Disons-le d’emblée : la décision N° 10-031/HAAC du 16 juin 2010 portant interdiction de la campagne médiatique précoce annoncée vendredi dernier à tous les acteurs des médias par la Haac est certes inspirée par la loi mais elle
est inopportune et inopérante.
Cette décision est inopportune car, nous vivons depuis avril 2006 dans un climat pour le moins malsain de campagne électorale permanente à peine voilée. Pourquoi la Haac installée depuis environ un an, si prompte à sévir contre les déviances des médias, ne réagit qu’aujourd’hui, à moins de dix mois des élections ? Ces quatre dernières années, les chantres du changement , ses séides et ses profiteurs n’ont raté aucune occasion, fût-elle celle d’une rencontre à caractère essentiellement économique comme le forum de l’investissement et de l’épargne organisé par la Soaga les 14 et 15 septembre 2009, pour clamer à tue-tête « Yayi Boni 10ans ». Moi y en a marre de toutes ces marches de soi-disant patriotes, de tous ces meetings de soutien et de tous ces congrès de pseudo partis politiques ostensiblement ethno-régionalistes, regroupant des notabilités villageoises en mal de prébendes et de visibilité politique. Moi y en a marre de ces interminables journaux télévisés de même format et de même contenu que nous servent à longueur de journée , la seule chaîne de service public et toutes les télévisions privées sous contrat gouvernemental. Il fallait faire quelque chose et la Haac a mis trop de temps pour agir. Et lorsqu’elle l’a fait, c’est en médecin après la mort et c’est cela qui pose problème. Car la conséquence qui en écoule est le caractère inopérant de cette décision, pour deux raisons et deux seulement.
D’abord, parce que cette décision n’empêche nullement le tenant du pouvoir actuel qui vient de former un gouvernement « d’agents électoraux de luxe » de faire campagne pour 2011. Il lui suffit pour cela d’éviter de prononcer le mot
2011 et de continuer à éloigner les journalistes de ses tête à tête nocturnes avec les populations du septentrion. Et la décision de la Haac le conforte. Au surplus, nous sommes à neuf mois des prochaines échéances électorales et tout le monde feint d’oublier qu’elles ne seront pas comme les autres. Il s’agit de deux élections couplées, – la présidentielle et les législatives de 2011 et les candidats potentiels ne doivent pas attendre la période de deux semaines de campagne officielle pour se faire connaître. Lorsque l’on se souvient de la manière calamiteuse dont les dernières élections communales couplées avec les élections locales se sont déroulées, on ne peut que souhaiter que les choses commencent tôt.. Au demeurant, les opposants qui se savent largement distancés dans l’opinion par cette campagne illégale des tenants du pouvoir savent que l’heure est maintenant venue de se lancer dans l’arène. Et le président de la Haac l’a reconnu explicitement dans le commentaire qu’il a fait après la lecture solennelle de la décision. « Ils sont libres d’aller sur le terrain pour faire leur déclaration de candidature », disait-il en parlant des politiciens. Mais, ajoute –il sur un ton ferme : vous des médias « vous ne pourrez plus
rapporter ce qu’ils disent ».
Et c’est là où le bât blesse ! Car si, dans un passé récent, les médias s’étaient tus, qui donc aurait appris en dehors des originaires de Dassa qu’un ministre de la République avait fait des déclarations à caractère ethno -régionaliste qui lui ont valu une condamnation de la Haute Cour ? A neuf mois des élections, si ce n’est pas encore la période de la campagne électorale formelle, c’est du moins celle dite de la pré- campagne qui existe dans tous les pays du monde. Regardez les médias de la Côte d‘Ivoire voisine et vous verrez que les
politiciens sont en campagne permanente depuis les Accords dits de Ouaga III, alors que la date des élections n’est même pas connue . En France , Monsieur de Villepin vient de créer un parti politique pour les élections de ….2012 et tousles médias ont relayé l’évènement. Le Bénin n’est pas sur la Planète Mars. Car le problème , ce n’est pas l’information relative aux élections relayée en dehors de la période de campagne mais le mauvais traitement qu’un média peut en faire , au regard de la loi et des règles déontologiques. Ce qu’on doit savoir encore, c’est que les médias ne créent pas l’évènement ; ils ne font que le rapporter et cet exercice de reportage est un devoir citoyen autant que déontologique, car les populations ont droit à l’information .
Et c’est au nom de ce double droit du citoyen à l’information et du devoir qui est un droit des médias à donner l’information qui touche les populations que cette décision de la Haac est inopérante. A moins qu’une Autorité dise formellement aux partis politiques, qui détiennent le droit constitutionnel d’animer la vie politique, de ne pas aller sur le terrain rencontrer les populations pour se faire connaître ! Les médias ont le devoir d’encourager les politiciens qui se livrent à cet exercice difficile de contact au corps à corps , pour que les populations ne donnent plus ou ne redonnent plus jamais leurs voix au premier intrus-bonimenteur venu qui fera le petit tour de deux semaines de campagne officielle pour les bercer de promesses qui ne seront jamais tenues.
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