacher à les aplanir au nom de l’idéal de l’unité. Car, pour être durable, l’unité doit se construire au-delà des élections.
• On ne doit pas perdre de vue la guerre de leadership, aux allures d’une querelle des anciens et des modernes, qui secoue déjà les rangs de cette nouvelle alliance politique. Si les ambitions déclarées n’étaient pas régulées et gérées à bon escient, l’UN pourrait se révéler vite davantage comme un volcan menaçant que comme un pôle politique d’excellence, un laboratoire innovant qui ambitionne de changer la donne politique dans notre pays.
• On ne doit pas non plus perdre de vue que cette Union était à peine née qu’elle essuyait déjà la critique d’être un regroupement régionaliste, au prétexte que les partis tout comme les leaders qui l’animent sont tous du Sud du pays. La nation, dans son acception sociologique et politique est une construction inclusive, pour dire qu’elle rassemble tout le monde, n’exclut personne.
• On ne doit pas perdre de vue, enfin, que l’UN projette Me Adrien Houngbédji dans de hautes responsabilités dont il devra prendre, ici et maintenant, l’exacte mesure. Comme locataire du Palais de la Marina, le candidat de l’UN concrétiserait un rêve personnel, après quatre tentatives infructueuses. L’UN lui ne lui demande pas moins de montrer comment gouverner autrement, après qu’elle eut fait le constat que le changement n’a rien changé. En outre, Me Adrien Houngbédji fait figure du dernier des Mohicans. Avec lui, c’est une génération de politiciens qui passe la main. Quel héritage de valeurs aura-t-elle pris soin de transmettre à la jeune génération ? Il faut croire que celui qui ambitionne de sortir de la scène en beauté et de rentrer dans l’histoire la tête haute sait ce qui lui reste à faire.
Jérôme Carlos
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