A propos des démissions d’Evêques au Bénin: Que penser ? Que dire ? Que faire ?

Ancien  curé de la paroisse Ste Rita et ancien Recteur de la Basilique de Ouidah ,  le révérend père André Kpadonou,  actuellement en année sabbatique en France ,  se prononce sur ce qu’il est convenu d’appeler « la crise  qui secoue l’Eglise du Bénin ».Une crise suscitée par la démission de nos deux archevêques ,démission qui a donné libre cours à bien des rumeurs. Depuis Paris, l’homme d’église donne son avis sous forme de questions auxquelles il propose des réponses à l’endroit aussi bien du clergé  que de la communauté des chrétiens catholiques.

« Rome vient de frapper encore l’Eglise du Bénin » me disait un Béninois au téléphone suite à l’annonce de la démission  de l’archevêque de Parakou. Rome vient de frapper encore l’Eglise du Bénin ; une pensée qui était donc venue à l’esprit et fut extériorisée. Cette pensée a pu venir aussi à l’esprit d’autres personnes, béninoises ou non, expression de sentiments sans doute divers que nous ne nous n’engageons pas à « décrypter ». Mentionnons plutôt d’autres interrogations et /ou exclamations qui nous sont parvenues :« Encore ! » . « Décidément ! » « Où allons-nous ? » « Qu’allons-nous devenir ?» « Qu’est-ce qui se passe donc avec les évêques du Bénin ? » « Quelle épreuve dure pour notre grand jubilé des 150 ans d’évangélisation ? » Et j’en passe. Car bien des pensées ont niché dans les esprits depuis la mi-juillet 2010. Et pour cause !

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Si nous n’arriverons pas à maîtriser absolument l’éclosion des idées dans notre esprit, l’éclosion des pensées dans notre tête, la réponse à la question. «  Que dire ? » relèverait davantage de notre intelligence et de notre volonté. Car nous avons la capacité voire le devoir de dire ce que pensons après l’avoir pensé c’est-à-dire après avoir mûri ,  réfléchi  l’idée, la pensée qui nous est venue à l’esprit, et pourquoi pas l’information qui nous est parvenue et qui en a ajouté à ce  de quoi notre esprit est riche ou encombré. Une certaine sagesse affirme aussi que toute vérité n’est pas bonne à dire. J’ajouterais que la vérité à dire ne sera pas toujours dite n’importe comment dans certains cas. Je pense à la déontologie médicale. Nous pouvons prendre aussi le cas de l’annonce à une maman septuagénaire du décès accidentel de son fils unique de quarante cinq ans laissant une veuve et quatre enfants dont l’ainé n’a que quinze ans .Par ailleurs la sagesse divine véhiculée par la Parole de Dieu, les Saintes Ecritures, invite le chrétien à gérer la vérité dans la charité et à vivre la charité dans la vérité. Voilà donc quelques éléments susceptibles, me semble-t-il, d’aider chacun à répondre habituellement à la question « que dire ? » et  à y répondre dans la conjoncture ecclésiale de mon cher pays le Bénin. Que de choses se disent, se colportent, se communiquent  sans négliger  l’objet de risée que le chrétien catholique, la religieuse, le prêtre sont devenus dans certains taxis, dans certains milieux.

Que faire ? Comme premier élément de réponse, il m’est venu à l’esprit cette recommandation qu’aimait bien Mgr Isidore de Souza, de mémoire  lumineuse : « avoir la tête froide et le cœur chaud » Autrement dit, la raison et la foi, pour reprendre ce binôme très cher à notre Saint Père, le Pape Benoît XVI, pourraient nous aider, à vivre au mieux l’épreuve que subit l’Eglise du Bénin, et les fidèles laîcs en particulier en sont très affectés voire démoralisés ?

La première démarche de la raison que je propose est que notre esprit se porte à la source première et officielle d’information relative à la nomination et à la démission d’évêque :  la Radio Vatican, «  la Radio du Pape » Ainsi avant   de survoler les océans, toute nomination ou démission d’évêque (ou d’archevêque) est d’abord annoncée par Radio Vatican. Pour les cas de démission « la Radio du Pape » reste très sobre et fait preuve de ce que l’on peut appeler le tact affiné de la charité qu’est la délicatesse. Ainsi elle  se réfère tout simplement au  canon 401 du Code de Droit  Canonique (entendez la législation universelle de l’Eglise catholique). Citons ce canon :

Canon 401 § 1. L’Evêque diocésain qui a atteint soixante-quinze ans accomplis est prié de présenter la renonciation à son office au Pontife Suprême qui y pourvoira après examen de toutes les circonstances.

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§ 2. L’Evêque diocésain qui, pour une raison de santé ou pour toute autre cause grave, ne pourrait plus remplir convenablement son office est instamment prié de présenter la renonciation à cet office.

