Suite à la réflexion d’Oyetundé Ayéni sur le programme MCPP

Les éclairages de Komi Koutché sur le concept du crédit revolving

(Le DG/FNM invite à la compréhension de l’esprit du programme)
Dans une récente analyse (cliquez ici pour la lire) , Monsieur OYETUNDE a relevé les insuffisances du MCPP en faisant un parallèle avec le crédit revolving. La Direction Générale du FNM a toujours salué les critiques objectives qui permettent d’apporter un plus dans sa dynamique permanente d’amélioration de ses pratiques vue qu’il s’agit d’un modèle en construction.

Même si les outils de gestion du FNM s’inspirent des meilleures pratiques recommandées en matière d’activités de microfinance, il n’en demeure pas moins vrai qu’il n’existe pas une expérience préalable typique dont on pourrait se servir comme exemple. De ce point de vue la position la plus sage est celle de l’ouverture à toute critique objective et c’est que nous faisons. Dans cette dynamique, il importe de saluer dans la forme, la démarche de l’auteur. Cependant, dans le fonds, une telle analyse reste théorique et manque de pertinence. C’est pourquoi, nous volons apporter les éléments de clarification ci-après pour mieux éclairer l’auteur afin de s’attendre certainement, pour ses prochains articles à des critiques beaucoup plus productives pour le FNM.

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Sans vouloir copier les définitions des nombreux chercheurs qui ont travaillé sur le sujet et que nous respectons, nous définissons le revolving comme la possibilité pour une personne (physique ou morale) de disposer d’un concours financier à lui consenti par une tierce sans limitation de temps. Ce concours financier qui se reconstitue au fur et à mesure de la mise en œuvre des activités est systématiquement réinjecté sans que celui qui en est détenteur ne se réfère nécessairement à celui qui en est propriétaire.

Catégorisant le crédit en fonction de sa destination, on distingue le crédit à la consommation et le crédit aux activités génératrices de revenu indépendamment de la taille desdites activités.

Le crédit à la consommation s’entend comme un concours financier assorti de caractéristiques spécifiques obtenu par un ménage ou une personne physique ou morale pour faire face à l’un quelconque et/ou plusieurs des cinq besoin fondamentaux généralement connus. Il va sans dire que dans le cadre des personnes morales, bien qu’un parallèle soit possible avec les cinq besoins fondamentaux d’une personne physique,  les caractéristiques ne sont pas les mêmes. Quant au crédit aux activités génératrices de revenus (AGR), il s’agit de tout concours financier assorti de conditions spécifiques destiné à financer l’une quelconque des composantes (production ; équipement, stockage, fonds de roulement etc….)  d’une activité productive et potentiellement rentable. Un crédit quel qu’il soit, se caractérise par au moins trois conditions cardinales que sont : la durée de remboursement, la périodicité de remboursement et le taux d’intérêt quelle que soit sa valeur.

Partant donc de ce cadre théorique, il importe de sortir d’une vison étriquée du crédit revolving comme crédit destiné uniquement à la consommation pour savoir qu’un crédit revolving, en fonction des options de celui qui en est bénéficiaire sert aussi aux activités génératrices de revenus (AGR). Même si par ailleurs,  la théorie nous révèle que le crédit revolving est généralement destiné à la consommation, il importe de faire la différence entre les adverbes généralement et exclusivement. En effet donc,  le crédit revolving n’est pas exclusivement destiné à la consommation.

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De ce point de vue, même si le crédit MCPP était un crédit revolving, la conclusion sur la question, telle qu’elle est abordée dans le travail de l’auteur,  manque de pertinence quant à la nécessité de prioriser la l’activité productive à la consommation. En effet c’est de cela qu’il est déjà question. Il reste bien entendu que nous avons une connaissance assez raisonnable du risque de ce type de crédit et de la complexité de son coût dont les principaux déterminants sont généralement des inducteurs de coûts cachés.
 
Mais dans la réalité du MCPP, la logique c’est tout sauf la compréhension de l’auteur. En effet, si le revolving s’entend comme indiqué supra, dans le cadre du FNM, nous parlons de revolving pour traduire la possibilité dont dispose le Fonds National de la Microfinance (ici le bénéficiaire) de reconstituer avec une cadence régulière, et ce,  grâce au remboursement des institutions de microfinance partenaires,  les fonds mis à sa disposition par l’Etat et de les réinjecter de façon systématique dans le crédit compte tenu de son plan d’activités.

