Sommes-nous à l’abri du syndrome ivoirien ?

Depuis le 28 novembre dernier, la communauté internationale n’a d’yeux que pour la Côte d’Ivoire. Et tous les observateurs retiennent leur souffle, tant chacun est conscient que la déflagration, inhérente à la situation qui prévaut, peut se produire à tout moment. Il suffirait que d’irrédentistes supporters de l’un ou l’autre des camps en présence, décident de passer à la vitesse supérieure pour prendre l’adversaire de court. On ne jure pas alors de la suite des événements.

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Mais, fort heureusement, pour le moment, les deux camps semblent vouloir faire à la Côte d’Ivoire l’économie d’un nouveau conflit armé avec son cortège de morts et de casses. Et pourtant, le déroulement du premier tour du scrutin et le débat inédit et civilisé de l’entre deux-tours, invitaient à croire en la renaissance de la Côte d’Ivoire, même s’il est vrai qu’au cours de ce débat, l’on vit la volonté de Laurent Gbagbo, faisant découvrir en live à son adversaire, sa décision d’établir un couvre-feu qui ne semblait pas objectivement justifié, l’on vit la volonté de Laurent Gbagbo disais-je, de garder la main.

S’il s’était déjà abstenu, au cours de ce même débat, de promettre à son adversaire de l’appeler pour le féliciter au cas où ce serait lui le vainqueur, s’il avait déjà dit aussi sa conviction de ne pas être battu ajoutant un énigmatique « J’y suis, j’y reste » dans une interview accordée à nos confrères de Jeune Afrique avant même le premier tour, Laurent Gbagbo semblait indiquer clairement que la défaite ou l’échec ne font pas partie de son vocabulaire politique. Dès lors, faut-il s’étonner de ce qui advint par la suite ? Une Commission électorale indépendante littéralement empêchée de proclamer les résultats provisoires et dont le président s’arrange enfin pour officialiser les chiffres donnant plus de 54% à Ouattara, donc une victoire nette, un Conseil constitutionnel qui, avec une célérité de métronome, a épluché en 24h à peine plus de 22.000 procès-verbaux et a réussi l’exploit d’annuler les voix d’au moins sept départements favorables à Alassane Dramane Ouattara, et donc de griller au passage pas moins de 600.000 voix pour permettre à Laurent Gbagbo de combler son énorme retard et d’inverser la tendance pour enfin s’imposer avec un peu plus de 100.000 voix ! Il faut le faire. Et, dans le bruit des querelles, on oublie souvent de mentionner qu’en vertu des accords internationaux de sortie de crise, les résultats de l’élection devaient être certifiés par la Force de l’ONU présente dans le pays, l’ONUCI.

Voilà donc que cette dernière qui a été au cœur du processus, a certifié l’élection de Ouattara et martelé qu’aucune gymnastique juridique ne pouvait aboutir à l’invalidation de son élection, même si tous les recours du camp Gbagbo étaient opérants. Au-delà de débat sur la souveraineté de nos pays, dans lequel je ne veux pas rentrer ici, se pose le problème de la crédibilité de nos institutions, dont la mise en place répond souvent plus à des considérations politiciennes qu’objectives. Dès lors, les calculs partisans peuvent damer le pion à la nécessaire observance de la justice et de l’équité. Cotonou se trouve à peine à une heure quinze de vol d’Abidjan. Sommes-nous à l’abri de ce qui s’y passe ? Par effet de contagion ou par mimétisme assumé, ce syndrome ne nous menace-t-il pas ? Même si cela n’est pas une assurance tous risques, il faut mentionner que notre président de Cour constitutionnelle est élu par ses pairs membres de l’institution, cependant que son homologue ivoirien est nommé. C’est assurément un avantage comparatif en termes d’indépendance mais c’est loin de suffire. Et l’on espère simplement que les nôtres sauront sauvegarder leur renommée. L’on devrait aussi rappeler souvent que dans ce pays, en 1968, il y a eu une élection présidentielle invalidée de sorte que, le docteur Basile Adjou Moumouni qui fut élu, ne put jamais exercer son mandat.

La raison avancée alors tenait à la très faible participation des citoyens qui faisait jaillir corrélativement un déficit de légitimité sur le nouvel élu aux yeux du régime militaire qui organisa le scrutin. Aujourd’hui, dans notre Constitution, le faible taux de participation n’est pas évoqué pour être une cause de nullité des élections. Le risque ne viendra donc pas de ce côté-là. Mais on sait que notre Cour constitutionnelle a la possibilité d’annuler des voix sur la base d’irrégularités qu’elle aurait pu observer par elle-même, ou qui lui seront rapportées. C’est à ce niveau qu’il faudra, me semble-t-il, que tout se joue dans la transparence et que tous les choix soient sous-tendus par des justifications imparables. Sans vouloir prêter d’intention à qui que ce soit, ni douter de qui que ce soit, je crois qu’il faudrait néanmoins le dire pour que tous les acteurs du processus électoral chez nous (membres de la CENA, candidats, électeurs, juges électoraux) jouent leur partition, le cas échéant, à merveille.

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Pour que celui qui serait déclaré vainqueur soit celui qui ait effectivement la légitimité populaire. Qu’il ne perde pas dans les urnes et se fasse coopter par le juge électoral…

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