Léhady SOGLO sur TV Africable: « Les étrangers vivent en bonne intelligence avec les Cotonois »

A l’occasion du passage à Cotonou le week-end dernier, de la Caravane de l’intégration, le premier adjoint au maire de Cotonou, Léhadi Soglo, a accordé à la chaine panafricaine de télévison Africable une interview. L’histoire de la ville de Cotonou, ses défis d’aujourd’hui, l’action du conseil municipal et la commémoration du cinquantenaire de l’indépendance du Bénin sont entre autres les sujets abordés au cours de l’entretien diffusé sur Africable hier.

Africable : Monsieur le Maire tout de suite, vous allez devoir nous présenter un tout petit peu la Ville de Cotonou !

Léhady SOGLO  : D’abord je voudrais profiter de l’occasion qui m’est offerte pour vous remercier, remercier toute votre équipe et à travers vous, tous ceux qui vont vous écouter, je veux parler de ceux qui en Afrique sont intéressés par cette chaîne de solidarité que vous êtes en train de créer à travers cette Caravane de l’Intégration. Je voulais vous féliciter pour cette initiative, elle est bonne puisque dans quelques jours, nous allons nous aussi célébrer notre cinquantième anniversaire et nous souhaitons que les 50 prochaines années soient meilleures que les 50 que nous venons de passer. Cotonou puisque c’est de ça dont il s’agit ! C’est une ville du bord de la mer, une ville qui a été créée en 1830 par le roi GUEZO, roi qui déjà à son époque, parlait d’union puisque il a comme symbole la jarre dont les trous doivent être bouchés par les doigts de tous ses fils et de toutes ses filles. Disons qu’il est terriblement actuel puisque c’est de ça qu’il s’agit. C’est mettre ensemble nos connaissances, nos compétences, nos savoirs- faire dans cette Afrique que nous voulons plus unie et surtout dirigée vers la résolution des problèmes quotidiens de nos populations. Mais il a fallu attendre 1920 pour que la ville qui était une ville essentiellement de pêcheurs commence à se moderniser et se bâtir autour du wharf principalement et devienne progressivement, la capitale économique de notre pays.

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C’est environ 1,5 million de populations qui y vivent, y séjournent, y travaillent. C’est une ville cosmopolite, donc c’est la vitrine du Bénin. C’est là que se retrouve la majorité des composantes de la population de notre pays dans une ambiance qui est une ambiance conviviale qui est une ambiance fraternelle, qui est une ambiance où toutes les ethnies mais aussi toutes les confessions religieuses se retrouvent pour faire de cette ville, une ville où il fait bon vivre.

Et même les ressortissants des autres pays voisins !

Absolument et vous avez raison de le préciser, de souligner. Les ressortissants des autres pays vivent en bonne intelligence avec les Cotonois, avec les Béninois.

Preuve d’intégration !

Preuve s’il en faut d’une intégration qui réussit.

Donc Monsieur le Maire vous êtes maintenant à votre 2ème mandature si je ne me trompe et quels sont les objectifs que la municipalité s’est fixés sur votre houlette ?