Voilà qui est donc clair dans le style canonique de l’Eglise , ce que nous exprimons ordinairement par le terme de démission. En fait l’Eglise du Bénin a déjà connu par le passé, les deux cas de  démission prévus par le canon 402. Mais l’inédit au Bénin est sans doute le deuxième motif du § 2 « pour toute autre raison grave ». Comme pour les autres canons du Code de Droit Canonique, il y a des commentaires, des explications de ce canon. Nous n’allons pas étaler ici ces commentaires. Mais reportons-nous simplement au dernier canon du Code de Droit Canonique. C’est le canon 1752, conclusif donc de tout le document législatif, et qui s’inscrit dans le contexte immédiat de la procédure de révocation et de transfert des curés. Il stipule ceci : « Dans les causes de transfert, les dispositions du canon 1747 seront appliquées, en observant l’équité canonique et sans perdre de vue le salut des âmes qui doit toujours être dans l’Eglise la loi suprême. »

A la lumière de  cette affirmation, peut-on continuer de penser et de dire que Rome a frappé ou vient de frapper encore l’Eglise du Bénin, qui n’est pas du reste une réalité autre que l’Eglise du Christ, l’Eglise catholique en terre béninoise. Rome comme nous le disons voudrait-elle la perte, la ruine d’une partie d’elle-même ? Bien sûr que non.

Et voilà que la prochaine visite du Pape Benoît XVI en Afrique en 2011 sera exclusivement au Bénin. Quelle grâce ! Quel honneur ! Quelles responsabilités. Dieu aime notre pays. Le Vicaire du Christ aime le Bénin. Rome aime le Bénin.

Que faire en la conjoncture pour « garder la tête froide et le cœur chaud ? » Il faut essentiellement, à mon avis, un réarmement spirituel pétri par la Parole de Dieu et éclairé par l’histoire de l’Eglise en vue d’un enracinement profond dans la foi catholique et d’un attachement indéfectible à Jésus Christ, le Sauveur, l’Unique Grand Prêtre Eternel. Autrement dit évêques, prêtres, diacres, religieux, religieuses, laîcs, convertissons-nous vraiment au Christ et notre pays vivra, et l’Eglise du Christ au Bénin retrouvera le souffle vivifiant pour poursuivre l’unique mission évangélisatrice, l’œuvre divine du bonheur profond et durable de l’homme. Dans notre action de grâce  pour le grand jubilé des 150 ans d’évangélisation du Bénin, n’attendons-nous pas également  du Seigneur de nouvelles grâces exprimées avec justesse dans la prière du jubilé. Citons-en juste un paragraphe :« Qu’il te plaise , Seigneur, de nous aider à « repartir du Christ » pour convertir et évangéliser en profondeur nos cœurs et nos familles, notre cité et nos cultures. »

Je suis tenté de dire : « Menons ce combat de la conversion les yeux fixés sur le Christ. Ouvrons vraiment nos cœurs à sa Parole d’amour, de vérité, de vie, d’espérance. Ecoutons-le dénonçant en nous  le pharisaïsme. Laissons poser son regard  de miséricorde, déçu qu’il peut être de notre manque de foi. A ses pieds prenons conscience du décalage entre l’idéal évangélique et notre vie , notre être profond et notre paraître, notre prédication et notre vie (qu’elle soit dite privée ou non), entre nos paroles et nos actes, entre nos exhortations et nos prises de position. Nous, évêques, prêtres et diacres en particulier, que faisons du trésor de grâces de la liturgie des heures par laquelle l’Eglise nous propose abondamment  la Parole de Dieu sous diverses formes si je puis ainsi m’exprimer sans oublier les écrits textes patristiques ? Et notre célébration de l’Eucharistie ? Heureusement qu’il y a la doctrine catholique de « ex opere operato. » Mais nous savons que si nous sommes prêtres pour les fidèles, nous sommes chrétiens avec eux et partageons avec eux la vocation baptismale à la sainteté. Avec le cardinal Christoph Schönborn, laïcs et prêtres, comprenons alors : « Ce n’est pas à cause du sacerdoce, de l’épiscopat que quelqu’un est « automatiquement » plus saint. Si l’on béatifie bientôt le pape Jean-Paul II, ce ne sera pas à cause de son pontificat, mais à cause de sa sainteté acquise à travers l’exercice du sacerdoce, de l’épiscopat, du pontificat. »

( La joie d’être prêtre à la suite du Curé d’Ars . Burtin. Editions des Béatitudes, novembre 2009 p.22)

Par ailleurs, l’Esprit-Saint ne nous invite-t-il à passer d’une foi marquée par le sentiment à une foi mûre,  à passer d’une pratique religieuse bien souvent « personnalisée » à une vie chrétienne vraiment d’Eglise

Cessons par exemple d’aller à la Messe sur telle paroisse qui n’est du reste pas la nôtre parce que nous avons tout fait là (nous avons reçu les sacrements là) ou de fuir la Messe de tel ou tel prêtre encore que le prêtre n’a aucune Messe à lui ou bien en tant que prêtre « partir en mission malgré soi, pour les beaux yeux d’un évêque ou par calcul d’intérêts secrets. Nous nous comprenons et j’entends les enjeux. Qu’il me suffise de reprendre ici sous la forme optative le titre de la remarquable première lettre apostolique de l’archevêque de Cotonou, son Excellence Mgr. Antoine Ganyé  que « L’amour du Christ nous presse. » Il va sans dire qu’il est important de lire, de relire, de méditer cette lettre.

Je conclus par ce cri d’espérance du prophète Jérémie : « Si nos fautes parlent contre nous, agis, Seigneur, pour l’honneur de ton nom ! Tu es au milieu de nous, et ton nom a été invoqué sur nous ; ne nous condamne pas, Seigneur, notre Dieu. » (Jer 14,7.9b)

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