MCPP et surendettement des femmes bénéficiaires: comment le DG FNM n’exclut pas le risque

« Le talent, c’est aussi, et surtout la capacité d’écoute et de dialogue qui permet d’entendre l’autre pour que chacun puisse évoluer, s’enrichir dans un débat honnête. »
En réponse à notre précédent article, le Directeur Général du  Fonds National de la Micro finance (DG FNM) nous a livré un cours magistral sur la notion de crédit mettant en cause notre vison du concept, vision jugée étriquée

Si de ce fait, nous ne remettons pas à notre tour en cause le talent  et la compétence professionnelle du DG FNM, il n’en demeure pas moins qu’il ne nous a pas convaincu dans son approche du « REVOLVING ». En effet, malgré la folklorisation condescendante engagée, on retrouve ripolinée et mise au dégoût du jour une posture de suffisance, qui magnifie l’absence d’éléments pouvant nous démontrer que le MCPP tel que pratiqué n’entraînerait aucun risque de surendettement..

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En effet, dans sa réponse explicative, le Directeur du fonds national de la micro finance s’est contenté de nous imposer une démonstration personnelle (ce qui est fort louable) de la notion du  crédit revolving.
Seulement, cet exercice aussi brillant qu’il puisse paraître nous conforte dans l’idée que le programme MCPP, ne prend pas en compte le bénéficiaire et la situation de ces derniers est loin d’être la préoccupation des dirigeants du programme. En témoigne, la dernière sortie médiatique des IMF partenaires qui nous ont simplement contentés d’un soutien inconditionnel au FNM sans un mot à l’égard des bénéficiaires. Ce qui pose dès lors le problème de la responsabilité sociale des IMF.

Et pourtant, l’heure est grave, car la priorité sociale du programme laisse progressivement place à la logique de rentabilité financière du FNM.

Aussi, il convient de décrypter ici la réponse du DG FNM et de réaffirmer notre inquiétude quant au risque de surendettement.

« Dans notre pratique, le revolving dont on parle, c’est plutôt entre l’Etat qui est l’apporteur de fonds et le FNM qui en est le bénéficiaire » Komi Koutche.

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En conclusion de son exposé, le DG FNM a présenté le révolving comme un fait contextuel entre l’Etat et le FNM. Ce raccourci nous interpelle tout de même quand on sait qu’en l’espèce, le FNM représente l’Etat malgré son autonomie budgétaire. Par  ailleurs, il convient de rappeler que dans cet esprit, c’est le contribuable béninois qui paiera deux fois : d’abord comme caution pour l’Etat et ensuite comme client des IMF.
Ainsi, si la notion de revolving est donc attribuée à ce fait, il convient de se demander à quel moment, la responsabilité sociale du FNM pourra être mise en évidence.
Notre inquiétude relève également du fait qu’un crédit reconstituable pose indiscutablement la question de la performance financière de la structure qui la met en place.

En effet, dans toutes les études  récentes, il a été établi que la poursuite de la performance financière éloigne les IMF de ce qui devrait être leur but premier dans un programme de microfinance : La responsabilité sociale envers les clients. Aussi, en détournant le microcrédit de ses fondements idéologiques notamment en y enjoignant le revolving, la recherche de la performance financière constituerait un frein à l’innovation et à la réduction de la pauvreté.

Pour cette, raison, les réponses apportées par le DG FNM quant à notre questionnement sur la destination et le contrôle, l’impact sur l’économie réelle et le temps de sortie des bénéficiaires nous paraissent légères à tout point de vue.

Sur la destination, l’étude menée  sur un certain nombre d’IMF en 2009 a établi que le ciblage des pauvres et des exclus semble ne pas être privilégié par les IMF. Ces dernières semblent s’appuyer sur l’adaptation des bénéficiaires au produit proposé1.
Dans un programme social, l’inverse devrait être la règle. Il nous parait alors plus opportun d’espérer dans la réponse du DG, une explication sur l’outil qui permet le ciblage des pauvres et des exclus dans le cadre du programme MCPP.

Quant  à notre interrogation sur le contrôle de l’usage des fonds, la réponse nous laisse davantage perplexe, car tous les organismes financiers reconnus comme tels disposent d’outils de contrôle interne et externe. Cependant, là n’était  pas notre inquiétude. En effet, dans un programme comme le MCPP, le bénéficiaire ne devrait-il pas être au centre de toutes les attentions ? Nous attendions pour ce faire du DG, qu’il nous entretienne sur l’adaptation des services et des produits aux bénéficiaires. Ce contrôle devrait reposer à notre connaissance sur la qualité des services, et sur les services innovants et non financiers proposés par le programme en plus des services traditionnels déjà offerts par l’ensemble des IMF opérant au Bénin.