Lorsque nous sommes arrivés il y a bientôt 7 ans à la tête de la municipalité, nous avions 3 objectifs :
Le 1er, c’était de trouver une solution au problème récurrent, lancinant des inondations de la ville de Cotonou. Cotonou est une ville marécageuse au ¾ et qui n’a en fait que ¼ de zone sèche, donc propre à l’habitation et qui à chaque saison de pluie, se retrouve effectivement avec des problèmes d’inondation et donc s’était ça notre objectif lorsque nous avons pris la tête de cette municipalité.
Le 2ème objectif qui va de paire avec le premier, c’était de lutter résolument contre l’insalubrité. Personne n’acceptera de venir séjourner dans notre ville si elle ressemble à une poubelle, si vous me passez l’expression ; et le 3ème objectif, c’était de créer les conditions pour une meilleure circulation des biens et des personnes à travers notamment la mise en place d’un système de transport urbain qui fasse la part belle à nos taxis moto, les fameux zémidjans. Et je dois dire que nous avons travaillé résolument à cela. S’agissant des inondations, nous avons mis en place un système qui s’appelle Cotonou en Campagne Contre les Inondations (3CI), qui à chaque saison des pluies, essaye de soulager un temps soit peu, les populations de Cotonou en leur permettant de quitter leur domicile pour se rendre sur leur lieu de travail. Cela consiste principalement à reprofiler des voies, à les recharger, à acheminer du sable dans les centres socio communautaires que sont les écoles, les marchés, les dispensaires. Ca consiste aussi à ouvrir des tranchées car le véritable problème est de permettre effectivement l’évacuation des eaux en direction, soit de la lagune, soit de la mer. Ca consiste aussi à venir au secours des populations déshéritées en mettant à leur disposition, des médicaments, des moustiquaires. Tout ce dispositif est complété par un autre dispositif dont l’objectif est de trouver des solutions plus durables, plus définitives aux problèmes des inondations. Nous avons construit à l’aide de nos partenaires techniques et financiers, et vous me permettrez ici et maintenant de dire à quel point nous sommes satisfaits du travail qu’ils ont été amenés à faire à nos côtés, un certain nombre de bassins. Ces bassins, ce sont des grands collecteurs qui permettent effectivement d’acheminer l’eau de la lagune vers l’océan et il y en a un certain nombre dans la ville, le bassin XX dans l’une des zones les plus marécageuses de Cotonou, Agla et qui donc permet effectivement de soulager les populations d’Agla qui sont aujourd’hui un tout petit peu moins touchées par les problèmes des inondations. Mais il y a aussi à côté, le bassin P qui soulage les populations de Fifadji. Nous n’avons pas oublié la partie Est de Cotonou où grâce à l’AFD, nous avons bénéficié d’un concours financier qui nous a permis de construire un collecteur, le fameux collecteur V2 qui règle le problème de l’inondation dans le 2ème, dans le 3ème et le 4ème arrondissement. Donc de ce point de vue là, je crois qu’il y a des efforts importants qui ont été faits ; bien entendu, ce n’est pas suffisant et nous sommes en train de réfléchir à une réactualisation d’une étude qui avait été faite par un consultant Canadien, LAVALIN. Cela permettrait d’aborder de façon plus intelligente et moins onéreuse, le problème des inondations parce que aujourd’hui, les partenaires techniques et financiers rechignent un peu à nous accompagner car pour régler le problème de l’inondation dans la ville de Cotonou, il nous faudra la bagatelle de 400 milliards de FCFA, c’est-à-dire pratiquement le ¼ voir le 1/3 du budget de notre pays. Et donc, vous imaginez bien que c’est extrêmement difficile dans le contexte que vous connaissez, un contexte où il y a de moins en moins de ressources à cause notamment de cette crise financière qui s’est transformée en crise économique. Donc il faut trouver des solutions par phase qui puissent effectivement permettre de régler le problème des inondations dans la ville. Nous sommes à pied d’œuvre, nous sommes en discussion avec nos partenaires techniques et financiers notamment l’Union Européenne pour aboutir à cela.
Maintenant s’agissant de la lutte contre l’insalubrité, je vous ai dit que personne n’accepte de venir dans une ville si elle n’est pas propre. Nous avons mécanisé le désensablement  de nos artères parce que nous sommes une ville côtière, donc très ensablée. Nous avons obligé les prestataires à se mettre ensemble pour acquérir du matériel de qualité et ce matériel désensable au quotidien, les artères principales et secondaires quotidiennement de la ville de Cotonou. Actuellement, nous sommes en train de lancer une opération que nous avons baptisée opération coup de poing pour rétablir la salubrité dans la ville de Cotonou à l’orée de la célébration du 50ème anniversaire de notre accession à l’indépendance. S’agissant maintenant du volet relatif à la mobilité urbaine, nous sommes allés il n’y a pas si longtemps, au BRESIL rencontrer des investisseurs qui sont intéressés à mettre en place un système de transport en commun dans la ville de Cotonou. Ils l’ont déjà fait ailleurs, notamment au Mozambique et en Angola. Nous avons effectivement trouvé ça très intéressant parce que c’est une approche intégrée. Elle prend en compte, la réalité spécifique de notre pays. Puisque comme je vous l’ai dit, nous avons à Cotonou cent mille conducteurs de taxi moto, les fameux zémidjans. Nous n’avons absolument pas l’intention de les laisser sur le carreau.  Et donc nous sommes en train d’examiner toutes les propositions en plus de celle qui nous a été faite par la partie Brésilienne pour nous assurer que la dimension sociale a été prise en compte dans le projet et que si demain on met en place ce réseau, qu’on n’oublierait effectivement pas nos fameux taxi zémidjans qui seront éventuellement les prochains conducteurs de ces bus, qui seront ceux que l’on prendra pour réparer ces bus, qui seront ceux qui seront à la fin des réseaux pour accueillir les clients. Je pense que c’est même une approche plus économique parce que vous savez que souvent, ces taxis moto passent leur journée à la recherche des clients. Là, ils auront des clients à portée des mains puisque à la fin de ces réseaux, ils seront présents pour les transporter les clients en direction de leur habitation. Donc voilà de façon ramassée, ce que nous avons fait. Bien entendu, je ne pourrai pas passer sous silence, toutes les constructions d’infrastructures socio communautaires, je parle des marchés. Nous avons créé toute une série de marchés dans la ville de Cotonou, parce que les femmes ont besoin d’avoir des lieux décents pour pouvoir travailler et vendre leurs produits. Nous avons créé surtout deux grands marchés, le marché Vèdoko qui est un marché qui a été financé grâce au soutien de l’AFD, un marché moderne et nous venons de construire un deuxième marché, le marché de Houénoussou qui lui, est même dans l’avant-garde puisque toute l’électricité, sera de l’énergie solaire. Nous y avons créé un endroit pour les zémidjans. C’est un marché qui est un marché extrêmement moderne et je crois que dans quelques temps, nous allons le mettre en service. Nous sommes en train de discuter avec une structure qui est chargée d’accompagner les plus pauvres, les plus déshérités, la BRS, pour voir dans quelle mesure, elle pourrait prêter de l’argent à ces femmes moyennant une rétribution et que tout ça serait baillé sur leurs occupations des places dans ces marchés. Donc c’est vraiment une expérience pilote que nous sommes en train de faire avec le soutien de l’AIMF grâce au Maire Bertrand DELANOE qui était venu ici et qui avait été séduit par les femmes des marchés et qui a accepté de nous accompagner dans cette initiative. Je voudrais aussi parler de tout ce que nous faisons au niveau culturel et profiter de l’occasion pour faire un clin d’œil à la fondation ZINSOU mais aussi à toutes les initiatives qui naissent à Cotonou.
Cotonou est une ville essentiellement culturelle et nous avons envie de créer  ici une biennale un peu à l’instar de ce qui existe à Ouagadougou ou ailleurs. Donc voilà, je crois que ce sont les  principales réalisations que nous avons été amenés à faire. Bien entendu, la liste n’est pas exhaustive mais je crois que ceci est suffisamment emblématique de ce que nous avons réalisé au cours des sept dernières années.

