Bilan et perspectives après 50 ans d’indépendance: des personnalités se prononcent

A l’occasion de la célébration du cinquantenaire de l’accession du Bénin à la souveraineté internationale, certaines personnalités jettent un regard rétrospectif sur ce parcours et évoquent l’avenir selon leur vision.

Pierre Mètinhoué, Professeur d’Histoire dans les universités

La Nouvelle Tribune : Quel sentiment vous anime en cette occasion où le Bénin fête ses cinquante ans d’indépendance ?

PM : Je dois dire que je ne suis pas très enthousiaste. Quand on regarde le Bénin aujourd’hui, 50 ans après son accession à la souveraineté internationale, on est tenté de se demander quels sont les grands problèmes que nous avons résolus, quels sont les défis que nous avons relevés. En disant cela, je pense à un certain nombre de domaines : l’agriculture, l’Education, la Santé. Je me demande si dans l’un ou l’autre domaine, nous avons posé des jalons de telle façon que les générations montantes et à venir n’auront qu’à continuer. Ma première déception est qu’au jour d’aujourd’hui, il n’y a pas de base qui soit suffisamment solide pour que le recul ne soit pas possible. C’est essentiellement ce souci qui m’anime en ce moment où nous célébrons les cinquante ans de notre indépendance.

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Lnt : Vous qui êtes historien, travaillant donc sur le passé, comment entrevoyez-vous l’avenir ?

PM : Je pense que nous devons avoir le courage de regarder objectivement ce que nous avons fait, ce que nous avons vécu au cours de ces cinquante ans. Chacun sait que les premières années ont été difficiles. Les questions de gouvernance n’ont pas été maîtrisées. La preuve, nous faisons des élections, nous donnons mandat à des gens, puis avant le terme de ce mandat, nous recommençons une autre expérience. Qu’on le veuille ou non, les coups d’Etat militaires que nous avons connus et que d’autres pays ont connu en Afrique, ont été à notre développement. Je crois aussi que comme le disait l’ingénieur agronome, René Dumond dès nos premières années il y a eu maldonne. Car, nous a enseigné en notre temps, que la vocation de développement de notre pays, est agricole. Aujourd’hui, quand je me souviens de cette formule, je me demande ce que cela signifie réellement. Je comprends cette formule comme la nécessité pour nous de baser sur l’agriculture pour nous développer. Mais je constate qu’au bout de cinquante ans, nous n’avons pas fait des merveilles dans ce domaine. Puisque en 2010, dans la majorité des cas, nos paysans ont encore la houe et le coupe-coupe à la main. Ce n’est pas de cette façon qu’à partir de notre agriculture, promouvoir un développement. Mon regard sur l’avenir, ce sera pour faire des vœux. Le premier, est que nous nous entendions pour que les bases de notre développement soient acceptées par le monde. Je fais aussi le vœu que notre option politique soit respectée de tous. Nous avons choisi la démocratie, de vivre dans une République, un territoire qui n’est la propriété de personne. Je souhaite que nous prenions ces choses au sérieux. Et qu’aujourd’hui comme demain, personne ne soit tenté de dire le Bénin est pour moi seul ou les gens de sa région. Battons-nous pour que ces notions de Démocratie et de République soient le socle de notre vie quotidienne sur lequel nous allons bâtir l’avenir de notre pays. Aussi, le Bénin tout ne peut-il rien. Il importe donc qu’au vu de tous les efforts qui se font sur le plan régional et africain (Cedeao, Uemoa, Union Africaine) le Bénin ne reste pas en marge.nous devrons donc enseigner à la jeune génération qu’il faut aimer le Bénin mais il faut aussi s’ouvrir aux autres citoyens de notre chère Afrique.

Me Robert Dossou, Président de la Cour Constitutionnelle

Lnt : cinquante ans après son indépendance, le Bénin se cherche toujours. A la lumière de vos expériences, que pensez-vous que le Bénin peut faire dans les prochaines années afin de connaître un réel développement ?

Robert Dossou : Il faut que tout Béninois, pas seulement ceux qui occupent des fonctions dans les institutions de la République, doit tirer leçon des cinquante ans passés. Il faut pour fixer les perspectives d’abord retenir pour les cinquante dernières années quelques points clé : absence de démocratie pendant longtemps et échec économique mais avec quelques lueurs d’espoir à partir de 1990. Il faut retenir principalement le motif qui a facilité la mutation des régimes militaires vers la démocratie. Et partir de là pour jeter un regard sur l’avenir. Si dans les années 90 nous avons pu faire des transitions, tantôt douce, en ce qui concerne le Bénin, et tantôt violente, en ce qui concerne la Mali, la Côte d’Ivoire, le Togo, l’ex-Zaïre, le Congo et bien d’autres pays, c’est parce qu’il eu un élément très pacifique. L’échec économique a facilité la mutation. Parce qu’une dictature qui rayonne économiquement et réussit, trouve les astuces pour se maintenir. Toutes nos dictatures ont échoué au plan économique et au plan social.  Cela a facilité la pression de la démocratie. Par conséquent, depuis 1990, nous sommes confrontés à deux exigences : la première, consolider les institutions démocratiques, la deuxième, démarrer réellement et effectivement le développement économique de manière durable. C’est un point clé que nous ne devons pas oublier. Si les difficultés économiques ont facilité le passage à la démocratie, les difficultés économiques peuvent également creuser la tombe de la démocratie. Chaque citoyen doit le savoir et c’est à cela que nous devons nous attaquer. Pour renforcer et consolider les institutions démographiques, il suffit de continuer et de persévérer dans l’établissement de l’Etat de droit. Seul le respect de l’état de droit. Seul le respect scrupule et par chaque citoyen et par chaque détenteur d’une fonction publique ou d’un pourvoir politique quelconque, c’est ce seul respect là qui va consolider ce démocratie. Et contrairement à ce que certains croient, le respect de la règle de droit facilite et impulse le développement économique. Mais le respect de la règle de droit ne fait que faciliter.

C’est une condition nécessaire mais pas suffit. Il faut le travail et l’organisation. L’indiscipline est quelque chose qui frêle le développement économique. Il faut que chaque individu susceptible de prendre une initiative économique soit assuré qu’il ne va pas subir une injustice qui perturbe ou fasse échouer son programme ou son projet. Voilà comment je vois les 50 années à venir. Nous devons avoir à l’esprit que si nous ne mettons pas le développement économique au soutien de la démocratie sera soit complètement dévoyée, soit complètement reconvertie dans une autre forme de dictature ou de prise d’otage de l’ensemble de la société par une mafia ou toute autre organisation de pression. En tout cas, nous ne réussirons pas à couvrir complètement les nouveaux espoirs que la conférence nationale nous a amenés et que jusqu’au jour d’aujourd’hui nous avons conservés sous réserve que nous nous organisons mieux et que nous travaillions davantage. 

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