Le Bénin informel au carrefour de l’informel

Qu’arrive-t-il au Bénin ? Au pays du Vodun, le Fâ, notre science divinatoire, se doit d’être consulté sans délai. Nous n’avons que trop entendu le cri du cœur du Médiateur de la République face à ce Bénin informel, au carrefour du tout informel. Le pays est malade.

Il faut en prendre dramatiquement conscience. Qui s’illusionne à répéter que « Dieu aime le Bénin, que rien de grave ne peut arriver aux Béninois ? ».

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Est-ce Dieu qui a guidé les Béninois vers les sociétés de placement d’argent ? En quoi Dieu peut-il être tenu pour responsable de ce qui se tramait, des coups fourrés qui se préparaient derrière les façades faussement respectables de ces sociétés ? Des milliers de nos compatriotes, par l’odeur de l’argent facile alléchés, ont tout donné de leurs économies patiemment réunies sous à sous. 

Et l’Etat, à travers ses plus éminents représentants, n’a rien vu venir. On peut estimer que son silence a valu encouragement.  S’il a été décrété qu’avec 30 000 de nos francs, on peut panser les plaies de la misère et guérir de la pauvreté, qu’on ne demande pas au citoyen lambda d’actionner ses freins moraux et éthiques face à des sociétés qui, opérant à ciel ouvert et à visage découvert, n’offraient rien de moins que l’Eldorado. 

Ainsi appâté comme un poisson et harponné sans pitié, le citoyen lambda, qui n’a compris que trop tard son malheur, se tourne vers l’Etat dont la mission est de le protéger. Il y a là, de toute évidence, une équation  difficile. Elle appelle une question de bon sens. De quel moyen dispose l’Etat pour protéger après coup le citoyen qu’il a d’abord livré en pâture, consciemment ou inconsciemment, à l’appétit vorace de prédateurs sans foi ni loi ? Qui paiera les pots cassés ? 

Et c’est cette même société ébranlée sur ses bases par les placements illicites d’argent qui fait actuellement face à une insécurité sans précédent. Aussi bien dans les moyens mis en œuvre (utilisation des armes de guerre) que par le mode opératoire (braquages tous azimuts, de jour et de nuit, en pleine agglomération urbaine, au mépris de la capacité de réplique de nos forces de sécurité)

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La conséquence directe et immédiate, c’est la peur qui s’est emparée depuis de chacun et de tous. Il y a comme une sorte de fragilité psychologique qui nous affecte tous. Et nous voilà installer dans la conscience douloureuse d’un provisoire qui dure. Même si nous savons que nous mourons tous, personne ne peut vivre tranquille  avec l’idée qu’il est un mort en sursis, sa vie étant à la merci d’une balle perdue.

Est-ce parce qu’il en est ainsi que même les digues naguères solides qui protégeaient nos populations contre une certaine tendance à l’abus de pouvoir se délitent et s’écroulent les unes après les autres ? Pensez un instant à ce que fut notre société civile. Personne n’a encore oublié les fortes personnalités, à la conviction bien trempée, qui la composaient. De vrais aigles de probité, volant bien haut au-dessus des bases manœuvres corruptrices, insensibles qu’ils sont aux sirènes de la délinquance.

Beaucoup de choses changent depuis. Soit que la maison se vide de certains de ses ténors, répondant à l’appel pressant du ventre, après avoir jeté le bonnet par-dessus les moulins. Soit que des loups, déguisés en agneaux, sont entrés dans la bergerie, en mission de déstabilisation. En tout cas, la société civile n’est plus tout à fait ce qu’elle fut.  Elle cherche laborieusement ses marques sur les sentiers plutôt glissants d’une refondation que nous appelons de nos vœux.

Et c’est justement cette absence de repères, laissant plus d’un comme des épaves sur les bas côtés de la société, qui nous fait aujourd’hui accepter l’inacceptable. Avec l’entrée dans nos boîtes de nuit d’un phénomène délirant et obscène, le wolosso.

Comment avons-nous pu laisser se répandre une pratique que réprouvent toutes nos valeurs ? Comment avons-nous pu désacraliser et banaliser à ce point, en tolérant, en des lieux publics, un comportement exhibitionniste poussé à ses limites extrêmes ?  Des hommes et des femmes que le hasard a fortuitement mis en contact, ne se connaissant ni d’Adam ni d’Eve, s’accouplent, en effet, en public, au vu et au su de tous.

Incroyable ! On est où là ? Au Bénin. Comment sommes-nous tombés si bas ? Comment la vigilance de toutes nos forces spirituelles et morales a pu être déjouée ? Ce pourrissement moral n’est pas sans rappeler Sodome et Gomorrhe, deux villes de la Palestine antique, rendues célèbres par les mœurs dissolues de leurs habitants. Ces deux villes, comme nous le savons, n’ont pu éviter la colère divine. Elle furent détruites par une pluie de souffre et de feux. (Genèse XIX, 24). Plaise à Dieu que notre pays ne subisse un tel sort. Alors, à bon entendeur, attention !

Jérôme Carlos

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