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Donc nous allons tout droit maintenant vers le cinquantenaire précisément le 1er août ici au Bénin et sur ce plan, est-ce que vous aimeriez jeter un regard rétrospectif sur le chemin parcouru en matière de progrès par la ville de Cotonou. Sa physionomie au lendemain de la proclamation de l’indépendance et celle d’aujourd’hui, est-ce que vous pouvez faire un parallèle ?

Oui alors il y a beaucoup de choses qui ont été faites. Quand vous jetez un regard rétrospectif, force est de constater que ce qui n’était finalement qu’une petite cité lacustre autour de Wharf, s’est développé pour devenir la métropole dans laquelle vous vous trouvez. Il y a des routes, il y a des infrastructures, il y a effectivement un centre ville, il y a énormément d’activités commerçantes, marchandes. Nous avons, je crois, certainement progressé dans le bon sens. Il reste aussi beaucoup de choses à faire dans une ville où les gens se sont installés souvent de façon anarchique et désordonnée, c’est une ville où on n’a pas encore réglé totalement le problème de la salubrité, c’est une ville où il n’y a pas d’espace vert. C’est çà aussi qui m’a frappé lorsque je suis allé à Ouagadougou. A Ouagadougou, ils ont un poumon vert à l’intérieur de la ville. Cela permet d’oxygéner la ville. Nous avons la même ambition  pour Cotonou. Vous allez à Accra, à côté, c’est une ville qui est baignée dans la végétation. C’est important surtout à cette époque où on parle de problèmes environnementaux. Il faut que dans nos villes africaines, il y ait des espaces verts, des lieux de loisir où les gens peuvent aller se reposer. J’étais à Bamako, il n’y a pas si longtemps, c’est une ville du sahel. Il y a des arbres partout. Donc si c’est possible là-bas, ça devrait être possible ici ; ça, aussi fait partie de notre ambition, de notre volonté de faire aboutir un certain nombre de projets. C’est vrai que lorsqu’on jette un regard en arrière, beaucoup de choses ont été faites. Nous jouissons d’une stabilité politique, démocratique mais ce n’est pas suffisant parce qu’il manque l’essentiel. L’essentiel, c’est de donner un contenu économique à cette démocratie.

