Ex secrétaire général de la Centrale des syndicats autonomes du Bénin (Csa-Bénin), Guillaume Attingbé estime que tout le monde a une part de responsabilité dans l’affaire Icc-Serives et consorts qui défraye toujours la chronique. L’actuel président de l’Ong Afrisop, (Afrique sociale performance) déplore aussi le fait que le gouvernement gère seul le dossier au lieu d’associer toutes les autres composantes de la nation béninoise.
Depuis un certains temps, des organisations syndicales dénoncent avec plus de vigueur l’affaire Icc-Services et incombent une partie des responsabilités au gouvernement de Yayi . Qu’en dites-vous ?
Je commence d’abord par déplorer la chose au même titre que beaucoup d’autres compatriotes. Je suis de cœur avec ces milliers de Béninois, nos frères et sœurs à la campagne qui ont cru à Icc-Services et consorts et qui sont aujourd’hui désillusionnés. Mais je pense que chacun de nous à sa part de responsabilité dans cette affaire. Au Bénin, on aime facilement rejeter le tort sur l’autre, or cette affaire d’Icc-Services et consorts doit permettre à chacun de nous de s’assumer.
Vous vous sentez responsable donc aussi ?
Dans nos villes, villages et quartiers, nous ne pouvons pas dire que nous n’étions pas au courant de cette activité. Nous en étions bien informés. Aujourd’hui, la question est de savoir, ce que chacun de nous a pu faire à son niveau pour essayer quand même de mettre fin à cette affaire qui n’est qu’un dol. Nous ne devons pas que rejeter le tort sur l’autre, et particulièrement le gouvernement, sans être un partisan. Quand nous prenons les Ong dont j’en suis un, par exemple, elles ont entre autres pour missions d’éduquer la conscience des peuples. Que ce soit les syndicats ou les députés qui représentent le peuple, ce sont aujourd’hui leurs élus qui sont spoliés, et tout cela ne se faisait pas sur leur dos. On m’a même dit qu’il y a des cadres intellectuels de haut niveau qui se comptent aussi parmi les épargnants. Voilà des catégories d’épargnants que moi, je ne peux personnellement jamais défendre. Bref, je nous accuse tous dans l’affaire Icc-Services et consorts pour n’avoir pas combattu le mal à temps, nous qui sommes surtout à de différents postes de responsabilité, étatiques ou non étatiques.
Vous n’êtes donc pas d’accord avec vos collègues syndicalistes qui s’en lavent les mains ?
Non, je suis contre les fuites en avant. Quel est le rôle des syndicats ? Le syndicat, à mon avis, a pour rôle, entre autres, d’informer ses militants, d’aiguiser leur conscience, etc. Et je dis, comme je l’ai dit tout à l’heure, cette affaire a duré quatre ans dans notre pays. Mais dites-moi, si depuis ces 4 ans, il y a eu dans le monde syndical, des séances de sensibilisation pour attirer l’attention des militants sur ces faits-là qui sont des faits de société et qui se déroulaient aux yeux de tout le monde. Je crois qu’aujourd’hui, ce n’est pas la peine de crier ô voleur. Il faut placer le problème en amont plutôt qu’en aval. Quand je vois aujourd’hui des Ong et des organisations de masse, rejeter le tort sur un groupe donné, je dis honnêtement que ce n’est pas responsable. Je ne suis pas là pour condamner tel ou tel groupe, mais je crois que quand les gens ont des mandats, il faut que leurs activités se déroulent conformément à ces mandats.
Quelle appréciation faites-vous de la manière dont le gouvernement gère cette affaire ?
Personnellement, moi-même, je continue de me demander si c’est une affaire du gouvernement. Mais sur un autre plan, quand je vois les différentes couches qui sont touchées, nos pauvres sœurs et frères qui ont difficilement réuni 40 à 50.000 Fcfa pour aller les épargner chez Icc-Services et consorts, j’avoue que le comportement du gouvernement est acceptable ; seulement, je pense qu’au lieu que le gouvernement gère seul cette affaire, il devra associer les différents groupes socio-économiques et socio-culturels qui participent à l’élévation de la conscience des peuples, parce qu’il n’y a pas qu’à retourner seulement aux gens ce qu’ils ont déposé, il y a un travail qui doit se poursuivre après. La gestion de cette affaire doit être élargie à d’autres composantes de la nation, aux syndicats, Ongs et autres. On doit arrêter de la politiser à outrance et inviter tout le monde à la table de réflexion afin de trouver des solutions idoines pour atténuer les souffrances des populations, et surtout les milliers d’épargnants ainsi spoliés.
En tant qu’ex secrétaire général d’une grande centrale syndicale, en occurrence la Csa-Bénin, quels regards portez-vous aujourd’hui sur l’évolution de la lutte syndicale au Bénin ?
Ce que je regrette le plus, c’est qu’il y a aujourd’hui un phénomène de démobilisation dans l’environnement syndical. Il suffit de voir comment est-ce que les militants et les travailleurs répondent désormais aux invitations des responsables d’organisations syndicales pour juger de ce que je dis. Je crois qu’il va falloir penser à une refondation du mouvement syndical en Afrique et au Bénin.
Propos recueillis par Christian Tchanou