Les 100 jours de Patrice, l’homme d’affaires, mal à l’aise dans la peau du président Talon

Deux images de la récente visite du président à Paris, illustrent éloquemment les deux faces de Janus de la présidence Talon au cours de ces 100 premiers jours : une face officielle toujours sobrement relayée après coup par les medias conventionnels, aux antipodes de la communication tapageuse de l’ère Yayi et une face délibérément laissée dans l’ombre.

Publicité

Sur la première image, publiée par le site officiel du gouvernement en effet, on voit, face à François Hollande, notre président, flanqué à sa droite d’Aurélien Agbénonci, ministre des Affaires Étrangères et à sa gauche de Jules Armand Aniambossou, l’inénarrable ambassadeur du Bénin en France resté en poste pour l’occasion, malgré son rappel à Cotonou. Il faut aller sur les réseaux sociaux pour découvrir la seconde image ignorée par le site officiel du gouvernement où l’on voit, sur la cour du Palais de l’Élysée, Olivier Boko l’associé bien connu de Patrice Talon qui le suit comme son ombre dans tous ses déplacements, sans porter aucun titre officiel. Il ne fait l’ombre d’aucun doute que les méthodes et choix qui ont fait leur succès communs hier ont été remis au goût du jour : le culte du secret propre aux hommes d’affaires, la ténacité dans l’adversité, toutes choses qui, appliquées en politique peuvent tourner au vinaigre.

Le degré zéro de la communication gouvernementale

Et nous y voilà! De plain-pied dans la gouvernance Talon de ces 100 premiers jours. Une gouvernance plutôt sobre, avec toutes les apparences de la rigueur et de la méthode contrastant avec les manières plutôt cavalières et quelque peu brouillonnes de son prédécesseur. Mais une gouvernance marquée essentiellement par la volonté affichée du pouvoir de ne livrer à la consommation du public, pour ainsi dire, que l’information qu’elle veut bien donner. Il en est ainsi tous les mercredis où les communiqués des conseils des ministres, en dehors des deux derniers, sont amputés de la partie consacrée aux nominations prononcées. On commençait à trop jaser sur les accointances supposées des nominés avec les ex propriétaires de Benin-Control et Cie. Il en a été ainsi hier de la fameuse réunion dite de réconciliation d’Abidjan entre le président élu et son prédécesseur arrivé dans les fourgons de son homologue togolais. L’opinion publique béninoise n’a eu d’autre choix à l’époque que de se rabattre sur les medias ivoiriens et togolais (ô comble du paradoxe!) pour avoir les nouvelles de leur président, parti en catimini de Cotonou quelques jours plus tôt. C’est par un autre périodique spécialisé dans les informations confidentielles qu’on a appris à la même époque que notre président a négocié personnellement, au cours de son premier voyage à Paris, cinquante milles (50.000) tonnes d’intrants coton en dehors des circuits formels pour la campagne en cours pour le compte de l’État. A ce jour, aucun officiel n’a démenti cette information. Mieux, ces intrants achetés dans les conditions pour le moins opaques viennent d’être débarqués au port dans des conditions tout aussi rocambolesques, comme l’enquête que nous menons va le révéler dans les tout prochains jours. Il en est ainsi enfin aujourd’hui, de la présente visite à Paris annoncée par le site d’un périodique panafricain paraissant dans l’Hexagone. On y a appris que notre président ne pourra pas assister à l’ouverture de la conférence annuelle des chefs d’État de l’Union Africaine à Kigali, parce que sa fille (28 ans) va convoler en justes noces le même jour à… Paris. Qui pourrait reprocher au président élu d’avoir privilégié le mariage de sa fille à la réunion annuelle des chefs d’État, où il devait apparaître pour la première fois devant ses pairs du continent tout entier, sans essuyer soi- même la critique imparable que le mariage était prévu de longue date? A ceux qui pourraient lui reprocher aussi d’avoir manqué- là l’occasion de mettre en vedette la démocratie béninoise qui a réussi par quatre fois en moins d’un quart de siècle l’alternance dans une Afrique minée par les guerres post électorales provoquées par des présidents à vie , on pourrait rétorquer que les ambitions de notre président sont d’abord limitées à notre pauvre petit pays.

L’obsession du génie

A vrai dire, ses ambitions sont d’abord personnelles, à en croire les propos à lui attribués dans l’interview donnée à nos confrères de le monde.fr La question posée a la limpidité de l’eau de roche :

« Pendant trente ans, demande notre confrère, vous n’avez pensé qu’à une chose : vous enrichir. Comment pouvez-vous maintenant garantir aux Béninois que vous allez penser à eux ? Et la réponse de notre président est imparable :

Publicité

« Ça va vous choquer, mais ce que je fais, c’est d’abord pour moi-même. Je pense à moi tout le temps. Je sais que le ciel m’a donné quelque chose, j’ai un certain génie, je voudrais désormais que ce génie ne soit pas juste le mien, mais qu’il serve mon pays. Je rêve qu’au bout de ce mandat de cinq ans, je sois porté en triomphe par les Béninois. On m’a connu comme roi du coton. Aujourd’hui, je veux devenir celui qui a réussi à transformer son pays, politiquement, administrativement, économiquement ».

Le décryptage de ce morceau choisi d’auto-célébration donne à peu près ceci : j’ai réussi dans les affaires parce que je pense que je suis un génie( il avait déjà dit qu’il était un « compétiteur né ») et je veux mettre ce génie au service de mon pays que je veux transformer politiquement administrativement économiquement». L’illustration parfaite de cette conviction a été donnée par les trois faits marquants de ces 100 derniers jours :le découpage territorial , la fin des travaux de la commission des réformes et la « résolution proclamée de la crise au sein de l’Église protestante méthodiste du Bénin. Dans ce dernier cas comme dans les premiers, il y a visiblement une volonté affichée d’apparaître aux yeux d’une certaine opinion comme celui qui a réussi après tous les échecs de ses prédécesseurs à régler un conflit fratricide vieux de près de 20 ans, qui a aussi réussi à réaliser le découpage territorial sans anicroche et qui est parvenu à imposer « le mandat unique ». Le forcing qui a marqué ces trois faits et l’acharnement qu’on a mis à obtenir coûte que coûte le consensus pourraient être sources de conflits futurs. En tout cas, personne n’a encore porté le président en triomphe, à moins qu’on ne veuille utiliser les deux premiers cas pour faire accréditer la thèse de la marque de génie d’un » compétiteur né » à qui tout réussit.

Contraint de se découvrir

Le revers de la médaille, est que l’activisme de notre président et sa volonté manifeste de laisser sa trace dans l’histoire l’amèneraient tôt ou tard à se découvrir. Grisés par ces trois « succès » relatifs, le président et son entourage risquent d’en faire trop, comme le prouve l’immixtion intempestive du garde des sceaux dans les affaires de la fédération béninoise de football, un club de copains et de coquins qui s’abritent malicieusement sous la protection de leurs mentors, grenouillards et margoulins impénitents tapis à la Caf et à la Fifa . Il n’y a pas de limite à la dérive, quand on a franchi le Rubicon du non respect des décisions de justice, au nom d’une prétendue union des fils d’une même congrégation, de la victoire hypothétique à une compétition sportive ou tout simplement de la raison d’État. Les sages de la Grèce antique disaient déjà que quand « les dieux veulent perdre un homme, ils le rendent fou »

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Publicité