Le gouvernement a-t-il pris 25 milliards FCFA à ICC Services ?

Un Député rebelle FCBE, Samou Adambi, avait « révélé », à la tribune de l’Assemblée nationale, que le gouvernement s’apprêterait à financer à hauteur de 6 milliards de nos francs, le remboursement des petits « placeurs » d’ICC Services.

Un autre, celui-là de l’opposition, l’un des plus irréductibles d’ailleurs, Augustin Ahouanvoébla, a, quelques jours plus tard, « révélé » que le gouvernement avait obtenu d’ICC Services, un prêt de 25 milliards de FCFA pour financer les salaires des fonctionnaires. Dans un cas comme dans l’autre, l’on peut être amené à croire, dans l’absolu, que le gouvernement aurait des accointances sérieuses avec la structure de placement illégal d’argent. Le chroniqueur s’attendait à une réaction énergique du gouvernement face à ces accusations,  pour le moins graves. De réaction officielle, il n’en vint point. Du moins, jusqu’à ce jeudi 22 juillet.

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Idriss Daouda, l’argentier national, s’invite dans le débat polémique et polémiste sur l’affaire qui ébranle la République depuis un mois. Le jeu en valait la chandelle. La sortie du ministre des Finances n’était-elle pas un peu tardive ? Mieux vaut tard que jamais dirait-on. Il a en mains un document estampillé « Confidentiel » qui serait la copie d’un contrat signé le 8 février 2010, par ses soins, et constatant le prêt de 25 milliards obtenu par le gouvernement auprès d’ICC Services. Idriss Daouda est formel, sa signature a été imitée et mal imitée. Arguments techniques à l’appui, il démonte le document et démontre qu’un vrai contrat de prêt engageant l’Etat ne saurait se présenter aussi banalement. Le chroniqueur est admirateur de la démarche cartésienne du ministre, de son souci de démonstration et d’explication. De la technicité avérée de son argumentaire. L’on peut lui faire le crédit de la bonne foi surtout quand il relève que le prétendu contrat a été signé le 8 février alors même qu’il avait déjà, lui, au nom du gouvernement, saisi le parquet général en janvier, d’une plainte contre ICC Services. Ce serait donc anachronique de sa part de se comporter de la sorte. Mais il reste que là, cette affaire sort du champ technique pour glisser sur le terrain politique et s’y ancrer diablement. Alors, interrogations…

Des interrogations qui inclinent à penser que les explications techniques de l’argentier national ne suffisent pas à lever toute équivoque. Car, politiquement, cela peut se justifier que le contrat prenne cette allure simpliste. Au cas où le gouvernement aurait vraiment eu des accointances poussées avec cette structure, tout en sachant que sa principale activité était menée dans l’illégalité, il aurait été proprement suicidaire de faire les choses dans les règles de l’art. Les intéressés eux-mêmes, se sachant en délicatesse avec la loi, n’auraient que peu d’exigences. De fait, oui, le contrat, s’il existe vraiment, peut bel et bien revêtir cette forme triviale. S’il existe, il peut bel et bien être révélé, stratégiquement, par le gouvernement lui-même, eu égard à l’ambiance  qui prévaut, pour devancer ses adversaires et faire croire à un grossier montage. Une belle façon d’opérer la fuite en avant, de retarder l’échéance. Mais ce « chiffon de papier » comme l’appelle Idriss Daouda peut fort bien aussi sortir d’officines politiques soucieuses de déstabiliser le gouvernement, de le discréditer définitivement aux yeux de l’opinion, si lui-même n’avait pas déjà vendangé le crédit confiance dont il jouissait.

En politique politicienne, ce ne serait pas si mal pensé que ça, parce qu’il y a une importante bataille à gagner pour se mettre en position idéale : la bataille de l’opinion. Dans cette affaire en effet, aussi bien le gouvernement que l’opposition ont forcément besoin d’avoir l’opinion, chacun avec lui. J’ai dit tout à l’heure que la manœuvre pourrait bien émaner du gouvernement. Elle peut donc tout aussi bien émaner de l’opposition. Le cas échéant, et sur la base des arguments techniques assénés par l’argentier national, puis sous réserve de la contradiction que l’opposition pourrait lui opposer, à condition bien entendu qu’elle soit empreinte de la même technicité, le chroniqueur déplorera l’amateurisme qui aura entouré la confection de ce tract. La bassesse et l’indécence aussi qui la sous-tendent. Mais n’est-ce pas là le propre du tract ? L’essentiel n’est pas dans son sérieux mais dans l’effet qu’il peut produire dans et sur l’opinion. En l’espèce, avec l’indignation générale suscitée par le scandale ICC Services, il est clair que la bombe fera son œuvre. Il paraît qu’en politique, plus le mensonge est gros, plus le peuple y croit ! Plus on en parle aussi, plus ça s’ancre dans les consciences.

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De sorte que, qu’il ait pris ou non l’argent à ICC Services, le gouvernement pourra difficilement se dédouaner aux yeux de l’opinion. Et peut-être, grand peut-être même qu’on ne retiendra pas qu’un ministre des Finances et de l’Economie a fait une sortie remarquablement positive pour remettre techniquement les choses à l’endroit. Le chroniqueur, en tout cas, s’en souviendra. Les paradigmes de la politique doivent être revus de fond en comble chez nous. Pour que la politique ne soit plus qu’une jungle. Un peu de morale ne nous ferait pas de mal.

Par Wilfried Léandre HOUNGBEDJI (Source :http:/commentvalebenin.over-blog.com)

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