Du 7 février 1908 au 7 février 2008, il y a exactement 100 ans que Dè Toffa avait rendu l’âme dans son palais privé de Gbècon à Xogbonou/Porto-Novo. Prince téméraire, ce souverain occupait une place exceptionnelle dans l’histoire du royaume de Xogbonou perçue comme un pan important de celle de tout le golfe du Bénin.
Né vers 1840 et pressé de prendre le pouvoir aussitôt après la mort de son père Dè Sodji en 1864 contrairement à la coutume, il n’y parvint finalement qu’en 1874 après bien des tribulations au terme de sa formation pour la gestion des affaires à la cour royale d’Abomey. Une fois installé sur le trône par Glèlè, son royal cousin, il entreprit de consolider son pouvoir, d’assurer la sécurité du territoire de son royaume et d’œuvrer pour la prospérité de ce dernier dans un cadre indépendant du Danxomè. Cette dimension de sa nouvelle ambition l’amena à se rapprocher de la France comme l’avait fait son père en 1863. La réaction de cette puissance étrangère, qui s’inscrivait dans le contexte de la poussée impérialiste en Europe et des rivalités entre Européens sur la côte du Bénin, aboutit en 1882 au rétablissement du protectorat français sur le royaume, le premier protectorat n’ayant duré que de 1863 à 1864. Se sentant désormais plus fort, et soucieux de se réconcilier avec les princes des autres branches de la dynastie royale, Toffa invita ces derniers à regagner la capitale du royaume qu’ils avaient quittée par crainte pour leur vie. Il régna en s’appuyant non seulement sur son partenaire français qui avait tout intérêt à le soutenir, mais aussi sur la gestion traditionnelle- sans l’opposer aux religions importées- , les sociétés secrètes, les Mito ou dignitaires auxquels il accordait des avantages en matière de commerce pour s’assurer leur fidélité. Le souverain ne manquait pas d’ambitions pour son royaume lorsqu’il pressait les français pour le tracé définitif de ses frontières, devenu une réalité en 1889-1894, ainsi que pour les travaux d’urbanisation de sa capitale… Mais sa position était fragilisée non seulement par la cession à la France de ses droits de douane contre une pension annuelle, restée sans argumentation tout le temps malgré ses nombreuses réclamations, mais aussi par le retrait progressif de son pouvoir judiciaire, ainsi que de son pouvoir disciplinaire. Exaspéré par le traitement qui lui était réservé dans son royaume qui ne cessa de prospérer et devint même le poumon de l’économie de la colonie du « Dahomey et Dépendances » formée en 1894, Toffa prit donc la courageuse décision de remettre en cause toutes les conventions qui le liaient à la France et dont il demanda instamment la révision totale, mais en vain. Avec le soutien de ses dignitaires et de son peuple, il manifesta donc ouvertement son hostilité à l’administration coloniale, il s’opposait à l’action des gardes civils et interprètes entreprit de faire échouer la réforme judiciaire et de régler la question de douane, protesta contre l’impôt de capitation; il participa de façon à peine voilée aux mouvements de protestation contre les patentes et licences qui eurent lieu durant les dernières années de sa vie.
Mais quelle que fût sa volonté de ne plus laisser le terrain libre à la France, le rapport des forces n’était pas en sa faveur, d’autant plus qu’il ne pouvait compter ni sur les Afro-brésiliens qui étaient du côté est français ni sur les musulmans qui, malgré leur poids dans l’économie, ne participaient généralement pas à la vie politique du royaume. Certes la prospérité économique était réelle et des progrès importants ont été accomplis dans le domaine socioculturel dans sa capitale, devenue aussi d’ailleurs entre temps celle de la colonie du « Dahomey et Dépendances », mais c’est totalement aigri à cause de la « duperie » de son partenaire européen que le roi Toffa mourut le 7 février 1908.
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