En toute chose, la théorie compte beaucoup, mais on est encore plus cohérent et plus productif lorsqu’on y met le contexte (ce qu’on appelle dans le jargon professionnel la contextualisation). C’est ainsi donc que pour le cas du FNM, le revolving s’entend beaucoup plus comme un fait (celui de reconstituer les fonds de l’Etat à sa gestion et de les réinjecter systématiquement) et non  comme ce type particulier de crédit appelé crédit revolving qui , d’ailleurs  vous avez oublié de soulever, n’est administré qu’à des gens qui ont une solvabilité prouvée. Vous comprenez alors que dans notre pratique, le revolving dont on parle c’est plutôt entre l’Etat qui est l’apporteur des fonds et le FNM qui en est le bénéficiaire.

Il ne concerne donc pas les microcrédits octroyés aux bénéficiaires pour le démarrage d’une activité productive ayant un besoin financier d’au plus 30.000 FCFA pour un début.  Lesdits crédits étant octroyés pour être remboursés par des mensualités étalées sur six mois, avec des conditions prédéfinies, il ne s’agit donc pas de crédit revolving et donc votre conclusion sur son caractère suicidaire manque aussi de pertinence. Il n’en a jamais été question dans nos propos si nous sommes bien suivis.
 
S’agissant des supports qui attestent les  indicateurs de performance annoncés, je tiens à signaler que le FNM dispose d’un système d’informations de gestion assez performant et lesdits supports existent régulièrement. Mais il me paraît assez regrettable de tirer une telle conclusion assez hâtive sur leur inexistence sans expliquer le canal par lequel vous avez essayé de les avoir mais en vain. Il reste bien entendu que le portefeuille du FNM est constitué de partenaires institutionnels (IMF) privés qui sont juste en relation de partenariat avec le FNM et qui apportent leur expertise en terme d’actions de proximité. L’affirmation sur le non suivi des bénéficiaires aurait pu gagner en crédibilité si cela avait été accompagné d’indices vérifiables. Il en est de même lorsqu’il est déploré la façon dont le programme est géré sans dire de façon explicite ce qui est mis en cause pour aider à corriger.

Quant à ce qui concerne les questionnements relatifs à la destination de l’argent, celui qui en contrôle l’usage et le temps de sortie du programme, je tiens à signaler ce qui suit :

Destination : les fonds sont mis à la destination des institutions de microfinance partenaires dans les formes régulièrement admises et prévues. Lesdites opérations sont sou tendues par des outils qui en assurent une visibilité absolue et vérifiable ;

Contrôle : le FNM est régi par les dispositions nationales est supra nationales organisant les activités qu’il mène et à cet effet, il est régulièrement contrôlé par les instances compétentes prévues (commissariats aux comptes réguliers ; structures étatiques de contrôle; commission parlementaires etc….)

Temps de sortie des bénéficiaires : raisonnablement à la troisième année les bénéficiaires intègrent les portefeuilles des IMF en tant qu’agent économique de plein droit. A la date d’aujourd’hui plus de 100 mille sont déjà à cette étape.

Somme toute, il importe de saluer la démarche qui consiste à mener une analyse critique sur le MCPP. Malheureusement, le travail a été fait sur la base d’éléments d’analyse assez légers avec une vue assez étriquée des thèmes abordés. Ce qui a fait que le contenu du texte reste en discordance avec le titre incantatoire qui enlève à un travail aussi scientifique, toute sa crédibilité.

Cependant, nous saluons l’auteur et lui manifestons notre disponibilité à continuer les discussions car nous restons persuadés qu’avec  les éléments mis à sa disposition par la présente, ses prochaines analyses seront plus pointues et apporteront un plus au FNM. Ce serait aussi pour lui une façon d’apporter sa pierre à l’édifice.

Komi KOUTCHE
Economiste Financier
Expert en microfinance ;
Consultant international en système financier décentralisé
Enseignant en gestion de crédit au Bénin et en Côte d’Ivoire ;
Directeur Général du Fonds National de la Microfinance

Titre originel du texte : La théorie c’est bon, mais comprendre l’esprit des choses dans la pratique pour une analyse plus responsable est encore meilleur.

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