Ce n’est peut-être pas une césure qui élague le rang de l’opposition en deux bouts bien distincts, mais c’est, à tout le moins une lézarde béante qui est apparue dans son mur, la semaine dernière, à l’occasion du vote du rapport d’activité du président de l’Assemblée nationale, Mathurin Coffi Nago. Comment comprendre en effet que les blocs de l’opposition parlementaire (Union fait la Nation, G13 et FCBE Sursaut patriotique, ces deux derniers groupes étant considérés proches de Bio Tchané) en soient arrivés à opérer une distanciation manifeste, qui laisse entrevoir un défaut d’entente, un manque de coordination ? Est-ce passager ? Durable ? Rien n’est moins sûr en ce moment. Seulement, le grand gagnant de ce croc-en-jambe auquel se sont livrés les partenaires de l’opposition parlementaire n’est autre que Mathurin Coffi Nago. Lui qui, comme la grande majorité de ses supporters les plus irréductibles au sein du parlement, s’attendaient déjà un nouveau rejet de son rapport d’activité. Mêmes les débats d’avant vote laissaient présager ce rejet. Il n’y aurait pas eu événement, l’homme ayant déjà établi un solide record du nombre de rapports d’activité rejetés pour un président de l’Assemblée nationale béninoise. Un record qui pourrait même être considéré par le Guinness des Records, tant il ne serait pas aisé de trouver mieux.
L’événement, ce fut plutôt le vote surprise de ce rapport. Il devait être verni ce jour-là, Mathurin Coffi Nago. Plus événementielles encore, les explications de vote fournies par certains membres du G13 et de FCBE Sursaut Patriotique. En fait, ils ont émis un vote sanction non pas contre le président de l’Assemblée nationale mais contre leurs partenaires de l’Union fait la Nation. Ce bloc, à en croire les opposants dans l’opposition, se comporterait de façon à faire penser qu’il a déjà gagné le pouvoir et à ne pas les considérer à leur juste valeur. On subodore dans cette attitude des opposants dans l’opposition, un avertissement détonant. Qui suggère que l’opposition n’est pas aussi solide, aussi soudée qu’il n’y paraît. Cet avertissement a l’heur d’intervenir à un moment où il peut être encore possible de colmater les brèches. Mais il fait penser aussi que rien n’est acquis et que les jeux sont loin d’être faits. Les victimes de cette attitude, elles, devraient avoir intérêt à ne pas y voir que la manifestation d’une volonté de faire du chantage. Mais surtout une invite à changer de fusil d’épaule. A se remettre en cause.
En clair, c’est un avertissement à prendre très au sérieux par tous ceux qui pensaient ou pensent encore que tout est goupillé, qu’il faut simplement attendre le jour du match pour porter l’estocade à l’adversaire. La politique, c’est un domaine dynamique où le figé semble ne pas exister, où tout est en mouvement permanent selon les convictions du moment, selon les intérêts en jeu. Il serait donc proprement illusoire de se fier et de s’accrocher à du vécu pour jurer de l’avenir. Car, ce vécu permet tout au plus d’esquisser les contours de l’avenir mais ne fait pas l’avenir. Il faut se le tenir pour dit. D’ici à là, la bataille va être rude, elle va gagner en intensité. Les intrigues vont se faire plus incisives. Les certitudes du moment peuvent s’évanouir. L’opposition, dont la cohésion a été mise à mal, se met-elle dans la position idéale pour arriver à s’imposer ? Si elle pensait y être déjà, elle a dû se rendre compte qu’il y a encore loin de la coupe aux lèvres. Les brèches ouvertes peuvent être exploitées judicieusement par l’adversaire autant que l’opposition elle-même peut parvenir à colmater ses brèches, se redonner confiance.
En tout cas, les lézardes restent rarement inoccupées par les lézards et il ne faut pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué…
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