Clôturée le 23 Août 2010, la dernière session extraordinaire de l’Assemblée Nationale du Bénin a suscité de vives réactions au sein de l’opinion publique. Raison de la polémique, les lois électorales qui devraient régir déjà les élections de 2011. Au nombre des dispositions controversées, celles relatives à la caution à payer pour se présenter à l’élection présidentielle, à la liste électorale, pour ne citer que celles là. Pour comprendre d’avantage les motivations des députés à ce sujet, nous avons rencontré pour vous, l’honorable Jude Boniface LODJOU, député de l’Union fait la Nation.
De cinq (05) millions, on est monté jusqu’à cent (100) millions, alors qu’il est bien évident que bien de Béninois remplissant les conditions nécessaires pour être Président de la République ne pourront jamais mobiliser cette somme. Qu’est ce qui motive cette disposition particulière ?
Merci beaucoup de me donner l’occasion de donner mon point de vue sur cette question d’actualité. J’aurais vraiment souhaité que cette loi soit promulguée avant de donner mon point de vue là-dessus car, tant qu’une loi n’est pas promulguée, elle n’est pas une loi. Si vous vous souvenez, déjà l’ancienne loi électorale m’a empêché moi, personnellement de me présenter aux élections présidentielles passées. Une loi fera toujours des exclus, c’est pour cela qu’elle est une loi. Elle ne permettra jamais à tout le monde de faire la même chose. La loi a toujours empêché des gens d’être candidats dans ce pays pourtant personne n’a jamais trouvé que c’était gauche. Le relèvement de la caution à 100 millions fait partie d’une série de mesures dont le but est d’assainir le paysage politique pour que vive notre démocratie. Quand on se réfère aux élections passées, malgré toutes les purges, nous avons eu 26 candidats, mais cela ne voudrait pas dire 26projets de société. Tout simplement parce que les textes le permettent, tout le monde veut être candidat et on dénote des 0,06% des suffrages recueillis. Il faut que cela cesse. Si quelqu’un veut se présenter à l’élection présidentielle, il faut qu’il ait un projet de société et que les citoyens partagent son idéal politique. Nous devons travailler à éduquer les populations à ce qu’elles partagent un idéal. Il faut cesser de s’amuser avec le peuple et la démocratie. Il y a d’autres conditions qui viendront pour assainir davantage le paysage politique béninois. Car si quelqu’un aspire à être Président de la République, il doit être porté par les populations. Nous voudrions que désormais ce soit les populations béninoises qui portent les candidats. Si quelqu’un sait qu’il doit mobiliser 100 millions et aussi avoir au moins 10% avant de pouvoir récupérer son argent, il va réfléchir avant de s’engager.
Dans la nouvelle loi, vous proposez la Léis à la place de la Lépi pour 2011. Pourquoi changer la Lépi à ce stade quand on considère les sommes faramineuses qui y ont été injectées?
Je vais dire quelque chose qui va peut être choquer des gens. La Lépi n’a jamais été officiellement mise en route pour les élections de 2011. C’est un instrument de développement pour notre pays. Nous avons besoins de cet instrument pas seulement pour les élections, mais pour d’autres usages. C’est une loi qui définit les règles générales pour les élections de 2011. Vous savez, la troisième partie de la Lépi n’a même pas encore commencé. Et c’est à la fin de cette phase que la liste définitive après les corrections nécessaires, sera affichée pour que les populations puissent s’en approprier. Et tout cela doit se faire avant que la CENA ne s’installe car c’est cette liste qui servira d’outil de travail pour cette CENA. Alors que selon les dispositions, la CENA devra être installée au plus tard avant fin novembre. Nous avons donc dit qu’au cas où la Lépi ne sera pas réalisée à temps, il nous faut une liste palliative, c’est là que nous avons proposé la Liste électorale informatisée sécurisée. Si donc la Lépi n’est pas réalisée avant fin Novembre, elle ne peut donc pas servir pour 2011. Les Béninois devront donc comprendre notre démarche. Tant que la Lépi ne sera pas bien vérifiée et attestée par toutes les parties en jeu, nous n’allons jamais accepter aller aux élections avec une liste tronquée. Voyez le temps que les Ivoiriens ont mis pour faire leur liste électorale. Ils ont travaillé à ce que la liste soit acceptée par tout le monde. Prenons l’exemple sur eux.