« Raisonnablement à la troisième année, les bénéficiaires intègrent les portefeuilles des IMF en tant qu’agent économique de plein droit. A la date d’aujourd’hui plus de 100 mille sont déjà à cette étape » DG FNM

Nous devrions donc nous contenter de la vision exclusive de dirigeants qui aujourd’hui ne réussissent pas à nous démontrer, les bénéfices économiques des clients (bénéficiaires) et le renforcement de leur capital social au bout de trois années de perfusion financière.
La question de la performance sociale des IMF est plus que jamais posée. Si les dirigeants du MCPP, souhaitent dissiper notre inquiétude quant au surendettement des bénéficiaires, il urge désormais, qu’ils sortent de leur vitrine dorée et intègre la culture de la mesure de la performance sociale ainsi que l’utilisation plus judicieuse des outils d’évaluations de la pérennité des activités menées par les bénéficiaires.

Il nous importe d’interroger le FNM sur :

  1.   la nature des risques de défaillance des porteurs de projets
  2.   quels sont les acteurs présentant le moins de risque et pourquoi ?
  3.   comment anticiper ces risques et quels sont les outils mis en place pour mieux les gérer ?

En l’absence d’éléments de précisions sur ces interrogations, nous soutenons malgré le timide aveu du DG FNM, que le risque de surendettement est bel et bien présent. Car comme la pyramide de ponzi qui défraie la chronique en ce moment dans notre pays, le surendettement peut être enclenché dès lors que l’accumulation du crédit ne repose pas sur la pérennité des activités financées par le FNM.

Un programme digne devrait après trois années d’exercice, nous dire sur les 100 milles bénéficiaires en phase de sortie:

  1.  Qu’elles sont les activités qui ont le plus résisté aux chocs sociaux-économiques ?
  2.  Quels sont les risques recensés tout au long du processus ?
  3.  A part la mutuelle santé, qu’elles sont les risques couverts dans le cadre du programme, et les garanties apportées pour assurer la pérennité des activités durant trois ans ?
  4.  Qu’elles sont les prévisions et mesures d’accompagnement d’un bénéficiaire en phase de sortie ?

Si le concept de micro finance semble assez simple, la nature des mécanismes impliqués est complexe et nécessite de la part du FNM, le renouvellement de son approche traditionnelle du crédit.
Car dans l’esprit du FNM, c’est le volume de crédit accordé qui justifie la réussite du programme. Et c’est en cela que nous considérons sur la base d’expériences prouvées dans de nombreux pays précurseurs dans le domaine de la micro finance, que le surendettement serait inévitable si le FNM se limite exclusivement à la seule bonne gestion du crédit caractéristique de la performance financière des IMF.
Par ailleurs, le FNM dispose de nombreux atouts car partie intégrante de l’approche Welfariste2  de la micro finance. Aussi, il doit nous proposer des services innovants pour couvrir davantage les bénéficiaires et les sortir plus que jamais de la pauvreté.

Enfin, le recours à un collatéral social par l’intermédiaire de prêts collectifs n’exclut pas le surendettement individuel. En comparaison à un «  free rider »3  (passager clandestin), le groupe peut hésiter à dénoncer l’incapacité de remboursement de certains de ses membres. C’est pourquoi, le prêt collectif ne constitue pas une garantie de remboursement réellement efficace en raison de liens familiaux et communautaires extrêmement forts qui affaiblissent la crédibilité de ce mécanisme de garantie.
Dès lors la spirale de surendettement peut être enclenchée.
Car, le FNM nous abreuve de taux de remboursement et du nombre de femmes impactées par le programme, mais ne dispose d’aucun élément prouvant que seules les Activités Génératrices de Revenus financées permettent d’assurer ces paiements. Et c’est bien ce qui explique que le DG FNM n’a à aucun moment exclu le risque de surendettement car, il a bien conscience des effets pervers de la course à la rentabilité financière quand on s’adresse à des pauvres dont la vie est à l’évidence un long risque.

D’où vient alors l’argent qui sert au remboursement ?
Une interrogation qui nous interpelle tous, car la question de la pauvreté reste un défi à relever et seule la convergence des intelligences nous permettra de franchir le cap. Seule gage de notre réussite.
Aussi, nous saluons le DG FNM pour sa promptitude malgré que nous soyons restés sur notre faim après plusieurs lectures de son texte explicatif.

1-Etude menée par Consortium Alafia avec le concours de CERISE
2- Le FND bénéficie de fonds publics (ici, l’Etat) contrairement à l’approche institutionnaliste ou ce sont en générale des fonds privés (banques et autres)
3-  Alchian et Demsetz, 1972

OYETUNDE  AYENI
Juriste socio-économiste
Consultant en micro assurance

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