Monsieur le Maire, vous avez tout de suite parlé de tout ce que vous avez pu faire comme réalisations. Vous avez parlé des réalités des municipalités. Mais sur ce plan, est-ce que en tant que spécialiste des questions d’économie, vous pouvez nous expliquer pourquoi aujourd’hui, toutes les stratégies, toutes les politiques jusqu’ici mise en œuvre par les municipalités en Afrique n’ont presque pas répondu aux attentes des populations ? Comment expliquez-vous cette situation ?

C’est pas propre aux municipalités j’ai envie, de dire que même les pouvoirs centraux n’ont pas répondu aux attentes des populations.

Mais qu’est-ce qu’il faut ?

Ce qu’il faut, c’est d’abord, aimer son pays, aimer son continent. Il faut que nous soyons des patriotes, il faut que nous arrêtions de faire du mal à notre continent, il faut que nous soyons honnêtes, il faut que nous soyons corrects. Il faut que nous disions clairement les choses à nos populations, il faut que nous proposions des mesures concrètes, qu’on arrête les sempiternelles discussions sur le sexe des anges, qu’on se concentre sur l’essentiel. Nous sommes des pays agricoles, développons notre agriculture. Nous avons besoin de nous appesantir sur les problèmes de santé.

Nous nous acheminons vers le cinquantenaire. Comment cette fête se prépare-t-elle ici dans la commune de Cotonou ?

Modestement nous avons voulu faire quelque chose pour rappeler un petit peu le chemin parcouru. Nous avons un cocktail de festivités que nous allons proposer aux cotonois et aux cotonoises. D’abord, nous allons organiser dans cette même salle, un colloque pour faire un peu le bilan des 50 ans. Mais nous ne voulons pas que ça soit l’occasion de larmoyer. Nous voulons que ça soit l’occasion de se projeter dans l’avenir.  La cible, se sont les jeunes, les étudiants, les bacheliers, les élèves de 3ème avec qui nous allons revisiter effectivement les 50 dernières années que nous venons de passer et nous allons nous projeter dans l’avenir en créant un projet avec un ambassadeur, faire vivre le projet, le développer et contribuer dans une certaine mesure, à lutter contre le chômage des jeunes dans la ville de Cotonou.

Certains de vos compatriotes vous assimilent à Blaise COMPAORE, le conciliateur Burkinabé par rapport aux actions que vous posez ici. Quel est votre sentiment ?

Ecoutez ! Je ne peux qu’être rempli de joie, de contentement. Être comparé au Président du Burkina-Faso, c’est un honneur. J’ai effectivement la chance de l’avoir rencontré plusieurs fois. C’est un doyen et c’est un homme extrêmement dynamique qui a fait beaucoup pour son pays et pour l’Afrique. Mais je dois dire qu’il n’est pas le seul, j’ai eu la chance  aussi de rencontrer le Président du Mali qui est un homme remarquable. Il y a un certain nombre de jeunes Présidents notamment, le Président du Togo, le Président du Gabon, qui sont des gens de notre génération et qui font aussi des choses qui forcent l’admiration. J’ai pour tous ces hommes, beaucoup de respect et je sais que la tâche qui est la leur n’est pas simple, n’est pas facile et je crois qu’ils s’emploient tous à essayer d’améliorer les conditions de vie de leurs compatriotes.

Monsieur le Maire, nous sommes pratiquement à la fin de notre entretien. Il ne nous reste plus qu’à vous dire merci et tout le plaisir a été pour nous vraiment de vous recevoir ici avec vous. Nous avons parlé de long en large des réalités de Cotonou, du Bénin, des réalités socio-économiques de l’Afrique, vos ambitions, les perspectives. Et tout a été ici détaillé sur ce plateau de la caravane de l’intégration qui vous a été servi au siège de la commune de Cotonou.

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