Le temps est l’un des motifs du rejet de la Lépi par les députés de l’opposition. Est-ce que le temps permettra de mener à bien la Léis quand on sait que nous sommes à quelques mois des élections?
Nous à l’Union fait la Nation, nous n’avons jamais rejeté la Lépi. Si nous l’avions rejetée, c’est que les députés FCBE l’auraient rejetée aussi, car l’honorable Chabi Cica avait proposé qu’au cas où la Lépi ne serait pas réalisée à temps, qu’il faudrait une autre liste sécurisée pour les élections de 2011. Souvenez vous bien depuis 1990 à nos jours, les listes électorales ont toujours été réalisées après l’installation de la CENA. C’est pourquoi nous travaillons pour que la prochaine CENA soit installée au plus tôt pour se mettre au travail. Je crois donc que le problème de temps ne se posera pas. Nous aurons le temps de bien faire les choses.
Vous qui aviez voté en faveur de cette loi. Après le vote, aviez-vous eu l’impression de servir les intérêts du peuple Béninois?
Véritablement. Parce que tout système électoral doit travailler à s’améliorer. Au Ghana tout près, on organise des élections limpides, qui ne souffrent d’aucune ou très peu de contestations. Mais qui sont ceux qui organisent les élections chez eux ? C’est une CENA professionnelle composée de trois ou quatre personnes à peine. Travaillons à corriger nos lacunes. C’est ce que nous avons fait. Et les gens nous prennent come des zombis, des extraterrestres. Non, nous sommes des élus du peuple. Notre mission n’est donc pas de desservir les intérêts des populations béninoises. La nouvelle loi qui doit régir les élections de 2011 a été votée en tenant compte des lacunes du passé, des insuffisances, des imperfections et des ratés que nous avons constatés lors des élections passées. Quand j’entends des gens dire que 11 membres ce n’est pas suffisant, moi je veux bien leur demander combien de département nous avons au Bénin ? Qu’on ne se trompe pas. Nous avons six (06) département jusque là. Cela voudrait bien dire que nous avons respecté le critère de représentativité des départements. Il faut comprendre que lors des élections passées les bases ont eu vraiment beaucoup de problèmes. Et nous avons voulu doter les bases de suffisamment de moyens matériels et humains pour mener à bien leur mission. Le travail de la CENA est un travail de supervision et nous croyons qu’à 11, ils pourront bien le faire. Je suis donc persuadé que nous avons fait un bon travail, un travail de qualité et à la pratique les Béninois nous comprendront et nous féliciteront.
L’autre dossier qui a retenu l’attention de l’opinion publique est celui relatif à la procédure d’extradition de quatre anciens Ministres devant la Haute Cour de Justice. On a l’impression que l’opposition tend à protéger ces anciens ministres?
Ce sont des âneries. En temps normal, je ne devrais pas utiliser ce mot. Mais face à certaines situations, si l’on est débordé il faut exprimer son débordement. Quel intérêt avons-nous, à l’Union fait la Nation à protéger un certain Armand Zinzindohoué, ou un certain Soulé Lawani ? Je ne sais pas. Quand les gens se retrouvent dans la grande mafia et qu’ils ne savent pas où donner la tête ils essaient de rejeter le tort sur les autres. Il ne suffit pas que le Chef de l’Etat veuille voir quelqu’un comparaître pour que cela soit fait. Nous voulons tous lutter contre le phénomène de la corruption au Bénin. Les députés ont le devoir d’étudier ce dossier pour voir si éventuellement ceux qui sont accusés n’ont pas de complices. Et si c’est le cas, que les complices aussi doivent être traités de la même façon. Le dossier des quatre Ministres est à l’étude au parlement et rassurez-vous, s’ils y a d’autres personnes qui sont impliquées, on va les appeler et ils répondront. L’Assemblée Nationale jouera sa partition, à moins que les députés de la mouvance ne votent pas pour cette action.
Votre mot de fin?
Nous aimons trop la polémique au Bénin. Si on doit avoir une loi pour les élections au Bénin, ce sont les députés qui sont les seuls habiletés à la voter. Nous l’avons fait. Que ceux qui ne sont pas d’accord saisissent la Cour constitutionnelle. Que les gens cessent de nous diaboliser parce qu’ils ont des intérêts qui sont menacés. Il est temps que chacun joue son rôle. Que ceux qui se sentent frustrés suivent la procédure légale au lieu de chercher à salir l’image des députés qui sont des artisans de paix au service du peuple. Je vous remercie.