La communauté internationale et le crime de génocide

Le génocide est un crime de droit international  si complexe qu’il faut se prononcer et agir avec prudence, pour éviter de passer à côté. Le juriste polonais Raphaël LAMPKIN a défini ce crime dans un important ouvrage, publié en 1944, intitulé : « Axis rule in occupied Europe ; la domination de l’axe en Europe occupée ».Le mot qu’il a forgé comprend le terme grec « genos », qui signifie race, nation ou tribu, et le suffixe latin cide, désignant le fait de tuer.

N’étant pas en usage au lendemain de la deuxième guerre mondiale, le génocide a été remplacé par crimes contre l’humanité dans l’acte d’accusation devant le tribunal de Nuremberg en ce qui concerne les criminels nazis. Dans l’histoire, il y a eu des massacres ciblés, des actes de génocide qui ne disaient pas leur nom, et par ailleurs, les horreurs de la deuxième guerre mondiale étaient telles que la communauté internationale a cru devoir recourir à un encadrement juridique d’importance capitale à travers une convention.

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La convention pour la prévention et la répression du crime de génocide

Le 09 Décembre 1948, l’Assemblée générale de l’ONU a adopté cet instrument juridique qui s’impose à tous les Etas sans exception, du fait qu’on lui confère une valeur aussi bien conventionnelle que coutumière, liée à la nature particulière du crime. Cette convention qui interdit le génocide en temps de paix comme en temps de guerre, dispose en son article 2 : « le génocide s’entend de l’un quelconque des actes ci-après, commis dans l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique , racial ou religieux tels :

  • –    meurtres de membres du groupe ;
  • –    atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale de membres du groupe
  • –    soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle
  • –    mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe
  • –    transfert forcé d’enfants du groupe à un autre groupe.

La convention prévoit que le génocide, commis en temps de paix comme en temps de guerre doit être réprimé, et que l’entente pour le commettre, l’incitation, la tentative et la complicité méritent aussi d’être sanctionnées. Tout auteur de ce crime odieux sera poursuivi indépendamment de sa qualité. C’est comprendre qu’aucune fonction officielle ne saurait permettre l’impunité. Il est constamment rappelé aux Etats qui ont ratifié la convention que leur droit interne doit être revu de manière à habiliter leurs tribunaux à poursuivre adéquatement les auteurs de crime de génocide ainsi que leurs complices. Il est tout à fait loisible à tous les Etats d’adopter un mécanisme de juridiction universelle afin de pouvoir sanctionner ce crime, où qu’il est ait été commis et indépendamment de la nationalité des victimes, de celle de l’auteur et de la qualité officielle de celui-ci. C’est de toute évidence une bonne chose qu’à l’échelon international, il y ait des juridictions comme le TPIR, le TPIY et la CPI dont la compétence couvre, entre autres, le génocide. Il convient de dire à nouveau que la qualification de ce crime requiert la perspicacité dans l’analyse des situations. Autrement dit, il est recommandé d’être objectif, d’éviter la précipitation, de s’en tenir en quelque sorte à la nécessité de mettre en relief la réalité. Les critères mentionnés dans l’article 2 de la convention, sont tout à fait objectifs et servent de source d’inspiration en matière de qualification. Rien ne doit se faire, ni se dire au pied levé, car, le génocide est un crime foncièrement abominable dont la révélation est liée à des éléments probants et irréfutables, afin que de justes sanctions soient prises. Il est très souvent plus ou moins facile de mettre en lumière les crimes contre l’humanité, et les crimes de guerre. Ce n’est pas le cas pour le génocide.

    Les juridictions pénales internationales et le génocide

La cour internationale de justice a fait une importante analyse de la nature  du génocide. Pour la CIJ, s’agissant d’un crime aussi grave, tout Etat partie a deux obligations : la prévention et la répression, qui figurent en bonne place dans la convention. Non seulement l’Etat partie a l’obligation de prévenir, mais il a aussi celle de punir. La prévention est une mesure très importante, puisqu’en cas de commission du crime, la question de savoir ce qui en est la cause  se posera sans compter d’autres interrogations comme celles-ci. Qu’a  fait l’Etat exactement ?pourquoi ne s’est il pas efforcé d appréhender le risque de génocide. ? Ce risque n’ayant pas été perçu en Ex Yougoslavie, il s’est produit  ce que tout le monde est censé savoir. Des mesures sauvegardant l’harmonie, la cohésion ont fait aussi défaut au Rwanda, provoquant ainsi ce que le monde entier a déploré. Le conseil de sécurité de l’ONU a pris la mesure de ces situations à travers la création de tribunaux spécifiques : l’un pour le Rwanda, l’autre pour l’Ex Yougoslavie, aux fins de poursuites appropriées. La règle générale veut que la répression incombe aussi aux diverses composantes de la communauté internationale, parce que l’on se trouve en réalité en face d’une atteinte de la pire espèce à la dignité humaine. Donc les Etats non parties à la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide peuvent adopter tout comme les Etats parties d’ailleurs , le mécanisme de compétence extraterritoriale pour punir les auteurs de crime de génocide, ou accepter de coopérer de toute façon avec les juridictions pénales internationales. Comme précisé plus haut, il est  fondamentalement important de cerner le crime pour ne pas passer à côté. C’est le lieu et le moment de rappeler que le procureur de la CPI, n’ayant pas dans sa première requête fourni d’éléments probants, la chambre préliminaire n’a pas pris en compte le crime de génocide dans le premier mandat d’arrêt émis contre Omar El Béchir. Mais, comme il s’est mis en règle après avoir interjeté appel, le deuxième mandat qui vient d’être émis, mentionne en bonne place le crime de génocide. Le procureur Moreno Ocampo a donc prouvé à la chambre préliminaire que le président soudanais a agi avec l’intention spécifique de détruire en partie, les groupes ethniques des Four, Masalit et Zagbawa. On ne dira jamais assez que, le génocide, étant ce qu’il est, la prévention est le meilleur mécanisme. Les gouvernants devront d’abord avoir à l’esprit que le pouvoir est un service, et que personne ne peut se prévaloir de quoi que ce soit pour se croire indispensable dans le processus d’émancipation économique et sociale des populations. En termes plus directs, que les dirigeants quittent le pouvoir lorsque le peuple ne veut plus d’eux, au lieu de s’y accrocher par tous les moyens dont certains peuvent conduire à des actes génocidaires.

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La satisfaction des besoins fondamentaux ,la bonne gouvernance, la recherche de la cohésion nationale sous-tendue à l’évidence par la non discrimination et l’égalité des chances sont des éléments qui préviennent, qu’on le reconnaisse ou non, le déclenchement des conflits armés susceptibles d’engendrer le crime de génocide qui est la négation de l’autre, la non acceptation de l’autre, le refus du droit de l’autre à l’existence et à la reconnaissance de sa personne.

Comme on peut le constater, la communauté internationale a une lourde responsabilité en ce qui concerne la prévention et la répression du crime de génocide. Lorsque le mal est là, il est évident que le devoir de répression s’impose. Mais, mieux vaut prévenir que guérir. Donc ; la priorité est à accorder à la prévention.

Jean Baptiste GNONHOUE
Président de la Coalition Béninoise pour la Cour Pénale Internationale (CPI)
Membre du groupe de travail d’Amnesty International sur la justice internationale

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