LE MCPP, Prochain scandale du changement ?

Le Risque de surendettement pour les femmes bénéficiaires
Dans ses récentes interventions, le directeur du Fonds National de la Micro finance a pris pour habitude d’expliquer le fonctionnement du Programme de microcrédit aux plus pauvres par  la mise en place d’un système «  REVOLVING ». Ce terme a été repris par la ministre de tutelle lors de la rencontre des femmes bénéficiaires de microcrédit avec le Chef de l’Etat après les ordonnances prises  par ce dernier dans le cadre d’accord de prêt en vue du renforcement du programme. Le terme nous a interpellé au regard de la compréhension que nous en avons. Ceci d’autant plus qu’aucune étude sérieuse à ce jour ne fait état de la pérennité des activités financées quand on sait que l’objectif du programme est bien entendu, la réduction de la pauvreté. En effet, le programme est aujourd’hui essentiellement justifié par les chiffres avancés concernant les taux de remboursement. Aucun document officiel ne corrobore d’ailleurs ceci.
Aussi, face à l’actualité nationale relative aux structures de placement, il nous parait important de nous interroger à nouveau sur le programme MCPP.
Ainsi, nous essayerons de comprendre le  système revolving et les risques encourus.

Microcrédit ou Crédit revolving ?

Par définition, « le crédit revolving se caractérise par la mise à disposition d’une somme d’argent, qui est empruntable, à tout moment, en totalité ou en partie. Cette réserve d’argent se reconstitue au fur et à mesure des remboursements de l’emprunteur.

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Le crédit revolving repose donc sur un coût global complexe à évaluer. Il  présente de fait un taux d’intérêt élevé avec des mensualités relativement faibles. » Il s’agit donc d’un crédit à la consommation, qui n’est pas directement lié à l’exercice d’une activité professionnelle.

A l’opposé, le microcrédit correspond à des petits prêts octroyés à des taux d’intérêt relativement bas. Il est destiné à aider au démarrage et au soutien d’activités professionnelles.
C’est donc une erreur monumentale d’assimiler le microcrédit au crédit revolving. Pour Gérard Gazabet, « accorder un financement à une personne sans l’accompagner dans son processus entrepreneurial serait irresponsable » . Le microcrédit tel que pratiqué par le gouvernement à travers son programme MCPP est donc suicidaire, car il entraîne un risque de surendettement inévitable. Ce risque est d’autant plus dangereux, que dans le microcrédit, on s’adresse à des personnes déjà en situation financière difficile.
Dans un contexte de sous développement, avec des bénéficiaires très pauvres, et en l’absence de suivi des activités ainsi financées, il convient donc de s’interroger, sur l’orientation susceptible d’être donnée au crédit ainsi obtenu.

Le MCCP et le risque de surendettement des femmes béninoises

Si le principal inconvénient du crédit revolving est son taux d’intérêt exorbitant, le concilier avec le microcrédit fait de ce dernier un facteur important de surendettement. Le surendettement est par simple définition, le fait d’avoir trop de crédits et trop de dettes. Il s’agit donc d’une situation critique où les emprunts et dettes de la personne dépassent ses revenus.
 En effet, contrairement à son objectif initial, nombreux sont ceux qui utilisent le micro crédit pour des dépenses courantes,  en raison, d’une part de la facilité d’accès et des mensualités proposées, et d’autre part de l’absence de suivi de la pérennité des activités « financées ». Ce qui a pour risque pour le bénéficiaire, de finir par ne plus maîtriser ce crédit. D’autant que la réserve d’argent est régulièrement disponible, ce qui rallonge constamment les délais de remboursements.
La ministre de la micro finance lors de la rencontre des femmes avec le Président de la République l’a d’ailleurs démontré pour justifier l’absence de ressources disponibles, car selon elle, les premiers crédits remboursés servaient à refinancer dans l’esprit du revolving les bénéficiaires.
Aussi, nous pensons, qu’il est irresponsable et politiquement inacceptable de remplacer le microcrédit par le crédit revolving, quand on sait que dans tous les pays du monde c’est  l’inverse qui est aujourd’hui envisagé.
Aucune politique de développement et de réduction de la pauvreté ne peut être axée sur la seule consommation des ménages. Les femmes béninoises qu’on alimente avec un système de ce genre prennent le risque de se retrouver dans une spirale infernale, qui pourrait conduire à des crises sociales hors du commun.
Dans un pays où la place de la femme est d’une utilité capitale, c’est toute la fibre socio-économique qui est mise en danger ….
Aussi, nous alertons l’opinion publique et les femmes en particulier sur les risques encourus, qui ne sont certes pas d’effet immédiat, car le but du système revolving, c’est bien celui-là.

Par ailleurs, l’autre  interrogation qui est la nôtre  est celle-ci :

Face à la crise qui secoue les structures de placement d’argent, le microcrédit version revolving n’a-t-il pas servi également à faire des investissements ? Cette interrogation est d’autant plus légitime quand on connaît la relation qui prévaut d’une part entre le programme MCPP et de nombreuses ONG à connotation religieuse, et d’autre part entre les structures de placement d’argents mises en cause et des dignitaires d’églises.
Nous espérons donc des autorités de tutelles, qu’ils nous produisent les documents sur la pérennité effective des activités financées impactant près de 700 000 personnes.
Car comme la crise des structures de placement d’argent, c’est l’ensemble de la population béninoise qui sera touchée par le remboursement des emprunts contractés par le gouvernement dans le cadre de ce programme, qui faut-il le rappeler, part d’un noble esprit. Mais sa mise en œuvre est inquiétante.
Car, ils ne nous  disent pas la vérité.
En effet, nous savons plus ou moins d’où viennent les milliards investis dans le programme jusqu’à présent. Ce que nous ne savons pas, c’est :
1- Où va l’argent et qui en contrôle l’usage ?
2- L A quel moment les bénéficiaires sortiront du cadre du micro crédit ? Car l’objectif n’est-il pas de sortir de la précarité et de réduire la pauvreté?
Pour répondre à toutes ces interrogations, nous pensons qu’il faille changer d’ère, car la déraison semble s’être emparée des responsables, comme en témoigne l’absence de la prise en compte des risques liés au revolving.
Plus que jamais, nous avons besoin de programmes qui lient à la fois enjeux sociaux et enjeux économiques, ce qui n’est pas le cas du MCPP en son état actuel.

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OYETUNDE AYENI
Juriste socio-économique
Consultant en micro-
assurance

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