(Le cas désespérant du Cnhu)
En poursuivant avec plus de vigueur leur mouvement de grève, les paramédicaux veulent sans doute montrer leur degré d’insatisfaction face à la manière dont le gouvernement gère leurs différentes revendications. Mais tout donne l’air aujourd’hui qu’ils en font un peu plus, oubliant qu’ils exercent dans un secteur aussi sensible que la santé.
La grève des paramédicaux passe désormais de 72 heures à 96 heures par semaine, toujours sans service minimum. La décision a été prise lundi dernier par le Front uni des organisations syndicales de santé (Fuoss), lors d’un sit-in géant tenu devant le Cnhu à Cotonou. S’il faut leur concéder le droit à la grève, comme le prescrit la loi en la matière, il y quelque chose de gênant lorsqu’on se rend compte ici qu’il s’agit du secteur de la santé. Autrement, la vie humaine. Et en cela, les agents de santé actuellement en grève ne semblent pas encore mesurer toute la gravité de leur acte, d’autant qu’ils s’obstinent même à observer le service minimum. Autant fermer les hôpitaux et autres établissements sanitaires relevant du secteur public, si le travail doit se faire uniquement les lundi et les vendredi. Un peu comme si on demandait aux béninois de ne pas tomber malade en dehors de ces deux jours. Dans le fond même, cette grève pose problème à la lumière des revendications exprimées. La première qui plafonne toutes les autres est celle liée à la prime de risque. La question s’agite depuis que le gouvernement a pris l’option de ne satisfaire que le cas des médecins à hauteur de 100.000 Fcfa chaque mois, pendant que les autres corps de santé continuent de percevoir 6500. Y a-t-il injustice ? A l’évidence, oui. Reste qu’il faille discuter et négocier pour aboutir à de nouvelles mesures acceptables par tous. Mais cela n’exclue pas le fait de soutenir l’avantage accordé aux médecins, en tenant compte de leur grade et de leur degré de responsabilité dans tout système médical. Le débat a été en tout cas, fait en son temps, au point où des propositions actuellement en cours prévoient le rehaussement de la prime des paramédicaux, suivant les catégories. Ainsi, il est prévu 50.000 Fcfa pour la catégorie A, 40.000 F Cfa pour la B, 30.000 Fcfa pour la C et 25.000 Fcfa pour les catégories D et E. Cette répartition selon le gouvernement répond surtout au souci de compétence, même si l’argument avancé de l’autre côté soutient plutôt que les agents toutes catégories confondues, courent les mêmes risques. Outre les primes de risque, les grévistes réclament également le paiement d’arrières de primes de motivation au titre des années 2007,2008 et 2009 ; la restitution des défalcations opérées sur les salaires pour fait de grève et l’accélération des travaux de reversement dans la fonction publique d’agents occasionnels. A une récente concertation entre les syndicalistes de la santé et des membres du gouvernement, le ministre Koupaki a fait savoir que ces revendications ne peuvent trouver satisfaction, qu’en 2012, n’étant pas prévues au budget 2010. Non sans savoir qu’il mettait ainsi le feu aux poudres
Et le sort des patients !!!!
Face à la récession économique et la crise financière internationale actuelle, les paramédicaux doivent savoir raison gardée. S’il est vrai que leurs revendications demeurent légitimes, la situation n’est pas pour autant dramatique à leur niveau. A côté d’autres travailleurs, certains semblent même mieux lotis. Dans un hôpital comme le Cnhu, les agents se plaignent moins aujourd’hui que par le passé, plusieurs avantages leur étant octroyés. Les salaires ne sont pas les plus bons au monde, mais ils sont loin d’être miséreux, en dépit de la trésorerie critique de cet hôpital. C’est la réalité des faits. Ce qui amène à s’interroger sur le regard que portent ces agents grévistes vers les malades en radicalisant leur mouvement. C’est à croire que la vie humaine n’a plus de sens à leurs yeux. Oui, on peut le dire aujourd’hui lorsqu’on constate que ces agents s’opposent à tout secours envers des cas urgents. Lors des dernières grèves, des patients à l’état critique ont dû finir à l’au-delà, pour avoir été abandonnés sur des bancs de l’hôpital. Même de petits enfants malades seraient également dans le lot des victimes.
Le pire ne se produit pas qu’à Cotonou, selon diverses sources qui racontent des scènes atroces dans certains centres de santé de l’intérieur. Des agents grévistes, prétextant de la situation, refoulent les patients, parfois avec violence. Le cas de cette femme enceinte dans le département du Zou, traînée jusqu’au portail pour aller enfanter ailleurs, fend le cœur. Au demeurant, les attitudes observées chez certains agents de santé en ces temps de grève frisent la morale et amènent à se demander ce qu’ils préfèrent réellement entre l’argent et la vie humaine. La question se pose en effet.