Un réfugié togolais et ses trois enfants en danger de mort à Abomey

Injustement pris pour cible depuis le mercredi 5 mai dernier par des habitants d’Abomey qui veulent sa peau et celle de ses enfants, un réfugié togolais répondant au nom de Fabio Yacoley Johnson est désormais sous protection policière et même assigné à résidence en attendant d’être évacué vers d’autres horizons. Mais vu que l’homme espère depuis plusieurs années la protection internationale due aux refugiés, il est évident que le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés et la Commission nationale des réfugiés devraient en urgence se pencher sérieusement sur ce cas qui défraie le chronique.

A travers cet homme dont on dit qu’il ne convainc pas dans sa quête des documents devant lui conférer le statut de réfugié politique, c’est aujourd’hui trois vies qui sont en danger ; des enfants de 12 à cinq ans qui, apprend-on, depuis les derniers événements du quartier Agnangnan à Abomey sont assignés à résidence en même temps que leur père et ne peuvent donc plus, du coup, continuer à aller à l’école. Menacé de mort par des gens qui le soupçonnent d’être impliqués dans la scandaleuse tuerie en série d’enfants enregistrée ces derniers mois dans ce quartier, Fabio Yacoley Johnson a aussitôt été mis sous protection policière. 

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Quelques jours après qu’un homme politique, en l’occurrence  Antoine Adjakidjè – ancien adjoint au maire d’Abomey, eut ouvertement, sur une radio de la place à Abomey, fait allusion aux porteurs de dread lock communément appelés ‘‘Rasta’’ comme étant de potentiels suspects dans les tueries en série d’enfants, deux parmi eux ont effectivement été battus à mort par des populations qui les ont pris à partie en les soupçonnant de vouloir tuer un autre enfant. L’homme politique invitait à chercher les auteurs des actes incriminés au sein des ‘‘rasta’’ qui, selon lui, ressemblent plus à des animaux qu’à des hommes et flânent à travers la ville sans occupation précise. Dans les milieux policiers, la tuerie collective du 05 mai à Abomey est, bien sûr, à ranger dans la catégorie des actes de barbarie ne reposant bien évidemment sur rien de consistant. Les deux victimes n’ayant jamais pu être convaincues de ce qui leur était reproché, la probabilité est forte, analyse-t-on, eu égard aux déclarations aux allures xénophobes et à l’incitation à la vindicte populaire contre les porteurs de ‘‘rasta’’ qu’il s’agisse plus d’un règlement de compte que d’un acte hasardeux de vindicte populaire. Et pour être en train d’enquêter avec assiduité sur les tueries et vols d’enfants dans la région, les forces de l’ordre ne voudraient, bien évidemment, pas laisser se poursuivre les exécutions expéditives d’innocents ou de personnes simplement et maladroitement suspectées.

Le flou est entretenu

D’où la nécessité pour la police nationale, de lui accorder sa protection en attendant que la commission nationale des réfugiés se prononce pour un règlement définitif de son cas. Il s’était même révélé que c’est lui qui aurait été visé et que les meneurs de la vengeance populaire du 05 mai s’étaient trompés et s’en sont pris à d’autres ‘‘rastas’’, malheureusement, natifs d’Abomey. Après quoi, il s’est trouvé des gens pour demander à la police d’arrêter la protection qu’elle lui apporte et de les laisser lui faire subir le coup du sort.
C’est dans la foulée que la police a interpelé vendredi plusieurs personnes dont l’auteur des propos ayant certainement suscité la vendetta orchestrée ce 05 mai par des populations survoltées et le chef de quartier Ernest Adjagoudoumè. M. Adjakidjè est coupable de déclarations qui ont certainement provoqué des troubles à l’ordre public ; des troubles ayant occasionné deux victimes. Deux rastafari massacrés. Il pourrait en résulter pour lui qu’il a incité à une vindicte populaire qui a été fatale à deux hommes. Gardé au commissariat central d’Abomey, il sera certainement en début de semaine, avec ses co-accusés, présenté au procureur qui décidera de son sort.

Dans ces conditions, étant apparu capital de faire partir d’Abomey ce réfugié, les services de la police ont saisi, il y a une semaine déjà, le Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés. Jeudi et vendredi ayant été chômés, on pourrait s’expliquer que l’institution internationale a été quelque peu prise de court et n’a donc pas eu le temps matériel pour répondre à la requête de la police. C’est dire que la semaine qui démarre devra être décisive eu égard à la solution à apporter à ce cas d’urgence. Autrement, le Haut commissariat des nations unies pour les réfugiés et la Commission nationale pour les réfugiés auront à répondre de ces vies humaines. Si ces institutions n’ont pour mission que de suivre les réfugiés et de les prendre en charge, on imagine mal que devant le cas de Fabio Yacoley Johnson et de ses trois enfants, elles ne réagissent pas avec la promptitude que requiert la nécessaire urgence d’assistance à ces réfugiés en danger de mort. Alors, quand un réfugié est obligé de passer par voie de presse pour se faire entendre des animateurs des structures qui ne justifient que par eux leur existence, on peut s’interroger sur les convictions qui les animent.

Une législation pourtant favorable en juillet 2007, la Commission nationale des réfugiés, estimant que le contexte politique au Togo avait évolué de façon positive et que ce pays était désormais marqué par un climat apaisé caractérisé par le dialogue, elle n’était plus fondée, semble-t-il, à accepter sa requête.
Artiste et militant du rastafari, M. Johnson avait dû fuir son pays parce qu’il avait été arrêté et torturé dans la tourmente de l’échéance présidentielle d’avril 2005. Soupçonné de soutenir un parti de l’opposition togolaise, il avait été conduit dans un camp militaire où il avait subi toutes sortes de sévices. Arrivé au Bénin, c’est à l’hôpital de la Croix Rouge du camp d’Agamè qu’il est soigné. C’est donc un homme marqué à vie qui balaie d’un revers de la main les arguments servis par cette commission. Selon lui, ‘‘c’est le même système politique qui dirige le Togo. Même ici au Bénin, il me faut toujours me cacher et imaginer des stratagèmes pour me préserver du danger qui me poursuit’’, se plaint-il. En effet, faute d’avoir obtenu les documents relatifs à un statut de réfugié, il lui est impossible de faire des opérations dans une banque ou bien recevoir de l’argent car ne disposant plus de documents administratifs.

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Il y a quelques mois, il avait dénoncé l’opposition de cette commission qui, en violation des textes internationaux, avait opposé une fin de non recevoir à sa requête. Et pourtant, en vertu du droit des réfugiés, ‘‘celui-ci ne peut être expulsé ou contraint à rentrer au bercail ou vers un pays où sa vie et sa liberté seraient menacées’’. Manifestement bouleversé et au regard de la loi, il dit ne pas comprendre pourquoi son pays d’accueil hésite tant à lui reconnaître le droit d’assistance publique auquel a droit et aspire tout réfugié. Ne pas pouvoir être éligible au droit d’asile politique et à la protection internationale est assimilable, avait-il fait remarquer, à un refus d’assistance à personne en danger. 
(Par Hervé Jossè, Abp)

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