Le canular de Yayi à Amoussou et Sèhouéto

Il aura fallu un an, presque jour pour jour, pour que le chef de l’Etat, Boni Yayi, daigne répondre à la lettre à lui adressée conjointement par messieurs Bruno Amoussou et Lazare Sèhouéto. Ces derniers, en représaille à leurs dénonciations du régime des « changementeurs », devaient subir la riposte des chiens de garde du système. Pêle-mêle, ils seront cités comme auteurs de tel ou tel scandale. La BCB et l’affaire dite du crédit relais de la SONAPRA ont été évoqués.
 Pour une lettre partie le 24 août 2009, ce n’est donc que le 9 août 2010 que la réponse arrive. Si elle avait pris par le circuit traditionnel de la poste, on aurait soupçonné un facteur de l’avoir soutirée en pensant que le prestige de ses destinataires était un indice de trésor qu’on y aurait caché. Mais il n’en fut rien.  Le problème, c’est que le destinataire de la lettre de 2009, aujourd’hui expéditeur, apparemment sonné par la lettre qu’il reçut, ne sut pas sur le champ quoi répondre. Et il dut chercher longtemps, très longtemps. En droit administratif, ce long silence, alors qu’il était invité à poser un acte positif, aurait été analysé comme un refus.

Ne nous éloignons pas du droit administratif et, sans nous appesantir sur la singularité du facteur de circonstance, un motard officiel, relevons que le courrier a été porté sous le couvert de la nuit noire. Suivant décharge faite par l’un des destinataires, Lazare Sèhouéto en l’occurrence, c’est à 23h53 minuit c’est-à-dire à 7 petites minutes de minuit, que l’on est allé lui porter un courrier. Qui ose dire que nous ne sommes pas à l’ère du changement ? Sûr que c’est là une heure de visite et de travail, sous le « changement » et qu’il s’en trouvera pour justifier et défendre l’hérésie. Voyons la lettre de plus près pour constater qu’elle est signée de la Directrice de cabinet du chef de l’Etat. En clair, Boni Yayi ne l’a pas signée personnellement. S’il peut être admis qu’il délègue quelques responsabilités à des collaborateurs, l’on se surprend que pour une question aussi sensible qu’importante, et alors qu’il aurait pu donner à la lettre un caractère solennel très marqué, la signer de sa main pour en porter l’entière responsabilité, il opère un dribble déconcertant. Une feinte de corps qui laissera pantois ses chantres mais qui ne les empêchera pas de justifier cette tactique yayienne.

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Car on n’est certainement pas loin d’une tactique en cette occurrence. De là à ce que certains aillent dire demain, quand le ridicule de la démarche aura été dénoncé, que Boni Yayi n’était pas au courant d’une telle lettre, il n’y a qu’un pas de nain vite franchi. En effet, que coûtait-il à Boni Yayi dont la supposée détermination à lutter contre la corruption est vendue à ceux qui prennent encore les lanternes pour des vessies, de signer lui-même cette lettre ? Que lui coûtait-il ; plutôt que de demander aux deux hommes, des députés faut-il le rappeler, de prendre eux-mêmes les dispositions pour se mettre à la disposition de la justice, de saisir le président de l’Assemblée nationale, sur la base d’un dossier en béton ou même de simples suppositions, pour lui demander de faire procéder à la levée de leur immunité parlementaire ? En n’observant pas cette démarche, Boni Yayi, via sa Directrice de cabinet, ne fait-il pas dans la diversion ? Surtout qu’en ce moment, il patauge, son gouvernement avec, dans des scandales à répétition. Il ne serait pas alors superflu d’ouvrir un autre front pour détourner un peu les attentions.

Mais il faut reconnaître qu’il y a, en toile de fond de la démarche yayienne, un calcul politique primaire pour ne pas dire grégaire. Imaginez, en effet, Bruno Amoussou et Sèhouéto démissionner de l’Assemblée nationale. Peut-être n’auront-ils pas encore franchi la porte de l’hémicycle qu’ils seraient capturés et conduits au secret. Arbitrairement même s’il le faut. Yayi savourerait alors sa victoire d’avoir ôté des éléments et pas des moindres à l’opposition. Il sait aussi ou le pressent, Boni Yayi, que l’échec de la démarche serait politiquement désastreux pour lui. Fort de cela, il vaut peut-être mieux ne pas se mêler franchement au dossier. Au demeurant, cette lettre ressemble à un coup d’épée dans l’eau. Au mieux, un canular.

Par Wilfried Léandre HOUNGBEDJI (Source : http:/commentvalebenin.over-blog.com)

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