Les premiers resteront les premiers

Il n’y a plus aucun doute ; nous sommes dans la mélasse jusqu’au cou. Partout, des pans entiers des murs de notre maison commune s’écroulent. La pieuvre de la corruption étend ses tentacules dans tous les interstices de la République.

Mais contrairement aux années 80 et sous les régimes de KEREKOU II, l’actuel Chef de l’Etat s’arc-boute et tel un capitaine impétueux, s’accroche désespérément à son vaisseau ne souhaitant guère assister à son écroulement. Faute de galvaniser son équipage, il se montre impitoyable avec les tire-au-flanc et les négligents soi-disant responsables de la catastrophe. Personne n’a jamais voulu la mort du pécheur si son repentir est sincère : « Nous avons honte de nous-mêmes. Nous sommes venu nous confesser », s’était écrié le Général KEREKOU à la Conférence Nationale ! Le peuple béninois, peuple si rapidement gagné par la miséricorde, lui a si bien pardonné les dix-sept ans  d’errements de sa révolution qu’il l’a fait revenir au pouvoir en 1996 !  Le refus de l’actuel système de choses a pris avec le Président Boni YAYI la forme d’un paradigme nouveau, séduisant parce que porteur d’une vraie reforme : la refondation de la République. Vaste programme qui augure d’une vraie révolution morale et sociale et qui se situe dans la     droite ligne des propositions sincères que lui faisaient certaines bonnes volontés qui ont fini par le lâcher faute d’avoir pu capter son attention. Je pense particulièrement à Madame Célestine ZANOU. Evidemment, vu l’état de décomposition avancée de notre société politique et civile, nonobstant un fonctionnement apparemment harmonieux de nos institutions, vu l’état de corruption morale à laquelle nous avons régressé, une conférence nationale est derechef nécessaire. Ce ne sera évidemment pas la grande Conférence Nationale de février 1990, mais un Débat National réunissant sur une échelle restreinte toutes les forces vives de la Nation. Son ordre du jour pourrait porter sur :

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1)    les reformes institutionnelles, notamment la procédure idoine de révision de la Constitution de 1990 ;
2)    la gouvernance de développement fondée sur un nouveau contrat social entre le peuple et ses dirigeants (réduction du train de vie de l’Etat, salaires et autres avantages liés aux fonctions publiques) ;
3)    le fonctionnement des secteurs sociaux vitaux comme la santé et l’éducation ;
4)    la problématique des micro-crédits et d’un fonds d’aide à l’entreprenariat et à l’insertion professionnelle des jeunes et des femmes ;
5)    la lutte contre la dépravation morale de notre société ;
6)    la politique économique pour le Bénin ;
7)    le mode de scrutin et le système partisan ;   
8)    l’aménagement du territoire, le découpage territorial et la reforme foncière ;
9)    la lutte contre l’insécurité sous toutes ses formes ;
10) la politique culturelle, touristique et artisanale.

Certes, cette liste thématique n’est évidemment pas exhaustive ; un bon comité préparatoire saura en mettre en évidence de meilleures. Aussi ne suis-je pas d’accord avec ceux qui disent qu’il est trop tard pour l’actuel régime de mettre en route un tel chantier de réformes. En fait, près de 8 mois nous séparent de la prochaine élection présidentielle. On peut voir que le pouvoir n’a rien à faire que d’expédier les affaires courantes, et puis les week-ends faire s’égosiller une masse de femmes et de jeunes oisifs ; pendant ce temps, l’ « opposition » à court d’inspiration s’enferme dans un silence de carpe n’ayant dans l’ensemble rien d’original à proposer comme débat alternatif. La sagesse et le bon sens nous disent qu’il n’est jamais trop tard pour bien faire, et s’il s’agit des problèmes de toute la nation, personne ne tirera le drap de son côté à des fins électoralistes. En fait, nous renouerons avec la gouvernance concertée, inclusive et consensuelle, que beaucoup de Béninois souhaitent pour leur pays. En fin de compte, je n’ai jamais été d’accord avec le modèle de la démocratie libérale à l’occidentale qui constitue pour une prétendue opposition à attendre tranquillement que le régime en place commette des fautes et se casse la gueule pour qu’elle en tire  profit et pêche en eau trouble pour parvenir au pouvoir ! La démocratie africaine sera consensuelle et non libérale. 

Nous devons prendre comme modèle les pays asiatiques où le sens du consensus national est très développé et où l’agent permanent de l’Etat ou le travailleur du secteur privé a la vive conscience de travailler d’abord pour sa patrie, et loin de tous l’idée diabolique de laisser tout pourrir, pour venir en vautours se gaver de la charogne. Ce postulat n’élimine nullement une émulation saine pour la conquête du pouvoir d’Etat.

Dénis AMOUSSOU-YEYE, professeur à l’UAC

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