Un journaliste, un prêtre, un hymne national

Le sujet n’est peut-être pas d’une actualité brûlante. Celui d’établir la paternité d’une œuvre, celui de savoir qui est l’auteur de l’hymne national de notre pays, « l’Aube nouvelle ». Dans un Bénin qui n’en finit plus de se débattre dans les mailles de l’affaire ICC Services, beaucoup trouveront qu’il y a plus et mieux à se mettre sous la dent.

C’est une manière de voir. Elle vaut ce qu’elle vaut. Mais elle n’enlève rien à la vérité selon laquelle la vérité est toujours d’actualité. Parce qu’on n’a jamais fini de la chercher. Parce qu’il paraîtra, sans doute, incongru que le Bénin entre dans l’actualité des cinquante ans de son indépendance, le 1er août prochain, flanqué d’un hymne en panne de paternité.

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Tout était parti d’une campagne de presse, il y a un peu plus d’un an. On disait et on soutenait alors que l’Abbé Gilbert Dagnon, jusque là tenu pour l’auteur de l’hymne national, n’était qu’un vil usurpateur. C’est dire la violence, la virulence de cette campagne de presse. Comment les Béninois ont-ils pu se méprendre, des années durant, sur l’auteur de leur hymne ? De nouveaux noms côtoyaient désormais celui de l’abbé Gilbert Dagnon : Marcellin Gaba, Jean Plya, Bertin Borna, et même un Français répondant au nom de Gabriel Michaud.
Encore une fois, qui est l’auteur, le vrai, de notre hymne national ? Monsieur tout le monde se laissera bloquer, contraint à faire du sur-place, devant une question à laquelle il n’a pas de réponse. Pas le journaliste. Parce qu’il existe dans notre métier un genre journalistique qui nous apparente au policier sans pour autant nous confondre avec lui. C’est l’enquête, l’enquête journalistique ou l’investigation.
Le genre est noble. Mais il est exigent. Car l’enquête est à la confluence de tous les autres genres journalistiques. Il ne prend de l’envol qu’avec un journaliste expérimenté et professionnellement bien outillé. Fernand Nouwligbèto, dans la presse béninoise, a le profil d’un tel journaliste. Aussi n’a-t-il pas hésité à endosser sa combinaison d’enquêteur et à partir à la pêche à la vérité. Qui est l’auteur de l’hymne national du Bénin ? Voilà la question qui attend une réponse.

Il est pour le journaliste une notion essentielle : la notion de la source. Car une information ne surgit jamais par hasard et sans raison. Une information vient de quelque part. Elle a une origine. Aussi, aurions-nous été bien inspiré de graver au fronton de toutes nos rédactions : « Dis-moi ta source, et j’apprécierai et la portée et l’impact de ton information » Et le journaliste d’investigation n’a pas de cesse qu’il n’ait fait un travail rigoureux sur ses différentes sources, en commençant par les identifier. Fernand Nouwligbèto ira ainsi chercher ses informations à différentes sources :

  • • dans les archives d’ici et d’ailleurs ;
  • • dans les compte-rendu de réunions et dans les procès verbaux des séances de travail à l’Assemblée nationale
  • • dans diverses éditions du Journal officiel ;
  • • dans les manuels d’histoire et de géographie ;
  • • dans des témoignages de personnes vivantes.

C’est après cette longue revue des sources que l’enquêteur s’engage dans une nouvelle phase de son travail qui le conduira :

  • • à vérifier et à recouper les informations recueillies ;
  • • à confronter les diverses sources identifiées ;
  • • à interpréter ce que chacune d’elles apporte comme sa part de vérité ;
  • • à procéder par élimination, en triant, en sélectionnant, un peu à l’image de la ménagère qui, à l’aide de son tamis, sépare la farine du son ;
  • • à tirer ses premières conclusions, mais des conclusions encore provisoires.

L’enquêteur, parvenu à ce point de sa longue élaboration, se doit encore de fonder sa conviction intime, portée par des expressions courantes suivantes : « j’en mettrais ma main au feu » ou bien « j’en donnerais ma tête à couper ».

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Et qu’a trouvé Fernand Nouwligbèto au bout d’une si longue quête ? Que l’abbé Gilbert Dagnon est l’auteur, le vrai, aussi bien du texte que de la musique de notre hymne national. Il n’y a là-dessus le moindre doute. Un ouvrage, « L’Aube nouvelle, un hymne à la recherche d’un auteur » condense le travail de recherche et de réhabilitation du journaliste. Un ouvrage à lire absolument. Un ouvrage à inscrire au programme de nos centres de formation en journalisme, comme un modèle d’enquête journalistique. Tout est bien qui finit bien. Abbé Gilbert Dagnon, reprenez votre place dans l’histoire de notre pays comme l’auteur de l’Aube nouvelle. Avec tous les honneurs dus. La reconnaissance en sus. Mais surtout, pardonnez à vos détracteurs, parce qu’ils ne savaient pas ce qu’ils faisaient.

Jérôme Carlos

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