Plus d’activité de collecte d’épargne et de placement d’argent en ligne au Bénin. Cette interdiction a été faite hier par le ministre de l’intérieur, Armand Zinzindohoué, au cours d’une rencontre qu’il a eue avec les responsables des structures intervenant dans ledit secteur.
La collecte d’épargne et de placement d’argent défraie la chronique depuis l’écroulement de de Icc services, société pionnière dans ce domaine au Bénin. C’est dans cette optique que le gouvernement a convoqué par voie de presse les responsables des structures intervenant dans le domaine à une séance au ministère de l’intérieur hier. A cette séance, le gouvernement était représenté par trois ministres : Armand Zinzindohoué de l’intérieur et de la sécurité publique, Idriss Daouda en charge des finances et Grégoire Akoffodji, le Garde des Sceaux ayant en charge la justice. On notait également la présence du directeur de cabinet du ministère de l’intérieur, Abassi Alley, son chargé de mission Bienvenu Agbidinoukoun, le directeur général de la police nationale (Dgpn) et le commissaire de la Brigade économique et financière (Bef). A l’arrivée des ministres, c’est celui en charge de l’intérieur qui a planté le décor. Il a voulu savoir si toutes les sociétés opérant dans le secteur ont eu l’agrément pour exercer après avoir salué la démarche citoyenne de ceux qui ont répondu à son appel. La réponse étant négative sur toute la ligne, il rappelle à l’assistance que la collecte d’épargne, le placement d’argent et la micro finance sont des activités pourtant régies par des lois et règles. Le ministre des finances Idrissou Daouda rappellera quant à lui aux responsables de e-business que ceci est une activité régie par la loi bancaire et la loi Parmec. Pour l’exercer, il faut une un agrément du ministère des finances. Toutes choses auxquelles aucune structure présente à la rencontre, ne satisfait, selon nos sources.
Pour Akoffodji, le tout nouveau ministre de la justice, il est temps de revenir dans la légalité. Au bout de cette séance qui a duré une trentaine de minutes environs, le ministre Zinzindohoué décrète que l’activité de collecte d’épargne et de placement d’argent est interdite jusqu’à nouvel ordre. Ceci implique que les responsables des structures ne doivent plus prendre d’engagements vis-à-vis d’autres clients. Il informe alors que la centaine de responsables présents à cette séance sont mis à la disposition du Dgpn pour être auditionnés.
Sequestrés et torturés moralement
La journée d’hier restera à jamais gravée dans la mémoire des responsables du e-business. En effet, ce fut une journée de calvaire qu’ils ont vécue. A 11 heures déjà, selon des sources proches d’eux, les responsables des structures de collecte d’épargnes et de placement d’argent étaient au ministère de l’intérieur. Avant d’entrer dans l’enceinte du ministère, c’est à un contrôle minutieux et rigoureux qu’ils ont été soumis. Un filtrage au niveau de la guérite qui a permis de sortir les journalistes qui, apparemment, étaient indésirables, et autres curieux de participer à la rencontre. Ensuite, c’est la valse des listes de présence à n’en point finir. Après la première liste qui est pendant presque une heure, la présence sera de nouveau contrôlée par les généraux de police Agbidinoukoun et Alley, assistés du directeur général de la police, pour au moins deux heures. C’est finalement bien après de 15 heures que la délégation ministérielle est allée à la rencontre de leurs invités pour leur annoncer la fin de leur activité et leur mise à disposition de la police nationale. Ces derniers constateront après le départ des ministres qu’il leur était impossible de sortir de la salle de conférence sise au 6ème étage du ministère de l’intérieur. Les issues de l’immeuble étaient bloquées. Après une heure d’attente, ils seront embarqués pour la direction générale de la police nationale. Ici encore, leurs nerfs seront mis à rudes épreuves. Une nouvelle heure d’attente sans savoir à quels saints se vouer. Après qu’une délégation des responsables du e-business sont allés s’enquérir de ce qui allait se passer, on leur a distribué des formulaires tenant lieu d’interrogatoire qu’ils ont remplis. Ils étaient également frappés de la présence d’inspecteur à leurs côtés pour dit-on les aider à faire les dépositions. Ils seront libérés finalement aux environs de 22 heures. C’est grosso modo comment les choses se sont passées pour les responsables des structures de placement d’argent.
Médecin après la mort
A travers l’agissement du gouvernement envers les autres opérateurs dans ce domaine, on ne peut ne pas avoir le sentiment qu’il cherche à se rattraper et à faire sensation. On a l’impression qu’il veut se faire bien voir des populations qui ont été grugées dans l’autre affaire. En interdisant désormais l’activité de collecte d’épargne et de placement d’argent, le gouvernement du Dr Boni Yayi prend une décision tardive dont les conséquences sont aujourd’hui néfastes pour les populations. Or, avec l’alerte de l’association béninoise des banques et celle émise par la Bceao, le gouvernement aurait pu prendre la mesure de la situation et agir en conséquence. Mais, on a vu plutôt le chef de l’Etat recevoir de responsables de l’une des structures intervenant dans ce domaine. Ceci a constitué une caution morale qui est allé au-delà des garanties que pouvaient exiger les populations. Car, elles ont vu leur président recevoir ceux qui leur proposent l’eldorado que le gouvernement ne peut leur donner.
Au-delà de ça, voilà une décision qui ne prévoit pas de stratégies ou des mécanismes de restitution des fonds aux bénéficiaires. Il ne propose rien non plus pour le volet social. Car, indubitablement des employés de ces structures seront dans les jours à venir remerciés.
Mais le gouvernement a surtout perdu de vue qu’avec une décision aussi brutale d’arrêter l’activité et d’insinuer que les responsables sont mis aux arrêts, on court vers une émeute. En effet, les populations qui ont placé leur argent dans ces structures vivent depuis l’éclatement de l’affaire Icc dans une psychose inqualifiable. Décider ainsi d’arrêter cette activité, bien qu’illégale, fera croire à ces populations que leurs fonds déposés sont perdus. Mais il y a plus grave qui découle de cette décision : c’est le risque de fuite de certains responsables si tant est qu’ils ont à leur niveau des situations catastrophiques dans la gestion des fonds des épargnants. Le gouvernement devrait voir tout ceci de près et repenser sa méthode.
Benoît Mètonou