Au nom des intérêts des Etats

« Les Etats n’ont pas d’amis. Ils n‘ont que des intérêts ». Ces mots, il faut en convenir, sont froids comme la lame d’une machette de génocidaire. Ils tranchent sur la morale ordinaire, parce qu’ils sont d’un cynisme à nul autre pareil.

Pourtant, il va falloir bien se faire à cela. Quitte à choisir de se blinder le cœur et de se boucher le nez. De toutes les manières, autant le savoir que de s’attarder naïvement à demeurer un candide à la morale chatouilleuse, dans un univers impitoyable peuplé de durs au cœur de momie.

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Les  Occidentaux, notamment, n’ont que trop bien compris ce principe. Ils ont su, du reste, l’illustrer de fort belle manière dans les aventures historiques dans lesquelles ils s’étaient engagés au long des siècles, loin de leurs bases arrière, sur les voies pas très catholiques de la traite négrière, de la colonisation ou de la néo-colonisation.

Ce n’est pas l’amitié qui inspire celui qui quitte son pays avec armes et bagages, pour aller s’établir chez autrui et établir, à des milliers de kilomètres de ses propres terres, souvent au prix d’une guerre, un système de domination et d’exploitation. Il faut s’en convaincre : les relations internationales dans lesquelles l’on joue les intérêts des Etats contre l’amitié entre les hommes, reproduisent la jungle, dans sa réalité animale, dans sa vérité bestiale. Par rapport à quoi, n’est que pure hypocrisie les discours vertueux qu’on nous sert sur les droits de l’homme.

La loi de la jungle, c’est la loi du plus fort qui, dit-on, est toujours la meilleure. C’est le droit que s’arroge le lion qui a faim. Il mange, sans autre forme de procès, la jeune antilope qu’un hasard plutôt tragique a placée sur son chemin. C’est au nom de la loi de la jungle qu’on a couvert sous le voile pudique d’une mission civilisatrice tous les abus, tous les excès de la colonisation. Et c’est au nom des intérêts des Etats qu’on refuse à des peuples entiers d’être libres et maîtres sur leurs terres, de décider par eux-mêmes et pour eux-mêmes.
Edifiants et éclairants sont, à cet égard, des exemples tirés  plus précisément de l’émigration, telle que nos compatriotes de la diaspora la vivent chaque jour que Dieu fait dans l’Hexagone.

Au nom des intérêts de la France, tout étranger, tout Africain qui entre illégalement sur le territoire français, commet une infraction. Il viole les lois françaises en matière d’émigration et d’établissement d’un étranger sur le territoire de la France. Personne ne peut admettre que dans un espace qu’on veut de droit, l’on s’avise aussi effrontément de tordre le cou à la loi.

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Au nom des intérêts de la France, la loi se doit être appliquée dans toute sa rigueur. Mais quid des droits inhérents à la personne humaine ? Les brutalités, les violences, les  humiliations qui accompagnent certaines reconductions aux frontières d’émigrés illégaux sont intolérables. Appliquer une loi ne peut autoriser à en violer d’autres. Ce n’est pas dans l’intérêt de la France. Mais qui le dit ?

Au nom des intérêts de la France, l’émigration a été plus ou soumise à planification, prenant appui sur les conditions drastiques de délivrance de visas d’entrée en France, sur les conditions difficiles d’accès à un travail régulier et formel. La France qui, selon le mot de Michel Rocard, ne peut accueillir toute la misère du monde » a su user de son bon droit, au nom de ses intérêts, pour circonscrire un phénomène qui peut se révéler, à terme, une bombe.

Au nom des intérêts de la France, le Chef de l’Etat français, a introduit l’idée de l’émigration choisie, celle qui tourne le dos, pourrait-on dire à la racaille quantitative au profit  de la crème qualitative, synonyme de compétence et d’excellence. C’est l’émigration affectée d’une valeur ajoutée : assimilation facile, intégration rapide, rentabilité garantie. Les intérêts de la France se moquent de la fuite possible des cerveaux provoquée par ce type d’émigration, du pillage de ce que les pays de départ ont de plus précieux, à savoir leurs ressources humaines.

Voilà que le Président français vient d’indiquer sans ambiguïté que la France retirera désormais la nationalité française aux délinquants d’origine étrangère coupables d’excision ou ayant attenté à la vie d’un membre des forces de l’ordre. A parler ainsi, le Président français, au nom des intérêts de la France, veut nous faire reconnaître et accepter le caractère dual de la citoyenneté française. Il y aurait ainsi une citoyenneté française acquise de droit et de toute éternité par des Français de souche et une autre, celle-là de fortune, octroyée à titre révocable à des gens qu’on a fini par tolérer dans la communauté française. Voilà qu’on nous force à comprendre brutalement, qu’il existe en France une demi France qui ne sera jamais la France. Au nom des intérêt de la France.

Jérôme Carlos

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