Un demi-siècle d’errements, pourquoi ?

Il faudra pourtant oublier notre cher pays le Bénin avec son chef d’Etat, le Président Boni YAYI, son UN, sa LEPI, son univers de corruption qui s’étend malheureusement de plus en plus. Il faudra sortir de notre « paroissisme », de notre « parochialisme » pour nous situer dans un contexte plus vaste : l’Afrique Subsaharienne ou à la rigueur l’Afrique de l’Ouest.

Nous verrions alors que mutatis mutandis, malgré quelques rares progrès différentiels ça et là, nous sommes tous logés à la même enseigne avec presque les mêmes maux partout :  mauvaise gouvernance et corruption galopante, émergence d’une couche cleptocratique, gaspilleuse et dispendieuse, une jeunesse sans avenir obligée de s’expatrier vers les pays du Nord croyant y trouver son salut, immaturité et confusion politiques, des masse rurales laissées pour compte lors donc qu’on se croie quitte à leur égard en faisant passer dans certaines zones suburbaines des routes construites sur prêts remboursables par nos enfants ou sur dons, des couches urbaines misérables et démoralisées au sens étymologique du mot, surtout les femmes. Après un demi-siècle de colonisation (pas assez : la Gaule a été colonisée pendant 500 ans par l’Empire Romain) et 50 ans de souveraineté internationale formelle nonobstant la persistance de la situation impériale, c’est à dire soumission à l’Occident dans tous les domaines, économique, politique, culturel (mode de vie, univers techno-scientifique et éducatif), une pause s’impose pour des réflexions collectives que nous devons nous approprier. Nous serons impardonnables si nous démissionnons ici encore et laissons les élites occidentales le faire à notre place. J’ai l’audace de lancer à ma façon le débat en commençant par l’élément qui me semble le plus important, l’élément spirituel. En effet, quand vous suivez l’évolution des grandes civilisations, vous remarquerez une régularité : la superstructure mythologique (Karl MARX a parlé lui de superstructure idéologique secrétée par les conditions infrastructurelles) précède toujours et structure toutes les formations sociales et leur donne leur logique et leur cohérence. Que ce soit en Egypte, en Assyrie, dans le monde médo-perse, le monde gréco-romain, l’Empire arabe puis l’Empire ottoman, les dieux et les productions mythologiques qui leur donnent vie ont toujours précédé les efforts constructivistes et bâtisseurs des hommes. Ceci nous paraît plus évident : le monde occidental n’aurait jamais couvé cette brillante civilisation, s’il ne s’était pas d’abord assis sur le christianisme. Notre drame, c’est que ce christianisme n’a guère eu le temps d’imbiber profondément nos mentalités et nos réflexes socio-culturels avant que le même Occident nous pervertisse avec son matérialisme marxiste ou consumériste.  Voyons donc ce qui dans le christianisme est révolutionnaire sur la voie du cheminement religieux de l’espèce humaine et constitue un gigantesque bond en avant spirituel. C’est la croyance (ou foi dans son propre vocabulaire) en un envoyé de Dieu, un  Messie qui est son propre Fils donc Dieu lui-même incarné, mal compris et de ce fait maltraité par ses congénères, mais reconnu comme tel par des milliers de croyants sauf une minorité rebelle, après sa Résurrection et son Ascension vers les Cieux d’où il est venu. C’est formidable ce credo original de l’Emmanuel : Dieu s’est incarné et a habité parmi nous, épousant notre condition d’hommes malheureux, et de ce fait a honoré et sanctifié notre enveloppe charnelle ! Je n’ai pas l’intention ici d’ergoter sur la véracité empirico-scientifique de ces croyances. Ce qui m’importe, c’est de montrer leur force mobilisatrice aux plans de l’univers anthropologique, de l’équilibre spirituel donc psychologique, des convictions éthiques et des conditionnements comportementaux sur des milliers de gens. Nous n’avons rien eu de tels dans l’Afrique Subsaharienne. En effet, après la pénétration arabo-islamique, nous n’avions  guère eu le temps d’intérioriser notre voie vers le monothéisme, à cause de la Traite négrière, puis la colonisation ; à peine convertis à l’islam dans la plupart des nations de l’Afrique Subsaharienne, l’Occident chrétien est venu subitement nous déstabiliser et mondialisation oblige, nous voilà derechef entraînés vers l’ère post-chrétienne occidentale du matérialisme consumériste et du triomphe du capitalisme financier.

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Que faire ? Puisque le mal est fait de par notre intégration au Royaume de Mammon, combattons les attraits à nous miroités  par le capitalisme et son culte de l’enrichissement obsessionnel, du profit  et de la jouissance immédiate, par ce système que lui-même a secrété comme son antidote : le socialisme démocratique basé essentiellement sur les valeurs humanistes du christianisme. Notre fond endogène pourra toujours servir comme adjuvant si nous le débarrassons de ses scories païennes et magiques. Aussi, au centre de nos stratégies de développement, est-ce d’abord à l’homme débarrassé de son angoisse existentielle par une adhésion sans faille à un credo révivifiant que doivent aller nos préoccupations, et non à une névrose productiviste qui a montré ses limites.      

Par Dénis AMOUSSOU-YEYE, professeur à l’UAC

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