L’Afrique qui gagne, au-delà du Ghana qui perd

Le Ghana s’en va. Le dernier représentant de l’Afrique à la grande fête mondiale du football en Afrique du Sud est hors jeu. Et c’est en simples spectateurs et téléspectateurs que les Africains, dans leur immense majorité, de Dakar à Nairobi, du Caire à Kampala, continueront de suivre les diverses péripéties d’une coupe du monde de football aux mille et une surprises.

La Ghana s’en va. Mais le football reste. Ainsi que l’espoir que ceux qui n’ont pas gagné aujourd’hui auront assez appris pour prendre un jour le chemin de la victoire. Cela ne dépend de personne d’autre que d’eux-mêmes. Ceux qui gagnent sont dans cette disposition d’esprit. Les penseurs positifs nous apprennent qu’il n’y a pas d’échec. Il n’y a, à la vérité, que des expériences. A lier à la dure école de la vie, une école où nous sommes nos propres maîtres.

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Concédons que dans un contexte où tout est encore dominé par l’émotion, la profonde déception des uns, l’immense douleur des autres ne permettent pas de comprendre un tel discours. Les esprits sont ailleurs. Les réflexions s’orientent, non comme des projecteurs qui éclairent l’avenir, mais comme des éteignoirs qui jonglent avec les ombres du passé.

Concédons encore une fois : si près du but, mais, au finish, si loin du but. C’est décevant de se convaincre qu’on a à tout recommencer. C’est frustrant de savoir que tout est à reprendre à zéro. C’est effrayant de vivre avec l’idée qu’une fatalité pèse sur notre continent.

C’était, en tout cas, le sentiment le plus largement partagé par des millions d’Africains, témoins impuissants et rageants face à l’irréparable. Un penalty raté par le Ghana à l’ultime minute du match. Tout comme l’épreuve fatidique des tirs au but qui a vu le Ghana faire moins bien que l’Uruguay, l’adversaire du jour. Dures et difficiles images d’une défaite qui avivent des plaies non encore complètement cicatrisées.

Avant-hier, avec la traite négrière, ne nous a-t-on pas arraché à nos terres, baladé de par les mers du monde, utilisé comme des bêtes de somme dans des tâches les plus ingrates, conduit comme du bétail sur les marchés et vendu comme de simples marchandises ? Hier, avec la colonisation, ne nous a-t-on pas réduits, sur nos propres terres, au statut de sujets, des sujets taillables et corvéables à merci ? Aujourd’hui, certains, et non des moindres, ne continuent-t-ils pas de penser, le plus sérieusement du monde, que l’Africain, l’homme noir en particulier, n’est pas rentré dans l’histoire ?
Mais cela dit, en ayant pour horizon l’avenir qui reste à conquérir, qu’est-ce que les Africains doivent-ils savoir fondamentalement ?
Les Africains doivent savoir, d’une part, qu’il ne leur servira à rien de s’accrocher à leur passé ou de pleurer sur leur passé. En cela, c’est l’historien Burkinabé, d’heureuse mémoire, Joseph Ki-Zerbo qui, a raison. Il s’agit moins pour nous, écrit-il, de recueillir matériellement le passé que de nous recueillir sur le passé. Ce qui doit davantage compter pour les Africains, c’est ce qu’ils mettent en œuvre, aujourd’hui, ici et maintenant. C’est la moisson qui occupera leur temps demain, juste dividende d’un bon placement porté par la force de leurs bras, marqué par la puissance de leurs cerveaux.

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Les Africains doivent savoir, d’autre part, que l’Afrique a organisé une Coupe du monde qu’elle n’a pas gagnée. Mais rien ne peut empêcher l’Afrique, demain, de gagner une Coupe du monde que d’autres auront eu à organiser. Il n’y a pas deux façons de gagner : faire autant sinon plus que les meilleurs, que ceux qui gagnent.
Or, jusqu’à preuve du contraire, l’Afrique est peuplée d’hommes et de femmes semblables aux hommes et aux femmes qui vivent sur d’autres continents. Jusqu’à preuve du contraire, en dehors des apparences, des circonstances extérieures qui les différencient les uns des autres, tous les hommes, toutes les femmes de la terre sont dotés de cet attribut divin qu’est l’esprit. C’est la plate-forme à partir de laquelle se conduisent et se gagnent tous les combats. Pour dire que la place que doivent occuper l’Afrique et les Africains dans le gotha du football mondial ne dépend de personne d’autre que de l’Afrique et des Africains.

Au total, sur un stade, ce sont des hommes, des êtres humains qui jouent, qui perdent ou qui gagnent. La résidence officielle des Président des Etats-Unis a beau s’appeler La Maison Blanche, c’est un Noir, en ce moment, qui y réside. Et nous affirmons, sur le ton du titre d’un ouvrage prémonitoire sur la Chine alors minorée, ignorée, voire méprisée : quand l’Afrique se réveillera, le monde tremblera.

Jérôme Carlos

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