Samson Dossoumon : l’exemple

Que d’hésitation avant de nous décider à nous jeter à l‘eau ! C’est déjà une entreprise à la limite de l’impossible que de parler de Samson Dossoumon de son vivant. On suppose que l’exercice, maintenant qu’il a quitté ce bas monde, s’apparente aux travaux d’Hercule.

Le professeur s’en est allé en silence, presque incognito. Exactement comme il a vécu. Exactement comme il aimait apparaître et se voir dans le miroir des autres.

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Il ne reste pas moins que c’est un immense monsieur, un grand compatriote qui disparaît. Car le professeur Samson Dossoumon avait tout grand : de sa taille à sa pensée, de sa discrétion exquise à sa densité humaine. C’est en vain qu’on cherchera à le classer dans une catégorie d’hommes. Il était unique en son genre, sans qu’il donnât le sentiment de cultiver une quelconque singularité, une quelconque originalité.

Nous n’étions pas ami. Qui, du reste, peut se targuer de bénéficier de sa part d’un tel privilège ? Mais le professeur Samson Dossoumon  nous a honoré de son amitié en prenant part  à la cérémonie de lancement du premier volume de  recueil  de nos chroniques. Il y a moins de deux ans, au Codiam, à Cotonou. A l’étonnement de nombre de participants. C’est rare, en effet, qu’on croise, en pareil endroit et en pareille occasion, ce moine laïc, la rigueur, la simplicité et l’austérité faites homme.

Une autre marque d’amitié : le professeur Samson Dossoumon nous a fait parvenir, il y a à peu près un an, un exemplaire de ce que nous supposons être son dernier  ouvrage. Il s’agit d’un opuscule qui condense, avec une force incomparable, sa conception de l’éducation de la jeunesse africaine à partir des préceptes du scoutisme. Un détail qui dit l’homme et qui en dit long sur l’homme, c’est que nous ne disposions du moindre contact téléphonique de lui pour accuser réception de l’ouvrage et pour le remercier.

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Nous croyons que c’est de propos délibéré et de la manière la plus volontaire et la plus consciente qui soit que le professeur Samson Dossoumon a préféré l’effacement du sage à la présence tonitruante du bluffeur, la distance de l‘observateur dans son coin au flamboiement du frimeur à l’avant-scène. C’est un homme qui a  fait l’option, par rapport aux pratiques qui ont cours en notre les temps, de naviguer à contre courant, de caresser le monde autour de lui à rebrousse-poil.

C’est d’abord que ce monde a choisi l’artifice du paraître, s’étant laisser prendre au piège de croire que tout ce qui brille est or. C’est ce qui explique que la communication, désormais souveraine et triomphante, soit devenue l’incontournable miroir géant qui fascine tant et dans lequel chacun et tous voudraient se reconnaître. Quand, aujourd’hui, à une réunion publique, la presse, à travers la télévision notamment, est absente, rien ne démarre. Comme si l’on tenait les images sur l’événement plus importantes que l’évènement lui-même.

C’est ce culte du paraître qu’a récusé, sa vie durant, le professeur Samson Dossoumon. Et avec l’artifice qui lui sert de support. Et avec le spectacle qui l’habille d’un semblant de vie. Et avec l’éphémère qui l’apparente à une étoile filante dans un ciel vide. Comme si l’homme tentait de donner raison à l’adage selon lequel « Pour vivre heureux, vivons cacher ». Sinon que le professeur Samson Dossoumon ne se cachait pas. Mais il a compris, avant bien d’autres, à la suite d’André Malraux que (Citation) « La vérité d’un homme, c’est d’abord ce qu’il cache ». (Fin de citation).

En ces temps de grands bruits, où chacun se croit investi du droit de prendre la parole, de parler à tort et à travers, sans écouter ni entendre l’autre, le professeur Samson Dossoumon a choisi d’être pour nous, par et dans l’exemple, un professeur d’économie d’un genre particulier. Il nous a enseigné, en effet, comment savoir économiser les mots pour qu’ils ne se dévaluent point au travers de vaines transactions. Une manière de préserver la pensée de l’inflation verbale.

C’est que l’homme a compris que pour une saine communication entre les hommes, il y a avantage à écouter qu’à parler. Aussi nous a-t-il souvent entraîné sur la piste de ce proverbe arabe : (Citation) « Ta langue est un lion : si tu l’attaches, il te gardera, si tu le laisses échapper, il te dévorera » (Fin de citation). Sans oublier un autre proverbe, latin celui-la : « Il y a un temps pour ne rien dire, il y a un temps pour parler, mais il n’y a pas un temps pour tout dire. »

Voilà que c’est bien dit pour comprendre que l’homme que nous venons de perdre s’est offert à nous, sa vie durant, comme un exemple. L’exemple d’un homme de recherche de lui-même à l’intérieur de lui-même, plutôt qu’un homme attiré et fasciné, telles les éphémères, par la lumière extérieur du monde. S’il ne gagnait pas une place dans le paradis du bon Dieu, que personne ne s’étonnerait de le voir accéder à l’éternité du bon exemple.

Jérôme Carlos

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