Boni Yayi, le charisme en moins !

Au moment où nous entrions dans les préparatifs, cahoteux, de la présidentielle de 2006, notre pays était déliquescent. La morale publique, désespérément, était recherchée. L’économie était exsangue. Tutti quanti d’autres anomalies minaient le pays et complétaient le lugubre tableau.

De tous ceux qui prétendaient à la magistrature suprême, pour succéder au Général Mathieu Kérékou dont on pressentait bien que l’après règne serait difficile, au plan économique notamment, un sortait du lot : Boni Yayi. Il n’était pas du sérail politique. De la BOAD qu’il dirigeait, il a su faire une rampe de lancement imparable. Et il dégageait un charisme contagieux. Résultat, Boni Yayi crève le plafond. Il est élu avec 75% des suffrages. Il faut descendre aux tréfonds du Bénin révolutionnaire pour voir mieux. Ce score était, assurément, un chèque à blanc donné à l’homme, pour provisionner sa volonté et sa légitimité, afin de nous porter tous vers le haut, au besoin malgré nous. Faire renaître le pays. Une révolution en douce… La refondation…  Il aurait été un leader charismatique. Nous l’aurions suivi sans rechigner.

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Son élection ne provoque pas de fracture socio-ethnique comme lorsque les élections se jouent à quelques milliers de voix près. Au contraire, elle réconcilie le pays avec lui-même, le peuple avec le pays. Le désarroi et la désespérance perceptibles en fin de règne de Mathieu Kérékou, cèdent rapidement la place à de nouveaux espoirs, à des promesses de lendemains qui chantent. Surtout que l’homme promettait d’insuffler un nouveau leadership au pays. Avides d’avenir, nous avions retrouvé le sourire que seul sait procurer l’espoir. Boni Yayi, c’était une belle promesse. Si le charisme était conjugué avec un leadership de qualité, il aurait réussi à inventer, sans le vouloir même, un courant, une autre façon de faire de la politique, qu’on aurait appelé sans exagération aucune, le « Yayisme ». Mais, après un démarrage en trombe, un début prometteur, l’homme, sans avoir réussi à faire éclore ce qu’il avait en lui et qui le rendait si différent des autres, si enchantant, s’est littéralement désagrégé. Exactement comme un athlète qui confondrait vitesse et endurance. Et, le drame ici, c’est que les choses sont allées vite, très vite. Boni Yayi ne nous fait plus rêver !

Deux ans à peine après son accession au pouvoir, Boni Yayi n’enchantait déjà plus. Depuis, et quatre ans après l’épopée de 2006, les choses sont allées en empirant encore. Comment comprendre que celui qui avait promis de lutter contre la corruption, qui soutenait que le poisson pourrit par la tête, celui qui a organisé une magnifique et inédite « marche verte contre la corruption », soit là et qu’on bouffe à la pelle aujourd’hui ? Que le pays soit économiquement exsangue ? Que les crises s’accumulent ? Comment comprendre qu’il ne puisse plus incarner l’homme providentiel que nous étions fiers d’avoir, l’espoir qui nous était revenu ? C’est que très tôt, trop tôt, son charisme a pris un sérieux coup, se liquéfiant comme beurre fondrait au soleil. De fait, alors qu’en ce moment ses hauts faits d’armes devaient parler pour lui, alors que nous aurions été ragaillardis et rassérénés par quatre ans de « yayisme », nous voilà aujourd’hui comme au point zéro. Nous voilà à nouveau au fond de l’abîme moral. L’Etat est déliquescent, l’économie vacille, la politique apparaît plus que jamais comme un domaine affranchi de toute éthique et surtout comme une vraie jungle. Les scandales se succèdent à une allure vertigineuse. Et l’on n’a pas la certitude, pas même le sentiment, qu’à cette allure, les choses iraient en s’améliorant. Au contraire, l’on se convainc de ce que chaque nouveau jour en rajoute à la dégradation. Que jour après jour les choses vont de mal en pis.

Le « yayisme » espéré et attendu ne vint jamais. Et tous ceux qui, il y a un ou deux ans encore, pensaient que Boni Yayi était encore amendable, se découvrent plus déçus que jamais. Celui que nous avons adulé en 2006 n’a rien à voir avec celui qui nous dirige en ce moment. Parce que Boni Yayi a manqué sa mission, il s’est trahi. Et il nous a floués et livrés à la désolation. Pour nous désormais, les jours qui arrivent nous semblent une éternité. Au point que nous nous demandons à juste titre, quand enfin, cela va s’arrêter.

Puis, quand on ajoute à tout cela, les incertitudes qui planent sur les prochaines élections, lesquelles promettent de ne pas être une partie de plaisir, ou les mots martiaux d’adversaires politiques qui se regardent désormais en chiens de faïence, l’on voit surgir la vérité: nous sommes dans l’effroi depuis quelques années maintenant. Et il promet de se densifier et de nous éclabousser. A moins d’en décider autrement et vite.  Avant la Révolution de 1972, nous étions au bord du gouffre. Avant le Renouveau démocratique en 1990, nous étions au bord du gouffre. Avant la Refondation en 2010, nous sommes au bord du gouffre.
Mieux vaut une fin effroyable qu’un effroi sans fin…

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Wilfried Léandre HOUNGBEDJI (Source : http:/commentvalebenin.over-blog.com)   

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