La lutte syndicale au Bénin ne se fait plus «cadeau». Elle devient de plus en plus un jeu d’intérêt dans lequel, le meilleur emporte très souvent le gros lot. La Bourse du travail n’en fait plus tellement une exception aujourd’hui. Ils sont régulièrement entre deux avions, roulent des véhicules haut de gamme, vivent dans des maisons de luxe et s’habillent chic. Les temps des Luc Togbadja, Léopold Dossou et autres, sont apparemment révolus dans le monde syndical.
Ce n’est plus l’époque des éternelles chemises, ni des longs pantalons aux bas larges. Ils sont aujourd’hui des hommes de classe. Certains parmi eux, respirent l’aisance jusque dans leurs paupières. La défense des droits des travailleurs paye bien apparemment. Le poste est bon. Parfois, juteux. Mieux que celui des simples fonctionnaires, qu’ils étaient. A la tête des unions et confédérations syndicales, comme au plus bas niveau, chacun tire son compte. La Bourse du travail ressemble de plus en plus à une grande cour où côtoient plusieurs rois, chacun avec ses moyens, son trésor, sa troupe et ses thuriféraires.
Question : où trouvent –ils autant d’argent pour s’offrir cette vie de farnienté ; à l’image des ministres, députés et autres hauts responsables du pays? Tout un secret. C’est le cercle des initiés. Si certains occupaient de grands postes, dans leurs fonctions précédentes, d’autres ont trouvé leur salut et retrouvé le sourire en devenant secrétaires généraux d’organisations syndicales. « Si vous voyez comment fonctionne ma centrale avec les nombreuses actions et activités que nous menons, vous devez vous rendre compte que nous ne nous contentons pas seulement de la subvention annuelle de l’Etat » a récemment lâché un éminent syndicaliste. Ainsi dit, cette subvention ne leur fait pas ou plus grand-chose, à le croire. D’autres partenaires locaux s’occupent du reste. Question de négociation et aussi de la tête du client. Certaines organisations syndicales trouvent également leur bonheur financier auprès de leurs homologues des pays du Nord, non sans que le Chef local s’y ait mis de tout son poids.
Les cotisations aussi n’existent que de nom. Les militants n’en font plus leur souci majeur. Le maître céans, comme dans le milieu politique, se « débrouille » pour faire vivre son syndicat ou sa centrale syndicale. Il décide de tout. Rien de possible sans son dernier mot. Il peut faire et défaire tout en attendant le prochain congrès. Il existe même des syndicats où ce type de congrès visant à renouveler le bureau exécutif, ne se tient que bien au delà des délais prescrits par les textes. Ou presque pas. Et s’ils s’organisent dans les rares cas, tout se cuisine et se manœuvre pour reconduire le secrétaire général sortant.
Derrière les grèves incessantes
Les multiples grèves, marches de protestation, sit-in et autres actions fortes des syndicats laissent croire sans doute, qu’ils s’accrochent toujours à leur mission première. Celle consistant à défendre le droit des travailleurs. Actions légitimes et reconnues par les lois de la république. Qu’à cela ne tienne !! Mais dans le fond, des interrogations subsistent. On susurre que des responsables syndicaux se sont servis par le passé de ces grèves pour « s’enrichir ». L’occasion étant bonne pour discuter en direct avec les autorités. Dans le lot, certains n’hésiteraient pas devant l’appât sonnant et trébuchant qu’on leur propose pour suspendre le mouvement. Des révélations ont été faites sur plusieurs cas de grève, où des « cachets spéciaux» qu’auraient remis des ministres à des responsables syndicaux, ont contribué à faire baisser la tension. Si ce n’est pas le cas de tout le monde, notamment ceux qui demeurent intraitables devant l’argent ou autre « cadeau » offert, des témoignages existent sur de nombreuses tentatives de corruption dans le monde syndical béninois. Le trésor du combat qu’ils mènent a donc diverses sources d’approvisionnement, des plus saines aux plus suspectes.
La polémique a fait rage quand des syndicalistes de renom se sont récemment associés à des formations politiques de l’opposition pour créer le Front de défense de la démocratie (Fdd). Le combat a priori est noble, pour autant que ce front entend préserver la bonne expérience démocratique entamée par le Bénin depuis 20 ans déjà. Face aux multiples scandales et autres crises qui émaillent le mandat finissant de Boni Yayi, l’association des syndicalistes et politiciens dans un creuset, traduit leur souci de mener une lutte commune pour redonner espoir au peuple béninois. Reste qu’il y a des interrogations autour de ce mariage subit entre deux composantes de la société qui mènent deux combats différents : l’un pour accéder à des postes politiques, l’autre pour défendre les droits des travailleurs. D’où l’interrogation de beaucoup de béninois sur les réelles motivations que cache ce front.
Au demeurant, il faut retenir que la lutte syndicale est en train de perdre tout son sens au Bénin, au profit d’une classe de responsables syndicaux, convaincus que l’occasion est aussi bonne pour se refaire une bonne santé sur tous les plans.
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